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Une Légende s'éveille... de Ramius



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Evaluation de Icej

Expression


Ton expression est travaillée sans être lourde. Tu utilises du vocabulaire précis pour décrire les effets des algovictueurs, les baleiniers et les systèmes nerveux des Pokémon, ce qui est très appréciable. L’utilisation de ce vocabulaire est logique car il est inscrit dans la voix narrative de scientifiques (Seko) ou de personnages qui s’y connaissent relativement bien en bateaux.

J’ai été désarçonnée par le fait que tu ne décris pas une seule fois la voix des personnages. Non seulement je ne sais pas s’ils ont une voix aiguë, rauque, sifflante, hésitante, agréable, profonde, charismatique, etc, mais j’étais perdue dans les dialogues. La voix permet de révéler des facettes de la personnalité des gens, permet de révéler leurs émotions quand ils parlent. Pourquoi, alors que les marins survivants recueillis par l’Essex racontent une tragédie qui a fauché tout leur équipage, décrivent un monstre jamais vu auparavant, n’ont-ils pas la voix qui tremblent ? Pourquoi ne bégayent-ils, ne pleurent-ils pas, ou au contraire ne se retrouvent-ils pas muets ? Tu ne nous offres “[r]ien,” pour citer l’un d’entre eux. Aucune prise. La voix peut, par ailleurs, être un enjeu de pouvoir. Les femmes ont tendance à parler moins fort, à se laisser couper la parole plus facilement, etc. L’expression des personnages varie aussi en fonction de leur classe sociale, ce qui aurait pu être révélateur pour Max, Arthur, ou même certains Sbires…


Histoire


Tu dis t’inspirer de Moby Dick. Je n’ai pas lu ce Melville, dont je m’abstiendrai de comparer ! En tout cas, ton histoire apporte un renouveau à la section fanfic, ce qui est très, très, trèèès appréciable. Je te pardonne les exagérations durant les découvertes des naufrages… quatre mille personnes qui meurent d’un coup ! Comment diable un petit équipage d’une vingtaine de personnes peut-il prétendre prendre la mer et pourchasser le monstre sans avoir peur de couler ?

Tu as clairement choisi de creuser les aspects politiques et économiques. J’ai aimé les références aux réformes des douanes, au libre-échange, etc. Quelques couacs nuisent à la vraisemblance de la société Hoennaise telle que tu nous la dépeins. Par exemple, il est étonnant que “tout le monde” aille à la Bourse et “essaie de s’enrichir pour passer le temps”. Certes, les classes moyennes chinoises ont acheté des actions à la Bourse de Shanghai et ont été ruinées en 2015, mais tu conviendras que pour des gens qui triment, “passer le temps” (déjà rare) en bourse n’est pas commun. Deuxièmement, “un” supermarché pour une grande ville, ce n’est juste pas possible. Tu as peut-être essayer de faire un clin d’oeil aux Pokémart des jeux ? Mais pourquoi ce clin d’oeil alors que tu as choisi de ne pas coller au simplisme des cartouches le reste du temps ? Quoiqu’il en soit, un monopole peut être exercé à travers une chaîne de magasins.

Tout ceci m’amène à me demander si ton Hoenn est l’équivalent de la France ou d’un pays en voie de développement comme la Thaïlande, la Malaisie, etc.

