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Team Rocket X-Squad de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 26/03/2023 à 09:45
» Dernière mise à jour le 26/03/2023 à 09:45

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de Pokémon inventés

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Epilogue : Le Requiem de l'Innocence
L'Histoire, avec un h majuscule, est une chose capricieuse, fluctuante, et surtout subjective. On lui reproche souvent d'être écrite par les vainqueurs, d'être tronquée, voir même inexacte. Mais l'Histoire n'est pas seulement écrite ou racontée. Elle est surtout vécue. Et elle se souvient de tout.

L'Histoire se souviendra de ce jour, où le monde et la quasi-totalité des vivants dessus furent balayés par une force métaphysique. Elle se souviendra de nombreux témoignages, qui affirment qu'ils étaient tous enchevêtrés dans des ténèbres sans fin et un désespoir sans fond, jusqu'à que le Créateur ne les sauve tous en les ramenant, eux, ainsi que le monde.

L'Histoire se souviendra que peu de temps après, alors qu'ils pensaient que cet enfer était enfin fini, que tout allait désormais s'arranger, les habitants du globe furent une nouvelle fois soumis au désespoir, quand la cité spatiale d'Atlantis ouvrit le feu sur Volucité, rayant chirurgicalement la mégalopole de la carte. Et l'Histoire se souviendra du discours d'Erend Igeus, qui fut entendu comme par magie dans tous les recoins du globe. Le discours dans lequel il annonçait au monde entier qu'il était son nouveau maître absolu.

L'Histoire se souviendra de l'abattement des gens, où qu'ils soient, quels qu'ils soient. Ils venaient de se dépêtrer du désespoir de la Corruption et de l'annihilation totale pour le troquer contre celui d'une dictature éternelle avec la menace d'un canon géant au-dessus de leur tête. Cela n'aurait-il donc jamais de fin, se disait-il ? Ne peut-on pas vivre en paix, en liberté, sans que personne n'essaie de nous corrompre, tuer ou contrôler ? Qu'est-ce qui était arrivé à Igeus, qui leur avait toujours semblé comme un homme raisonnable ?

Ah, mais ce serait la faute de cet Horrorscor, disaient certains. Encore lui. Ce serait lui qui avait rendu Venamia dingue, et il venait de faire pareil avec Erend Igeus. Regardez son look actuel, avec son armure noire ? Encore un coup de cette Corruption avec un grand c, qui n'a de cesse de s'en prendre aux puissants et de les faire se retourner contre le petit peuple qu'ils sont censés protéger.

Mais Corruption ou non, les gens n'avaient plus la force de résister. Épuisés par les guerres et les cataclysmes à répétition, désabusés par l'espoir de trouver un jour un dirigeant rationnel et empathique pour défendre leur liberté, ils ne songèrent pas à protester contre la prise de pouvoir d'Igeus. Bah, après tout, qu'il se nomme Maître du Monde si ça lui plaisait, hein ? S'il avait bien les moyens de stopper tout conflit, quel mal y avait-il à lui céder toutes nos libertés ? Tant pis pour la démocratie ; pouvoir rester en vie et surtout la vivre dans une sécurité relative valait bien se sacrifice. De toute façon, qui serait assez fou pour se dresser contre lui maintenant ?

Mais dans sa toute nouvelle mégalomanie, et fort de la puissance d'Atlantis, Erend Igeus exigea que tous les dirigeants du globe se rendent sur la cité spatiale pour lui jurer allégeance. Tous ceux qui y manqueront verront leur pays annihilé par le Lunaturion. Igeus avait prévu de diffuser tout cela en direct dans le monde entier, en une parodie de cérémonie. Tout cela était orchestré et dirigé par Esliard, l'ancien chargé de propagande de Lady Venamia, qui n'avait pas manqué de retourner sa veste pour servir Erend, enthousiasmé par le charisme et les projets mondiaux du nouveau dirigeant de la planète Terre.

Les différents dirigeants mondiaux se présentèrent donc sur Atlantis, mais pas de la façon dont Erend l'avait imaginé. Ils ne vinrent pas en navette. Ils y furent tous téléportés, en même temps, dans la salle de commandement au sommet de la pyramide, où Igeus siégeait, sur son fauteuil de contrôle d'Atlantis. Et celui qui les avait tous amené ici, à leur demande commune, était Arceus, le Créateur.

Mais Erend ne laissa paraître aucune surprise. Il était protégé par sa Dark Armor intégrale, et également par un bouclier primordial énergétique qui englobait le fauteuil de contrôle où il était assis. Personne parmi les dirigeants mondiaux ne pouvaient le blesser. Personne sauf Arceus. Mais il le toisa avec hauteur et sans aucune inquiétude.

Le Créateur était entouré des Hauts Conseillers Chen et Wasdens de la FAL, de l'Empereur Julian oc Lunaris du Grand Empire de Johkan, du Grand Maître Peter Lance des G-Man, du Premier Ministre Ronchon de Galar, du président de la Hanse Madrow, du Kaïser Manfred II du Saint Empire Nuk, du tsar Zladimirovitch de Riluvi, du Grand Amiral Skadner de Stormy Sky, du Kullad de la Garde Noire, de Suicune de l'Armée de l'Aurore de Tishgard, du jeune roi Elrik du Conglomérat, de Gueriacus de l'Ordre Gueridias, du roi Filopi VI de Paldea, et enfin de Mewtwo, qui représentait les Pokemon sauvages de la planète.

Seuls Esliard et Nuelfa se trouvaient dans la salle de contrôle du côté d'Erend. La Primordiale était, comme d'habitude, indéchiffrable, surtout avec son exosquelette qui lui recouvrait le haut de la tête. Esliard, lui, tenait fébrilement sa caméra, que Nuelfa avait branché au système de transmission central d'Atlantis, pour diffuser ce moment sur toutes les chaînes de la Terre. Malgré son professionnalisme, il ne pouvait s’empêcher de sourire béatement. Le moment serait historique. Non ; il l'était déjà. Jamais tous ces dirigeants mondiaux n'avaient été réunis dans une même pièce, surtout en présence d'Arceus.

- Eh bien, le Créateur lui-même est venu me remettre les clés du destin de ce monde ? ricana Erend. Je n'en attendais pas tant. Cela étant, vous savez qu'au moindre geste suspect de votre part, j'atomise la planète en un instant ? Même vous, vous ne pourrez pas m'en empêcher. Tant que je suis assis sur ce fauteuil, je contrôle Atlantis et le Lunaturion par la pensée. Formidable technologie que celle des Primordiaux, n'est-ce pas ?

Arceus secoua la tête, faisant bouger sa longue crinière immaculée.

- J'ai seulement amené jusqu'à toi les dirigeants de ce monde, comme tu l'as demandé. Je ne tenterai rien. Je suis là uniquement en tant que témoin. Je prendrai acte de la décision de gouvernance qui ressortira de cette rencontre.

- A la bonne heure. Eh bien, prenez donc acte de ce moment, celui où j'accomplirai mon destin de Sauveur du Millénaire. C'est vous qui m'avez donné ce titre, le jour où je vous ai aidé contre Enysia. Eh bien, il se réalise aujourd'hui. Je vais unifier le monde, mettre fin aux conflits, et ainsi sauver l'humanité d'elle-même !

Avec ses yeux écarquillés et son énorme sourire sur son visage ravagé, Erend Igeus semblait en proie à une douce démence. Personne ici ne l'avait jamais vu comme ça. Tous avaient été habitués à un Erend calme, raisonné et maître de lui-même.

- Comment quelqu'un qui n'a même pas foi en l'humanité pourrait-il être son sauveur ? questionna calmement le professeur Chen. Vous avez été jusqu'à détruire toute une ville et ses habitants juste pour la menacer. Mettre l'humanité sous cloche en contrôlant ses faits et gestes, ce n'est pas la sauver. Vous ne ferez que l'ostraciser, en lui niant tout potentiel d'évolution.

- Je ne vous ai pas convié pour lancer un débat, professeur, le coupa Erend. Vous êtes ici pour vous agenouiller devant moi, c'est tout. L'être humain est instable et destructeur. Cette guerre entre l'Innocence et la Corruption l'a parfaitement démontré. Les valeurs, les sentiments, les religions... Tout n'est que prétexte pour s'adonner à ce que l'Homme a toujours adoré faire : s’autodétruire. Ce n'est qu'en lui mettant la bride au cou qu'on pourra limiter la casse. En tant que Sauveur du Millénaire sage et éclairé, je vais jouer ce rôle. Ici, au-dessus de la Terre, seul, et libéré des conflits d'intérêt mesquins des hommes. Je serai l'arbitre ultime, totalement impartial. La définition même de dieu ! Et devant un dieu, la courtoisie veut qu'on s'agenouille !

Comme aucun des dirigeants ne semblaient vouloir débuter la prostration, Erend ajouta, l'air de rien :

- Ou bien vous pouvez me dire par quel pays je commence pour démontrer une fois de plus la puissance du Lunaturion ?

À contrecœur, ce fut Chen qui le premier plia le genou. Il serait bien resté debout s'il n'y avait que sa propre vie qu'il risquait, mais il en avait assez vu et entendu pour constater qu'Erend ne bluffait pas, et qu'il risquait d'atomiser tous les états membres de la FAL s'il ne s'agenouillait pas assez vite. Tous les autres suivirent son exemple, un à un, avec des degrés divers de répugnance dans le regard. Même les fiers Mewtwo et Suicune, qui eux, plus que quiconque, avaient des raisons de mépriser les humains et leur désir de domination sur les Pokemon.

Tous les dirigeants du monde étaient à genoux devant Erend Igeus, sous l'objectif de la caméra d'Esliard qui en tremblait presque de joie. Tous, sauf un. Le jeune empereur Julian oc Lunaris, qu'Erend lui-même avait sauvé, éduqué et placé sur le trône vacant du Grand Empire de Johkan. Sous le regard inquiet des autres qui se demandaient ce qu'il était en train de fabriquer, l'adolescent ne quittait pas Erend de son regard inexpressif et vide, sans bouger.

- Julian, fit Erend avec une voix adoucie. C'est à toi qui reviendra le rôle d'administrer le Grand Empire de Johkan censé unifier le monde. C'est ton destin, et ce pourquoi je t'ai forgé. Malgré toutes ces erreurs, c'est aussi ce que ta mère voulait pour toi.

- Ma mère est morte, répliqua le jeune empereur. Pour de vrai, cette fois. Pourquoi avoir menti au monde entier en prétendant l'avoir tuée ?

Erend se leva et descendit de son fauteuil de commandement, non sans avoir renfilé son casque noir pour lui protéger le visage au cas où, en face de cette assemblée hostile. Il fit signe à Julian de s'approcher. Sans doute ne voulait-il pas que ses paroles soient captées et relayées à travers le globe. Quand le garçon fut assez près, il put lui dire à voix basse :

- Juste une façon de me donner le beau rôle en prétendant avoir éliminé la personne la plus haïe du moment. En fait, je ne l'ai pas croisé à Veframia. Je pensais qu'elle avait péri suite à la bombe Arctimes. Ecleus, je l'ai trouvé abandonné par terre à Veframia, sous sa forme Arme.

- C'est ce que ma mère a expliqué à la Team Rocket, fit lentement Julian. Qu'elle a abandonné Ecleus elle-même, et qu'Horrorscor a quitté volontairement son corps. Qu'elle était brisée par sa défaite et par ma mort. Mais c'est un mensonge. Elle n'a manifesté aucune surprise ni soulagement quand elle m'a vu en vie. Elle savait. Tu mens toi aussi, Erend. Je suis sûr que vous vous êtes croisés, à Veframia, après la bombe Arctimes. Et que vous avez comploté ensemble. C'était ça, votre but ultime ? Que l'un de vous deux s'emparent d'Atlantis pour prendre le monde entier en otage ?

Julian ne se soucia pas, lui, de baisser la voix. Erend préféra jouer l’apaisement en le prenant par les sentiments.

- Mon but ultime a toujours été de te faire hériter de ce monde, Julian. Un monde pacifié et uni sous une seule bannière. Ta mère aussi souhaitait cela, même si elle n’avait pas la bonne méthode.

- Parce que la tienne est la bonne ? Détruire toute une ville et ses centaines de milliers d’habitants, juste pour faire un exemple ? Menacer tout le monde de faire pareil chez eux s’ils ne se soumettent pas ?

- La peur soumet bien mieux les gens que l’espoir ou la brutalité, répliqua Erend. Quant à Volucité, c’était un bien maigre sacrifice pour accéder à la paix éternelle. C’est comme prendre un médicament qui a un très sale goût, mais qui est nécessaire pour guérir. Et c’est ce que je fais, Julian. Je guéris ce monde, et tous ses habitants.

Julian secoua la tête. Il semblait plus triste qu’en colère. Erend lui tendit la main.

- Accepte ce que je t’offre, insista-t-il. Un avenir de paix et de prospérité. Sois mon messager terrestre, l’empereur héroïque éternel qui a offert un futur radieux à l’humanité.

Et, à la grande consternation des autres dirigeants, Julian accepta sa main tendue et lui serra lentement la sienne.

- J’ai compris… murmura-t-il. Au final, malgré tout… tu auras fait tout ça pour moi ?

- Bien sûr, acquiesça Erend. Tu es le fils que je n’ai jamais eu. J’enviais beaucoup de chose à Venamia. Et la première de ces choses, c’était toi.

Le visage de Julian se décomposa, et il ne put retenir ses larmes plus longtemps. Il se réfugia dans les bras d’Erend pour pleurer sur son épaule.

- Merci… papa, dit-il difficilement. Merci de m’avoir sauvé, de m’avoir appris tant de choses, et de m’avoir aimé. Moi aussi, je t’aime. Et c’est pour ça… que je dois faire cela pour toi.

Erend ne compris pas ces dernières paroles, avant de sentir le poing du garçon lui passer à travers le corps, en brisant son armure pourtant censée absorber tous les impacts. Il y eut de nombreux hoquets de stupéfactions parmi les chefs d’Etat, et un cri d’horreur d’Esliard, qui pourtant ne lâcha pas sa caméra, toujours pointée sur Erend et Julian. Le monde entier put voir, en direct, le jeune empereur du Grand Empire de Johkan transpercer Erend Igeus.

C’est ce que l’Histoire retiendra. Elle ne retiendra pas comment il a pu faire cela, car personne n’avait vu sur le coup l’adolescent prendre quelque chose dans son poing avant de serrer Erend dans ses bras. Ce quelque chose, Erend le sentit plus qu’il ne le vit. L’une des rares choses de l’univers qui pouvait passer outre la défense ultime de sa Dark Armor.

- Le Solerios… des Plantes ? coassa-t-il.

En effet, Julian tenait dans son poing ensanglanté une petite sphère verte crépitante d’énergie, dont on avait l’impression qu’elle renfermait l’explosion d’une étoile.

- Oui, acquiesça Julian. Impératus l’a retiré de son corps et me l’a donné avant que je ne vienne ici. Elle savait que c’était la seule chose qui pourrait te blesser. Tu as fait une erreur en la laissant vivre et te filer entre les doigts.

Erend fit disparaître son masque, seulement pour cracher une gerbe de sang alors que son cœur venait d’exploser. Malgré cela, il trouva la force de sourire ironiquement, face au regard à la fois éploré mais déterminé de Julian.

- Je… vois. Alors… elle t’a demandé de m’éliminer pour elle ? Je ne la pensais pas si… retorse.

- Je ne l’ai pas fait pour elle, le contredit Julian. Je l’ai fait pour moi. Car je ne veux pas de ton monde paralysé par la peur. Je ne veux pas de ta dictature éternelle. Ce n’est pas si différent de ce que voulais Lyre Sybel pour nous, en pensant agir pour notre salut. Notre salut, on le trouvera sans vous et vos méthodes extrêmes.

- Sans moi ni Atlantis… rien ne changera, siffla Erend. Le monde reviendra vite à ses mauvaises habitudes, aux guerres interminables et aux malheurs à répétition. Tu vas souffrir, Julian… Et c’est toi qui devras assumer tout cela, car tu auras privé toute l’humanité du salut que je voulais leur offrir !

- Je l’assumerai, promit Julian. Je me sacrifierai pour ce monde, pour son futur.