La manière dont la Team Éco envisage de hacker les banques ne rend pas compte du niveau de protection élevé de ses instituts, et les folies des grandeurs en bourse sont peut-être un peu simplifiées ; mais il est très difficile de décrire ces phénomènes, donc je te pardonne. Par contre, la façon dont la Team recrute, est organisée, etc, est un peu tirée par les cheveux… je me demande si une organisation clandestine, à fortiori criminelle, aurait des locaux dans une grande ville, surtout si les effectifs de polices ont été quadruplés dans les dernières années, et puis raconter leur plan aux nouvelles recrues à tout va… quand des jeunes se radicalisent, cela prend souvent plusieurs mois, plusieurs années… une temporalité plus longue n’aurait pas nui à ta fic. Mais surtout, le débat du chapitre dix tombe un peu à plat. Tous les personnages parlent en permanence “d’idéaux” communs, mais ils sont très flous. En relisant ce débat plusieurs fois et en le résumant, j’ai compris que Max était réformiste et souhaitait changer le système depuis l’intérieur, tandis qu’Arthur est révolutionnaire, et voudrait s’y attaquer de l’extérieur. Pas de débats sur le contenu, le fond, juste sur la forme et la tactique… Pourquoi ne pas être plus clair et employer carrément des termes et références politiques ? Après tout, tu as choisi d’être réaliste, tu as choisi de parler d’économie et de politique. Autant y aller à fond. Mais y aller à fond sans grossir le trait… La manière dont le conseil quatre s’exprime est franchement risible… “donner à la plèbe ce qu’elle voulait” ? Sérieusement ? Et cela va à l’encontre de leurs “convictions” ? Mais quelles convictions ? Sont-ils de droite ? De quelle droite ?

À la fois pour la Team et le Conseil Quatre, on aurait apprécié un Manifeste. ;)


Personnages


Il aurait été appréciable que tu décrives les personnages de ROSA, comme Sarah et Kevin, dont je ne me rappelais absolument pas. C’est souvent risqué de parier que le lecteur connaît. Peut-être aurais-tu pu les creuser un peu plus, par ailleurs.

Les figurants que tu as posé dans le Prologue étaient très attachants, et j’aurais bien aimé les revoir. Peut-être l’un d’entre eux aurait-il pu devenir un Sbire, ou alors ils auraient pu croiser la Team… peut-être même aurait-on simplement pu décrire leurs réactions comme s’ils suivaient l’intrigue principale de loin, à travers une télé.

J’ai été déçue par ton utilisation des Sbires. Pourquoi diable cherchent-ils à poursuivre le Maître des Flots ? N’ont-ils pas peur de mourir ? Sérieusement, pourquoi s’engagent-ils ? Pourquoi ceux qui ont survécu au naufrage, et forment donc un certain noyau dur de la Team, n’interviennent-ils pas dans le débat final ? Au chapitre neuf, tu déclares que sept de l’équipage de l’Essex sont morts : “Arthur énuméra leurs sept noms, l’un après l’autre. Se souvenir d’eux était bien la seule chose qu’il pouvait faire”. Mais puisque tu ne donnes pas les noms au lecteur, on comprend bien qu’ils ne sont en réalité pas importants du tout. On ne sait même pas si Omar a survécu.

Il est vrai que nommer tout un équipage et poser leur individualité apporte son lot de contraintes, surtout pour une fic si courte. Le lecteur aura plus de gymnastique mentale à faire pour se souvenir des personnages. Si tu choisis de ne pas nommer l’équipage pour ces raisons, il est toujours possible de les faire participer en tant que Choeur. Au chapitre cinq, des rumeurs courent sur le bateau : des rumeurs anonymes, chuchotées, à demi-vraies. Pourquoi ne pas inclure de courts extraits de dialogues où l’on ne sait pas qui parle ? Des paroles qui flottent dans le chapitre telles des rumeurs, mais qui donnent à voir au lecteur “l’esprit de groupe” de l’équipage, leur peur de mourir, leurs idéaux, etc. Ou alors, se servir de l’équipage à la manière de Steinbeck dans Les Raisins de la Colère, c’est-à-dire avoir des chapitres ou passages entiers sans sujet particulier, se servir de la troisième personne du singulier (“on”) pour exprimer une pensée collective.


Avis


Si cette éval' discute de points plus techniques et si je me permets de critiquer ainsi, c'est parce que tu maîtrises déjà tous les éléments pour écrire une excellente fanfic. J’ai beaucoup aimé. Les algovictueurs, la chasse à la baleine, l’économique et le politique… c’était à la fois original et ambitieux, bravo. Le bonus était aussi intéressant, et on en vient à se demander quelle est ta vision de Kyogre et de Groudon. Sont-ils vraiment des Dieux ? Des Pokémons super-puissants qui fonctionnent comme des ordinateurs ? Si tu écris une fic où les religions du monde Pokémon occupent une place centrale, je suivrai avec joie.

10 chapitres lus, évalué en 04/2019

Note : 18 / 20