Avec ces dernières paroles, Julian retira son bras du torse d’Erend, qui s’écroula lentement à ses pieds. L’Histoire retiendra alors ce moment, où tous les peuples de la Terre louèrent le jeune souverain, le félicitant pour son geste et son courage pour l’avoir libéré de ce tyran cinglé en devenir. L’Histoire retiendra que les différents dirigeants qui étaient venus avec Julian se levèrent pour l’applaudir, le seul parmi eux qui avait eu le courage d’agir. L’Histoire marqua ce jour comme la naissance d’un grand dirigeant, qui avait sauvé le monde devant Arceus et tous les autres chefs d’Etat. Le règne de Julian oc Lunaris, héros s’étant dressé contre l’Armée des Morts de Lyre Sybel et contre la tyrannie d’Erend Igeus, venait de commencer. Sous les acclamations et les cris de joie pour tout le monde, mais avec des larmes pour lui-même…

Mais l’Histoire ne sait pas tout, et Julian non plus. L’Histoire ne sait pas, pas plus qu’elle ne retiendra, qu’Erend Igeus s’était écroulé pour tomber mort en souriant, satisfait que son dernier plan ait si bien fonctionné. L’Histoire ignore que c’est Erend lui-même qui a demandé à Impératus de prêter le Solerios des Plantes à Julian. L’Histoire ignore, et ne saura jamais, qu’Erend Igeus avait planifié sa propre mort, ici, à cet instant, devant les yeux du monde entiers, des propres mains de Julian.

C’était un plan qui avait débuté des mois avant, peu après l’activation de la bombe Arctimes à Veframia. Erend, libéré des geôles de Venamia, avait récupéré la Dark Armor au dernier moment pour survivre à l’accélération temporelle, tandis que le petit Julian avait été protégé par le Sombracier de Vilius, qui s’était sacrifié pour ce dernier. Mais même le puissant métal n’avait pas pu protéger intégralement l’enfant, qui a vu son corps grandir de dix ans en quelques secondes.

Erend l’a trouvé inconscient, dans la caserne des GSR où était stockée la bombe Arctimes, avec à ses côtés le squelette de Vilius. Malgré la différence d’âge, il avait reconnu l’enfant de quatre ans qu’il avait protégé et éduqué pendant près d’un an. Il l’a donc pris avec lui, enveloppant son corps tremblant et suant dans la cape de Vilius, non sans avoir laissé par terre ses anciens vêtements déchirés et la peluche d’Ecleus que l’enfant avait aidé à fabriquer pour sa mère. Il voulait faire payer à Venamia tout ce qu’elle lui avait fait dans sa prison. Il voulait qu’elle s’imagine que Julian était mort par sa faute, et qu’elle en souffre. Et il voulait que ce soit la dernière chose qu’elle ressentirait avant qu’il ne la tue lui-même.

Il amena donc Julian, toujours inconscient, hors du Palais Suprême. Il le remit à Triseïdon en demandant à son Pokemon de l'amener hors de la ville. Ce fut peu après que Triseïdon et Julian eurent disparu qu'il remarqua de loin Venamia, bien mal en point, qui se traînait en boitant dans les ruines de sa ville. Il s'était retenu de la tuer ici et maintenant, et, pris d'une idée pour lui causer encore plus de souffrance, il dénicha un squelette d'une des innombrables victimes, et l'amena dans la caserne de la GSR, où il lui fit passer les vêtements de Julian.

Il se dématérialisa grâce à sa Dark Armor, caché dans un mur, et attendit patiemment son arrivée. Il ne fut pas déçu par le spectacle, durant lequel Venamia hurla et éclata d'un rire fou en tenant le squelette qu'elle pensait être Julian dans ses bras. Mais ça le laissa bien vite. Venamia avait de toute évidence perdu l'esprit, après tout ça. Il s'approcha donc pour l'achever.

Il avança derrière elle lentement, en levant l'épée noire de la Dark Armor. Mais il arrêta son geste quand il croisa le regard hanté et vitreux de la Dirigeante Suprême. Celle qui fut jadis sa meilleure ennemie n'était plus qu'une loque vide, désormais. Erend ne trouva plus rien de son ancienne intelligence, de son arrogance et de sa cruauté. C'était le regard d'une femme brisée, qui implorait qu'on la libère. Et Erend n'avait pas envie de lui faire plaisir. Il baissa donc sa lame, et grâce au masque qui transmettait une voix synthétique du fait des vibrations de sa gorge endommagée, il déclara :

- Alors ? Est-ce que ça valait le coup au final ? De vendre ton âme et ton corps à ce démon Pokemon ? Tu m'as torturé et fait torturer par ce psychopathe de Naulos pendant des mois, et pourtant, c'est toi qui a l'air d'avoir subi des années de tourments.

Venamia mit un certain temps avant que son cerveau éprouvé ne mette en place les rouages nécessaires pour deviner l'identité de cet individu noir et masqué.

- Igeus... ?

- Lui-même. Enfin... ce qu'il en reste, après avoir bénéficié de ton hospitalité.

- Tue-moi.

Venamia lui avait demandé cela sans changer de ton, d'une voix monocorde et vide. Cela déclencha la colère d'Erend. Alors même qu'il avait tant désiré faire souffrir Venamia de toute les façons possibles et imaginables alors qu'il était prisonnier de ses geôles, la voir ainsi, totalement brisée, quémandant la mort, était une insulte au duel à distance qu'ils avaient livré depuis le début de cette guerre.

- Tu renonces bien vite. C'est indigne de la Lady Venamia que je connais. Tu as perdu ton armée ? Ta capitale ? Ta réputation ? Ton propre fils ? Et alors ? Tu as toujours ton intelligence et ton ambition ! Ne voulais-tu pas changer le monde ? Fonder un nouvel ordre mondial ? Et tu perds toute ta volonté après avoir trébuché une seule fois ? Quelle déception, Siena Crust ! Ce n'est pas ça, la femme que j'ai tant haï et admiré, et que j'ai fini par aimer malgré moi !

Erend écarta les bras, se désignant dans toute prestance sombre et terrifiante.

- Regarde-moi. Ni toi ni ton chien de garde n'avaient pu me briser, malgré vos sévices incessants chaque jour. Je suis toujours debout, grâce à cette merveilleuse armure, et bien décidé à faire ce que je dois faire.

- Et qu'est-ce que tu dois faire, si ce n'est pas me tuer ? demanda Venamia avec son regard et sa voix vides.

- Mon objectif n'a pas changé. Il n'a jamais dévié depuis que j'ai commencé très jeune la politique. L'unification du monde, une paix permanente, et le progrès de l'humanité.

- Le monde ne veut ni être unifié ni progresser, répliqua Venamia. J'ai tenté de l'amener dans cette direction, et il m'a craché au visage.

- C'est parce ce que tu l'as trop malmené pour cela. L'être humain se braque naturellement si tu le forces à quelque chose, même si c'est pour son bien. C'est par l'espoir qu'il faut le diriger, non par la force. L'espoir d'un futur meilleur, l'espoir de laisser derrière nous les heures sombres. Et pour cela, rien de plus simple. Il nous faut juste deux choses. Un méchant inspirant la peur et le mépris, et un héros qui vaincra ce méchant, et qui remportera l'approbation du peuple.

Venamia ricana.

- Et je suppose que tu seras ce héros tant adulé, et moi la méchante que tu auras terrassée à toi tout seul ?

Ce fut au tour d'Erend de rigoler.

- Tu m'as bien regardé ? Je n'ai pas trop le look d'un héros en ce moment. Plutôt celui d'un Seigneur Sith. Quant à toi, désolé de te le dire, mais malgré tout tes efforts, tu n'auras pas effrayé assez le monde pour revêtir le rôle du méchant ultime.

- Alors que...

- Julian est en vie, coupa Erend.

Finalement, l'air de totale sidération de Venamia en ce moment était bien plus jouissif à voir pour Erend que toute sa souffrance passée.

- Il est en vie, poursuivit Erend, et je compte en faire un héros. Il sera le symbole de l'espoir, de l'unité retrouvée, d'un futur meilleur. Mais pour se faire, je vais devoir le priver de son innocence, à jamais. Le sacrifice d'une pure innocence d'enfant, pour sauver celle du monde entier. Appelons ça... le Requiem de l'Innocence. Ça sonne bien. Aide-moi à atteindre cet objectif, Siena, toi qui comme moi n'a plus rien à perdre. Montrons à ce connard d'Horrorscor que tous ses plans fumeux et ses manipulations de plusieurs siècles ne sont que du pipi de chat face à nos deux cerveaux, et à la seule innocence d'un enfant que nous aimons tous deux.

Il tendit sa main gantée de noir, et au bout d'un moment, Venamia la serra, scellant le pacte du Requiem de l'Innocence. Ils le préparèrent longtemps en amont. Erend devait revêtir le titre du Sauveur du Millénaire, prendre le contrôle du Grand Empire et susciter la peur et la méfiance, en faisant mine d'être possédé par Horrorscor. Il s'était même mis une lentille rouge sur l'un de ses yeux pour cela.

Venamia, de son côté, se cacha et tâcha de se faire oublier, jusqu'au moment où elle devrait rentrer en scène, pour à la fois aider à la chute des armées du Marquis, mais aussi faire en sorte que l'âme d'Horrorscor soit reconstituée. Car selon Erend, pour vaincre à jamais le Maître de la Corruption, il fallait d'abord qu'il revienne. Ensuite... eh bien, Venamia devait tout faire pour aider ses anciens équipiers de la X-Squad à venir à bout d'Horrorscor, et protéger Julian. Si jamais elle survivait à cette guerre, elle rejoindrait Erend sur Atlantis en déclarant avoir été son alliée depuis tout ce temps, et Julian devra les tuer tous deux.

Erend avait placé sa foi aux armées de la FAL, et plus précisément à la X-Squad, pour détruire Horrorscor. De son côté, il s'était donné pour mission d'éliminer Eryl. Il éprouvait toujours une certaine tendresse pour la jeune femme, et pas mal de remord pour l'avoir manipulé et tenté d'en faire une reine mondiale, mais il s'était rendu compte qu'elle n'était pas faite pour rassembler les peuples, à l'inverse de Julian. Elle n'était pas vraiment humaine, et de plus, son règne serait celui d'une religion débridée. Corruption comme Innocence ne devait plus guider les hommes.

Ce fut difficile pour lui de planter son épée dans le cœur d'Eryl, juste après que cette dernière ait vaincu Marine Sybel et les Démons Majeurs. Ce fut encore plus difficile de ne pas verser une larme quand Eryl le toucha, et se rendit compte qu'il n'avait jamais eu Horrorscor en lui. Elle perça à jour son plan. Peut-être avec ses nouveaux pouvoirs, peut-être grâce à sa sensibilité. Erend n'en savait rien. Mais une chose est sûre : Eryl Sybel était morte soulagée et un peu triste, car elle avait compris toute la mise en scène d'Erend, et son futur sacrifice pour le monde entier.

Après quoi il retourna sur Atlantis, pour revêtir un peu plus son rôle de méchant en dévoilant son projet fou de se servir du canon de la cité sur la Terre. Ceci bien sûr avec l'aide de Nuelfa, à qui il avait dévoilé son plan dès le début. Il avait fait semblant de tuer Impératus devant Julian, et comme il l'avait prévu, le garçon avait décidé de lui-même de le quitter pour retrouver sa vraie famille qui se battait sur la planète. Il ne restait plus qu'une chose à faire en attendant que ceux d'en bas gagnent contre Horrorscor : mettre sa plus proche alliée au courant. Et ce fut la chose la plus difficile pour Erend, quand il dévoila le Requiem de l'Innocence à Impératus.

- Tu veux que je pousse un enfant à te tuer ? s'était-elle écriée. Toi, qui est comme mon père, mon partenaire, mon dresseur, et mon âme sœur ?!

- Je suis heureux que tu penses encore cela de moi après tout ce qui s'est passé. Et si tu m'aimes vraiment, tu accepteras. Pour moi, mais aussi pour le monde. Car si ce plan devait échouer, je n'aurai pas d'autre choix que de me rabattre sur l'utilisation, réelle ou non, du Lunaturion pour préserver la paix.

- Tu ne vas pas sacrifier seulement ta vie, mais ton nom, ta réputation, tout ce que tu es ! J'ai passé mon existence de Pokemon jusqu'à présent à tout faire pour que tu passes pour le meilleur humain possible, et tu veux mettre tout cela aux orties ?! Je ne peux pas tolérer ça. Je ne peux pas... laisser le monde croire que tu es une ordure, alors que tu l'auras sauvé...

- Le Sauveur du Millénaire sacrifie souvent sa réputation pour accomplir sa destinée. Tel fut le cas de mon ancêtre Uriel, qui passa pendant longtemps pour un démon en lieu et place de Castel. C'est mon tour maintenant. Peut-être qu'un jour, mon nom sera réhabilité. Tu vivras sans doute éternellement grâce au Solerios des Plantes. Un jour, quand le monde sera prêt à connaître la vérité, je compte sur toi. Même si, objectivement, je me fiche un peu de ce que les autres pensent de moi.

Impératus avait secoua la tête, ses yeux noirs ovale plein de larmes.

- Et ce que je pense de moi-même, tu y as songé ? Toi, tu seras mort, donc tu ne te soucieras plus de tes péchés. Mais moi ? Je devrai continuer à vivre avec cet énorme mensonge, avec l'idée d'avoir manipulé un jeune enfant pour qu'il commette un meurtre ?

- Oui, tu devras, confirma impitoyablement Erend. C'est le dernier devoir que je te donne, mon Pokemon. Et pour te racheter, tu devras soutenir Julian jusqu'au bout. Faire de lui un homme droit et juste, et guider le Haut Conseil de la FAL dans le droit chemin. Tu sauras comment faire. Je t'ai bien appris les rouages de la politique.

Erend se plaça devant une des parois en transparacier de la salle pour contempler la Terre avec un regard songeur.

- Après toutes ces catastrophes à répétition, l'humanité acceptera enfin de mettre toutes ses différences de côté et de marcher à l'unisson. Bien sûr, tout ne sera pas rose. Et surtout, rien ne dit que ça va durer. Un jour, inévitablement, la haine, l'ambition, l'égoïsme reprendront leur droit. Un nouveau cataclysme, incarné par je ne sais quel tyran ou être maléfique, éclatera tôt ou tard. Et alors, un nouveau Sauveur du Millénaire verra le jour pour le contrer. C'est le cycle éternel de notre monde, décidé ainsi par Arceus. Moi, mon ennemi, ça n'a été ni Venamia ni Horrorscor. J'estime que l'ennemi que j'ai affronté, celui qui menaçait vraiment notre monde, ce n'était ni plus ni moins que la haine. Et pour la vaincre, je vais absorber celle de tout le monde. Je vais devenir le symbole de la haine, et périr de la main de celui de l'espoir.

Impératus vint se placer derrière lui et entoura son corps de ses bras fleuris.

- Ta mort ne guérira pas ma haine à moi, dit-elle doucement. Celle que j'aurai envers toi pour m'avoir laissé seule, et surtout, celle que j'aurai envers moi-même.
- Tu es plus forte que la haine, répliqua Erend. C'est pour ça que je n'aurai choisi personne d'autre pour ce passage décisif du Requiem. Promets-moi, ma vieille amie...

Impératus avait en tête la promesse qu'elle avait faite, en regardant l'hologramme géant retransmis depuis le centre de commandement d'Atlantis, qui montrait Julian, le bras ensanglanté, devant le cadavre d'Erend. Le Requiem de l'Innocence s'était déroulé comme prévu. Tout autour d'elle, les survivants de l'immense armée qui avait participé à la bataille finale contre Lyre acclamaient Julian, les poings levés.

Des hommes, des femmes et des Pokemon de toutes races, de toutes nationalités. Unis dans la joie et dans l'espoir. Ils s'enlaçaient, fêtaient la victoire et une liberté retrouvée. Ils jubilaient tous à la défaite apparente d'Erend, alors qu'en fait, il avait gagné haut la main. C'était une torture pour Impératus, qui aurait voulu leur crier à tous la vérité. Ce serait son sacrifice, la rédemption de ses propres péchés. Être la seule à savoir. Être la seule à pleurer un homme qu'elle savait profondément bon et juste.

Car aujourd'hui, le Sauveur du Millénaire avait réussi sa mission.


***


Deux mois s'étaient écoulés depuis la Bataille des Vivants et des Morts, telle qu'on la nommait à présent. Aujourd'hui était une date historique, car c'était le jour où le Grand Empire de Johkan, récemment renommé en Empire Johkania, rejoignait officiellement la Fédération des Alliances Libres. Son entrée au sein de l'état fédéral était une promesse de paix pour les décennies à venir, et pour une FAL plus puissante que jamais.

La X-Squad – ou ce qu'il en restait désormais – suivait l’événement depuis le self de leur base G-5, à la télévision. Quasiment tout le personnel de la base était présent, ainsi que le général Tender, et même Madame Boss elle-même. Mercutio s'était étonné de ne pas la voir assister en direct à la cérémonie avec les hautes huiles de la FAL. Elle était quand même cheffe de l'armée officielle de la FAL. Mais Estelle avait expliqué que cette cérémonie devait être sous le signe exclusif de la paix. Pas de militaire, donc.

Mercutio partageait sa table avec sa sœur Galatea, Zeff, Ithil et Goldenger. C'était tout ce qu'il restait de leur équipe. Djosan avait été le premier à quitter la X-Squad, pour occuper le prestigieux poste de commandant en chef de la garde impériale de Julian. Il était d'ailleurs présent à la cérémonie à Doublonville, non loin derrière Julian, resplendissant dans son nouvel uniforme rouge et bleu.

Bertsbrand avait abandonné son poste provisoire de chef de la X-Squad pour écrire son nouveau roman à plein temps, qui contait ses aventures au sein de la Team Rocket. Aventures largement exagérés et romancées, sans nul doute possible. Plus que jamais, sa popularité était au plus haut. Anna l'avait suivi, en démissionnant par la même de la Team Rocket. Elle avait affirmé que c'était juste parce que cet imbécile ne pourrait pas tenir un jour sans elle sans faire une énorme connerie, mais Mercutio s'attendait à recevoir une invitation de mariage de leur part dans peu de temps.

Enfin, Solaris était partie avec Cosmunia pour tenter de refonder les Gardiens de l'Innocence. Il paraît que Sylvestre Wasdens en avait pris la tête désormais, et que lui, Cosmunia, le nouveau comte Divalina et Solaris étaient les nouveaux Apôtres d'Erylubin. Ils avaient changé de déesse à vénérer, et n'avaient plus d'ennemis à combattre, mais comptaient toujours œuvrer à travers le monde pour endiguer la violence et la corruption.

En parlant de Wasdens, il était justement à la télé en ce moment, en tête de cortège des officiels de la FAL. Samuel Chen avait démissionné de son poste de Haut Conseiller pour enfin mener une retraite méritée, cédant sa place à son petit-fils Régis. De son côté, Sylvestre Wasdens était devenu le plus important des Hauts Conseillers, dirigeant le conseil de fait. C'était lui, qui, à ce moment même, serra la main de Julian oc Lunaris, scellant ainsi l'entrer de l'Empire de Johkania dans la FAL, sous les centaines de flash de photos et les applaudissements de la foule.

- Eh bien, c'est fait, commenta Galatea. Tout ça pour pas grand-chose. J’en reviens pas que Régis ait reporté notre rendez-vous juste pour assister à un serrage de mains !

Galatea et Régis avaient enfin officialisé leur relation, et passaient rarement un jour sans l'autre, en dépit du nouvel emploi du temps chargé du tout nouveau conseiller de la FAL.

- C'est un serrage de mains qui fera poids dans l'histoire, intervint Tender non loin d'eux, qui regardait la télé debout, avec fierté.

- Le p'tit aura droit à un siège au Haut Conseil, maintenant que Mewtwo s'est tiré ? demanda Zeff. Ce nouvel Empire de Johkania est le pays le plus puissant de la FAL désormais.

- Les dirigeants des états-membres ne peuvent pas siéger au Haut Conseil, répondit Estelle. Ça nuirait à l'équilibre et à la neutralité de la FAL. Mais Sylvestre m'a laissé comprendre qu'un siège serait sans doute réservé à la plus proche collaboratrice de Sa Majesté Julian.

Madame Boss fit un signe de tête vers la télé au moment où s'affichait un plan de Julian, avec à ses côtés nulle autre qu'Impératus. Tout comme Julian, elle avait été reconnue comme héroïne, ayant fourni au jeune empereur l'arme qui avait mis fin aux jours d'Igeus. Elle n'avait pas de poste précis au sein de l'administration de l'Empire, mais elle était considérée comme la seconde personne la plus importante du pays.

- Impératus ne sera pas dépaysée, commenta Ithil. Elle était toujours aux réunions importantes de la Fédération Libre, puis de la FAL, que ce soit d'abord avec Erend puis avec Eryl. Et puis, c'est bien qu'un siège de Haut Conseiller reste occupé par un Pokemon.

Ithil n’appelait plus son demi-frère Seigneur Igeus désormais, et avec sa mort, il semblait libéré de l'emprise qu'avait sa famille sur lui. Ça ne l’empêchait pas de faire le deuil de son frère, discrètement. Comme Mercutio et Galatea faisaient celui de Siena.

- Comment ça va se passer désormais, pour la Team Rocket pour sûr ? demanda Goldenger à Tender et Estelle. Elle sert d'armée à la FAL, mais qui elle va combattre ?

- Ce ne sont pas les menaces qui manquent, fit Estelle. Tuno et ses Réprouvés sont toujours dans la nature. On les laisse un peu tranquilles pour le moment si eux-mêmes se tiennent tranquilles, pour les remercier de leur aide lors de la bataille finale. Mais ça ne durera pas éternellement. La Garde Noire a aussi aidé, mais reste toujours en guerre plus ou moins froide contre la majeure partie du monde civilisé. Et reste bien sûr le professeur Nata... je veux dire... Asmoth et ses Pokemon Méchas, quelque part dans l'espace.

Les jumeaux Crust hochèrent sombrement la tête. Asmoth était la principale raison qui allait faire qu’eux aussi allaient quitter la Team Rocket dans peu de temps. La X-Squad n'allait pas survivre à cela. Zeff, Goldenger et Ithil n'allaient pas former une équipe à trois, surtout que Zeff avait lui aussi des affaires à régler dans sa région natale. Mais c'était ainsi. De toute façon, la X-Squad n'avait plus trop de raison d'être, maintenant que la paix était enfin revenue, et que la Team Rocket n'était plus en conflit avec le gouvernement, et travaillait même pour lui.

- Ouais, mais tout ça, la Team Rocket devra y faire face sans moi, déclara Tender. Le moment est venu pour moi aussi de tirer ma révérence. Une retraite bien méritée m'attend, pour le peu d'années qui me restent.

- Foutaises. Vous êtes encore jeune, Hegan, répliqua Estelle. Et surtout, vous êtes indispensable à la Team Rocket.

- Mon propre petit-fils est désormais le chef d'état le plus puissant du monde, et le héros de l'humanité, rigola Tender. Ça n’aide pas à se sentir jeune. Et mon crétin de frère lui sert de Ministre de la Défense. Et ça, ça n’aide pas à se sentir indispensable.

- Vous allez vous emmerder, général, le titilla Mercutio. Vous n’êtes pas un homme à passer ses journées à planter ses navets dans son potager et à faire des mots-croisés.

- J'étais dresseur avant d'être un Rocket, fiston. Je compte bien m'y remettre, et donner des leçons à quelques jeunots. Ptet bien que je vais viser une arène quelque part, et m'y poser comme champion. Jadielle, par exemple, maintenant que le jeune Régis est occupé à plein temps. C'était l'arène du Boss, et de type Sol. En tant que son disciple et dresseur d'Ostralorreur, j'y ait droit plus que quiconque. Et puis, Ilyane s'est installée dans les environs, avec son gamin.

Tender avait un autre petit-fils en plus de Julian, du nom d'Indy Tender, le fils du regretté Lusso. Il avait plus ou moins le même âge que son cousin Julian, sauf que lui, il n'avait pas eu de poussée de croissance accélérée, et restait donc un petit enfin de cinq ans.

- Je comprends, sourit Estelle. Vous avez le droit de penser désormais à votre famille et à ce que vous aimez faire. À vrai dire...

Estelle posa curieusement une main sur son ventre, hésita, puis déclara :

- Moi aussi, je vais devoir penser à ça, désormais.

Personne ne fit de commentaire sur cette phrase, car tout le monde avait saisi. Galatea et Régis n'étaient pas les seuls qui s'étaient mis officiellement en couple. La presse faisait ses choux gras depuis quelque temps sur la relation entre le Premier Conseiller Sylvestre Wasdens et la Boss de la Team Rocket Estelle Chen. Sauf qu'Estelle était un peu plus en avance que son cousin Régis. Elle était en effet enceinte, et ce depuis avant la Bataille des Vivants et des Morts.

Toutes ces histoires sur les couples et les enfants rappelèrent à Mercutio le court moment qu'il avait pu avoir avec Miry, avant qu'elle ne reparte avec ses frères Mélénis au Refuge. Elle lui avait parlé de leur fille, qu'elle avait nommée Valkyria. Mercutio avait souri à ce nom, car il donnait raison à la dernière prédiction de sa défunte amie Kyria, et ce sans qu'il n'en dise rien à Miry. Il avait promis de venir la voir très bientôt, quand lui-même et Galatea se rendraient au Refuge. Même s'il n'avait aucune idée de ce qu'être père impliquait, surtout d'une fille qu'il n'avait pas vraiment désirée...

L'arrivée d'un sbire qui se mit au garde à vous devant Tender et Estelle coupa ses réflexions, surtout parce qu'il était concerné par ce qu'il avait à dire.

- Mes excuses, madame, mon général, mais il y a une personne à l'entrée de la base qui demande à voir Mercutio Crust !

- Une personne ? s'étonna Mercutio. Ce n'est pas un Rocket ?

- Euh, non monsieur. Elle n'a pas dit son nom, mais je crois qu'il s'agissait de... euh... madame Adélie Dialine, la cheffe des Gardiens de l'Harmonie et l'un des Hauts Conseillers de la FAL.

Tous froncèrent les sourcils en regardant avec attention les images de la cérémonie en direct. Effectivement, tous les Hauts Conseillers étaient là avec Wasdens... sauf Dialine, qui aurait été facilement reconnaissable avec sa longue chevelure rose et sa cape verte.

- Pourquoi elle n'est pas à la cérémonie ? s'étonna Galatea.

- Je ne manquerai pas de lui demander, si elle veut me voir, fit Mercutio en se levant.

- Juste au cas où... tu te souviens que...

- Oui oui, la coupa Mercutio. Mélénis et Gardien de l'Harmonie ensemble, pas bien. Je sais. Faut arrêter avec ça. Y a rien entre cette nana et moi, même si c'est une Favorable.

Mercutio sortit jusqu'à la cour de la base, quasi-déserte en ce moment, où Adélie Dialine l'attendait en compagnie d'un sbire visiblement mal à l'aise de devoir escorter une personne si importante. Il disposa avec reconnaissance une fois Mercutio arrivé, les laissant seuls.

- Yo, le Rocket, le salua Ad.

Mercutio leva la main en faisant de son mieux pour ignorer la soudaine et habituelle montée de libido dans son corps, comme à chaque fois qu'il était proche d'Adélie.

- Tu sèches la cérémonie de ratification de l'Empire de Johkania ? Pour un Haut Conseiller, ça la fout mal...

- J'en ai ma claque de tous ces trucs politiques. Ça n'arrête pas depuis la fin de la guerre. J'ai jamais été faite pour ça. De toute façon, mon départ de Johkan était acté depuis un moment. Mon absence ne surprendra personne.

- Tu t'en vas ? s'étonna Mercutio.

- Ouais. Mes gars et moi, on retourne à notre bonne vieille Naya. Je ferai les réunions du Haut Conseil en vidéo-conférence, si y a rien d'urgent. Et c'est justement parce qu'on s'en va que je voulais te voir. T'es au courant que Faduc veut quitter la Team Rocket pour partir avec nous ? Il veut devenir un Gardien de l'Harmonie. Je lui ai promis de le présenter à Archangeos, mais je ne peux pas l'embarquer sans votre autorisation.

- Tu n'en as pas besoin, lui assura Mercutio. Faduc est majeur. Il fait ce qu'il veut.

- C'est ce qu'il m'a dit. Mais je voulais quand même vous prévenir. Vous étiez un peu sa seule famille non ?

- C'est notre père adoptif, à Galatea et à moi, qui l'a pris avec lui alors que ce n'était qu'un orphelin de la guerre de Vriff. Mais il n'y avait rien de légal ou quoi que ce soit. La Team Rocket était encore une organisation criminelle, à l'époque. C'est bien pour lui qu'il ait trouvé une voie à suivre. Il en a beaucoup bavé, particulièrement quand il était dans la GSR. J'espère qu'il trouvera la paix avec vous. Enfin, l'harmonie du coup...

- J'sais pas trop si l'Harmonie lui importe, ricana Ad. Il a surtout l'air de vouloir me suivre moi jusqu'au bout du monde.

- Tu n'as pas encore brisé ses espoirs ?

Ad haussa les épaules.

- Je suis une célib endurcie, mais je reste ouverte aux propositions. Et ce sera marrant de le voir rivaliser avec Kinan pour obtenir mes faveurs. Ils se ressemblent un peu d'ailleurs. Mignons dans leur genre, mais trop naïfs et gamins. Moi, je recherche plutôt un homme, un vrai. Assuré et viril.

- Parait que tu as adopté un bébé orphelin d'Unys. C'est pour ça que tu recherches un mari maintenant ? Généralement, c'est dans l'autre sens, mais...

Ad fit un geste agacé de la main.

- Je suis pas une humanitaire dans l'âme, malgré tout ce qu'ont dit les médias. Le bébé, c'était juste pour ma gueule. Ma mère ne cesse de me saouler sur le fait que je dois avoir un enfant, pour perpétuer la lignée de ma famille, et toutes ces conneries... Le hic, c'est qu'en tant que Gardien de l'Harmonie, bah j'ai pas le droit d'enfanter, car mon pouvoir, le Don, pourrait être transmis à mon gamin, alors que c'est uniquement Archangeos qui le donne de son propre chef aux personnes qu'il juge dignes. Du coup, un enfant adopté, c'est une solution satisfaisante. Le mec, on verra après, si tant est que j'en veuille un. J'aime bien les petites parties de jambes en l'air de temps en temps, mais me trimballer un mari sept jours sur sept, c'est pas le même délire.

Mercutio se retint de pouffer de rire. Cette fille avait beau accumuler les titres et les postes officiels, elle restait une ado rebelle au langage fleuri dans l'âme.

- Et vous, c'est quoi votre programme ? lui demanda-t-elle. Quel avenir pour la glorieuse X-Squad en ces temps de paix ?

- Elle va être dissoute sous peu, justement parce qu'on a plus vraiment besoin d'elle. Galatea et moi on va enfin suivre notre vieux dans son sanctuaire Mélénis planqué pour y recevoir un enseignement trop longtemps retardé. Zeff a prévu d'aller à Mandad pour y régler des... affaires familiales, a-t-il dit. Et je crois qu'Ithil a prévu de chercher et de rejoindre les Shadow Hunters, pour « apporter la justice des ombres aux mécréants ».

- La FAL a été bien sympa de les relâcher sans poursuite pour l'aide qu'ils ont apporté contre ce malade de Brimas Atilus, mais s'ils se remettent à buter à la chaîne...

- Ils n'acceptent que les contrats concernant des salopards avérés, depuis qu'ils ne bossent plus pour le gouvernement. Ithil n'acceptera pas de tuer des innocents, de toute façon.

- Ça reste contre la loi. La FAL a une justice pour s'occuper des criminels.

Mercutio lui fit un sourire ironique.

- Madame la Haute Conseillère, dois-je vous rappeler que la Team Rocket a longtemps été une organisation criminelle ? Et que toi-même, quand tu t'es rebellée contre le gouvernement de ton frangin à Naya, t'en étais une aussi ? Les notions de bien et de mal ne sont pas inscrites dans la roche, et sont souvent bien éloignés de ce que veut être la justice. Siena m'aura bien enseigné ceci.

Étrangement, Adélie tiqua au nom de Siena, et son regard se fit fuyant.

- Mouais... Bon, beh à la revoyure alors, beau gosse. Passe le bonjour à ta sœur. Et j'espère que quand on se reverra, tu n'auras pas une barbe blanche façon vieux mage, après ton séjour chez les sorciers.

- Peu de risque. Je vieillis très lentement, en tant que demi-Mélénis. Ma barbe ne sera pas blanche avant une soixantaine d'années au moins. Rentre bien chez toi, et prends soin de Faduc.

Ils se serrèrent la main (Mercutio dut serrer les dents pour ne pas trembler de désir à ce moment) et se séparèrent. Ad poussa un soupir qui était à la fois un mélange de soulagement et de déception. Soulagement parce que Mercutio n'avait pas découvert le pot aux roses. Et déception parce qu'Adélie n'avait pas été capable de lui apprendre la vérité.

La vérité sur le fameux bébé qu'elle avait adopté. Il venait bien d'Unys, et il était bien orphelin, ça c'était vrai. Mais Ad avait laissé croire qu'il s'agissait d'un enfant ayant perdu ses parents lors de la destruction totale de Volucité. Un bébé miraculé, qui ne se trouvait pas avec ses parents dans la capitale au moment où Atlantis avait fait feu. Mais en réalité, le bébé, une petite fille de quelques mois, venait de la Forêt Blanche, là où précisément Ad et ses Gardiens de l'Harmonie avaient déniché Venamia.

Avant de se rendre à Ad, pour qu'ils partent tous vers la bataille qui avait débuté à Kanto, et et alors qu'elles étaient toutes deux seules dans l'appartement où se cachait l'ancienne dictatrice, Venamia avait posé dans les bras d'Ad un bébé enveloppé d'une couverture, qui dormait à moitié. Ad était bien sûr restée abasourdie et figée comme si elle tenait une bombe à retardement entre ses mains.

- C... C'est quoi ça ? avait-elle balbutié.

- Ça ? Oh, c'est un nourrisson humain, de sexe féminin en l’occurrence. Ça sort du trou qu'on a entre les jambes, nous les femmes. Vous n'en avez jamais vu ?

- Vous foutez pas de moi. Qu'est-ce que cette gamine fout avec vous ?!

- Pourquoi cet air effrayé ? Vous avez cru les rumeurs lancées à mon sujet comme quoi je mangeais des bébés à mon petit déj ?

- Venamia... on arrête les blagues bidons maintenant, l'avait averti Adélie.

- Je ne l'ai pas volée. Elle est à moi. C'est la raison pour laquelle j'ai disparu de la circulation pendant plusieurs mois, juste avant la bataille de Veframia. J'étais enceinte, et je voulais que ça reste secret. J'ai accouché ici, et je l'ai laissée aux gens du coin quand je suis repartie défendre ma capitale. Ce sont tous des hippies ici, qui se contrefoutent de ce qui se passe dans le monde. Ils n'ont posé aucune question, et ont gentiment accepté de s'en occuper. Mais je ne veux pas la laisser ici. Même si ces gens n'ont aucune animosité envers moi, ils savent qui je suis. Un jour, le secret s'ébruitera, et cette fille en subira les conséquences. La pauvre a des parents bien merdiques, et en plus, elle va sans doute développer un ou plusieurs pouvoirs inhabituels. Du coup, je veux qu'elle vive dans l'anonymat le plus total de qui elle est.

Ad avait regardé le visage du bébé alors qu'elle s'éveillait lentement. Elle avait sursauté en voyant ses yeux. Des yeux entièrement noirs, avec une iris rouge sang.

- Oui, avait fait Venamia avec un pauvre sourire. C'est le problème quand on fait un bébé avec Horrorscor dans notre tête... Mais ne vous inquiétez pas. Normalement, les yeux redeviennent normaux au bout de quelques mois. Il faut juste veiller à ne pas la montrer à quiconque d'ici là.

- C'est une Enfant de la Corruption, comme cette Lyre Sybel, c'est ça ? Nom de dieu Venamia, on avait vraiment pas besoin d'une autre calamité de ce genre !

- Lyre est devenue ce qu'elle est parce qu'elle a été élevé et embrigadé par le Marquis des Ombres et ses âmes damnés. J'ai bon espoir que si cette fille grandit normalement, avec toute l'amour nécessaire et l'apprentissage du bien et du mal, elle ne tournera pas comme Sybel. Je compte sur vous pour ça.

- Comment ça sur moi ?

- Vous allez adopter cette fille. En faire la vôtre. Et ne jamais révéler d'où elle vient, ni ce qu'elle est.

- Il n'y a aucun putain de moyen que je fasse ça ! Vous êtes cinglée !

- Je croyais que vous étiez une femme d'honneur, et que vous vouliez vraiment me rembourser la dette que vous avez envers moi pour avoir soutenu votre révolution à Naya ? Eh bien c'est l'occasion, Adélie Dialine. Je ne demande rien d'autre. Si vous refusez, la dette restera impayée à jamais, car comme je vous l'ai dit plus tôt, je vais bientôt mourir. Vous n'allez pas accepter la dernière volonté d'une mère éplorée ? Vous ? La capitaine des Gardiens de l'Harmonie ?

Ad avait alors fait une grimace de rage et d'impuissance.

- C'est vraiment bas, comme coup, ça...

- Il n'y a qu'en vous que j'ai confiance, insista Venamia. Vous n'êtes pas de Johkan, et vous avez un statu proche de celui de Chef d’État. Jamais on n'ira vous chercher des noises. Je ne veux pas la confier à mon père, ou aux jumeaux, car elle sera trop exposée aux représailles de ceux qui voudraient se venger de moi... ou de son père.

- Et justement, son père... C'est...

- Je pense que vous vous en doutez. Il était attaché et pas spécialement consentant. Il ignore tout de son existence, et ça devra rester ainsi.

Venamia avait caressé la joue de sa fille qui gazouillait paisiblement avec un tendre sourire.

- Cette petite est née d'un viol, de deux personnes qui seront parmi les plus détestées de ce siècle, et en plus avec la marque maudite d'Horrorscor en elle. Je lui ai imposé un bien lourd fardeau en lui donnant la vie. Mais je ne regrette pas de l'avoir gardé. Les enfants ne sont jamais responsables des fautes de leurs parents. Je vous en prie... dîtes oui. Elle est la seule chose qui m’empêche encore de partir avec sérénité, et de faire ce que je dois faire.

Ad avait fini par hocher la tête. Qu'aurait-elle plus faire d'autre ? Elle avait bien compris, comme Venamia, que ce bébé ne serait en paix nulle part si elle ne s'en occupait pas. Certes, elle voulait payer sa dette envers Venamia, mais à ce moment, si elle accepta de devenir la mère de cette enfant, c'était d'abord et avant tout pour l'enfant elle-même.

- Comment elle s'appelle ? avait alors demandé Ad.

- Je ne lui ai pas donné de prénom. Je savais que ce ne serait pas moi qui allait l'élever. À vous de choisir. Faites-en quelqu'un de bien. Pas comme moi...

Elle était alors sortie de cet appartement, l'air plus légère et soulagée, laissant Adélie seule avec l'enfant, sans savoir quoi en faire. Elle se décida en catastrophe, et laissa la petite dans son berceau un moment, pour redescendre avec Venamia. Elle ordonna à ses Gardiens de la prendre avec elle et de l'amener jusqu'à Kanto. Ils n'avaient pas le temps de repasser par Doublonville pour la livrer à la justice, et elle avait promis de coopérer pour combattre l'Armée des Ombres. Les Gardiens ne furent pas convaincus, mais obéirent néanmoins. Ils partirent devant avec Venamia, tandis que Ad resta sur place avec Faduc, qu'elle avait pris discrètement à parti.

- J'ai une mission pour toi, lui avait dit Ad. Un truc très important, et surtout qui doit rester secret. Tu disais que tu voulais que je t'amène avec moi à Naya pour que tu deviennes un Gardien de l'Harmonie, hein ? Bah si tu accomplis ce service que je te demande, sans poser de question, tu gagnes ton passeport pour Naya, et je parlerai même de toi en bien à Archangeos.

Le visage du jeune homme s'était bien sûr immédiatement éclairé d'enthousiasme.

- Tout ce que vous voulez, Lady Dialine !

- Amène-toi alors. Et rappelle-toi : pas un mot à quiconque, même pas aux autres Gardiens. Je ne te le pardonnerai jamais si tu balances.

- Je ne dirai rien jusqu'à mon dernier souffle, Lady Dialine. Je vous le promets.

Ils étaient montés ensemble jusqu'à l'appartement de Venamia dans l'Arbre Creux, où se trouvait le bébé. Ad l'avait prise dans ses bras et avait dit à un Faduc perplexe :

- Je veux que tu enfourches ton Latios, et que tu voles le plus vite possible jusqu'à Doublonville. Tu vas y déposer ce bébé à l'ambassade de Naya. Tu ne laisseras personne l'approcher. Tu diras juste que c'est un bébé orphelin d'Unys que j'ai prévu d'adopter. Je te passes la Pokeball de mon Kung-Fufu. Il gardera le bébé en ne laissant personne le voir de près, jusqu'à que je revienne. Puis, une fois que ce sera fait, tous nous rattrapes pour qu'on nous voit tous arriver ensemble à Kanto. Tu as bien compris ?

Faduc ne put bien sûr ignorer les yeux noirs aux iris rouges du bébé.

- Lady Dialine... Cet enfant, c'est celui de...

- Aucune question, j'ai dit !

Puis, se souvenant à qui elle parlait, elle avait adopté un ton plus doux.

- Je sais que c'est compliqué, entre Venamia et toi. Elle a tué ton père adoptif, t'a forcé à faire des choses dégueulasses... Mais ce bébé n'y ait pour rien. En l'état des choses, c'est juste une orpheline de guerre, tout comme toi tu l'étais. Et c'est désormais la mienne. Tu comprends ?

Faduc s'était forcé à quitter le visage du bébé du regard pour affronter celui d'Adélie.

- J'ai compris, Lady Dialine, fit-il d'un ton neutre. C'est votre fille, et personne ne doit la voir.

Ils ressortirent dehors, et Faduc appela son Latios, avant de lui ordonner de placer le bébé dans une bulle psychique de protection au creux de ses bras, tandis que lui montait sur son dos.

- Puis-je demander son nom, au moins ? fit Faduc.

Ad prit le temps de réfléchir à la question. Elle regarda le bébé qui bougeait ses petits bras en direction de la tête du Latios, qui lui l'observait avec un regard attendri. Ce qui fit sourire Adélie.

- Va pour Eonie, décida-t-elle. Si jamais un jour elle te demande pourquoi elle s'appelle comme ça, tu lui diras que parce que sa pauvre mère n'a aucune imagination sur les prénoms, et qu'elle a été inspirée par le Latios qui se trouvait là à ce moment.


***


L’énorme porte blindée s’ouvrit lourdement, laissant entrer le Premier Conseiller Sylvestre Wasdens de la FAL, et sa toute nouvelle collègue Impératus. Les gardes de la FAL, qui surveillaient cette salle vingt-quatre heures sur vingt-quatre se mirent au garde à vous au passage des deux conseillers. Wasdens hocha la tête et leur dit :

- Merci messieurs. Veuillez nous laisser quelques minutes.

Naturellement, les gardes hésitèrent.

- Vous êtes sûr, Monsieur le Conseiller ? Cette… chose a été signalée comme particulièrement dangereuse…

- Oh, elle l’est. Mais quand on connait à l’avance ses pouvoirs d’illusions, ça marche moins. Et dans l’état où il est, il ne pourra pas nous faire grand-chose. Dans le pire des cas, ma chère collègue Impératus pourra nous défendre.

Les soldats ne furent pas trop convaincus, mais n’insistèrent pas et sortirent. Wasdens s’approcha tranquillement de la tête robotique scellée contre un mur et branchée à plusieurs câbles qui la maintenaient en état de marche.

- Ah… Monsieur le Premier Conseiller Wasdens, fit la voix artificielle et légèrement moqueuse de D-Zoroark. Mes félicitations pour votre promotion. Vous aussi, Haute Conseillère Impératus.

- Les nouvelles vont vite, commenta Wasdens.

- Oui, surtout par votre internet. J’ai réussi à m’y brancher par wifi avec mon processeur central.

- Je ne me souviens pas que l’on ait autorisé cela…

- Bah, je ne fais rien de mal. Je ne hacke rien ou quoi que ce soit. Je me contente juste de suivre l’actualité. Elle est très riche et intense ces derniers temps. La paix mondiale qui se créer petit à petit chaque jour, avec le fils même de Venamia comme symbole d’espoir… Tout cela est du premier comique, même pour vous les humains.

- C'est-à-dire ? Vous regrettez que le monde n’ait pas été détruit ?

- Oh, pas du tout, assura D-Zoroark. J’en serai le premier peiné, et pas uniquement parce que je m’y trouve actuellement. Non, je trouve juste marrant que vous puissiez croire que l’humanité va tenir plus de dix ans sans se faire la guerre. Les conflits sont inscrits dans vos gènes même. Et le garçon dans lequel vous placez vos espoirs de paix a carrément les gènes de Lady Venamia. Vous pouvez penser ce que vous voulez d’Igeus, mais il avait bien cerné l’humanité. Si vous voulez mon avis, il y avait du bon dans son idée de maintenir votre monde en joug pour maintenir la paix par la peur. Quelle tristesse qu’il se soit fait trahir par les personnes les plus proches de lui…

L’expression de son visage mécanique ne pouvait bien sûr pas changer, mais sa voix recelait un cruel sourire ironique en direction d’Impératus, qui resta de marbre.

- Nous verrons cela le moment venu, reprit Wasdens. Mais quoi qu’il en soit, Atlantis a enfin quitté notre orbite et bientôt notre système. Nuelfa la ramène à son peuple. Nous serons désormais seuls contre votre… ancienne famille, quand ils décideront d’attaquer.

- Oh, ce ne sera pas pour tout de suite. Les actions folles de Lyre Sybel et Silas Brenwark ont forcé Arceus d’intervenir et de se réintéresser à ce qui se passe sur Terre. Bien sûr, grâce à ça, Asmoth a pu lui soutirer son ADN afin d’améliorer Père. Mais en contrepartie, il a dû se dévoiler. Arceus est au courant de ses manigances, et même Elohius est intervenu. Asmoth n’a pas trop envie de les affronter tous les deux tant qu’il n’a pas optimisé tous ses Pokemon Méchas, et Père en particulier. Il va se faire discret un moment je pense.

- Vous pensez ? Mais vous n’en êtes pas sûr.

- Je n’ai jamais trop été dans les confidences de Père, alors pensez bien que dans celles de notre dieu et créateur tout puissant… Je l’ai toujours en travers de la gorge qu’il ait pu me tromper à ce point, en prétendant m’aider à trouver Asmoth, alors que c’était lui. Pauvre, pauvre Crenden... Il était un camarade humain des plus appréciables.

- Notre accord était de vous maintenir en vie... ou devrai-je dire, en état de marche, et en échange, vous nous livrez des informations sur les Pokemon Méchas, lui rappela Wasdens avec impatience. Si vous ne nous apprenez rien n'ayant de valeur, vous ne valez même pas l'électricité que nous dépensons pour vous alimenter.

- Quelle froideur, Monsieur le Premier Conseiller ! Je vous jure que mon adhésion à votre cause est totale. Les informations, vous les aurez, et bien plus encore. Votre technologie est primitive comparée à celle des Pokemon Méchas. Je peux, à moi tout seul, faire faire un bond de près de 50 ans dans le futur à votre FAL. Je peux également mettre mes pouvoirs d'illusions à votre service, pour tromper ou manipuler vos adversaires politiques, vos rivaux internationaux. Mais pour tout cela... je demanderai un peu plus que ma simple survie. Vivre à l'état de tête constamment branchée et enfermée n'est guère plaisant.

- Je ne pense pas que vous soyez en position d'avoir des conditions, mais dites toujours...

- Je veux un nouveau corps, bien sûr. J'ai connaissance d'un stock caché de Sombracier sur Terre. Vous pouvez tout garder, sauf le peu que je demande pour me faire un nouveau corps. Ensuite, je veux une liberté relative.

- Tu vas un peu trop loin, Mécha, siffla Impératus.

- Allons bon, à quoi me servirait un nouveau corps si je ne peux pas l'utiliser ? Je vous assure que je ne causerai aucun problème, et vous pourrez mettre autant de monde que vous voulez à ma surveillance. Les ennemis de hier sont les amis d'aujourd'hui. Je suppose que vous avez accordé la liberté à ce gros balourd de Démon de la Gourmandise, non ?

Wasdens eut d'un petit rire.

- Pas du tout. Il est même plus surveillé que vous, et à l'intérieur d'une prison bien plus inviolable. Mais ça lui va. Tant que Gluzebub est approvisionné en une tonne de tubes de mayonnaise par jour, il ne fera aucune histoire et sera même ravi de rester là-dedans sans bouger pendant des années. Ça a l'avantage pour la FAL d'avoir un Pokemon surpuissant et fidèle à garder sous le coude au cas où... et à créer des emplois pérennes dans la filière de la mayonnaise.

- Hum... Je n'ai moi que peu d'intérêt pour la nourriture solide. Je préfère les expériences sociales, les interactions avec les créatures pensantes.

- Eh bien, pour le moment, vous allez devoir vous contenter d’interagir avec moi. Je passerai vous voir de temps en temps, pour faire causette... et pour mesurer la valeur de vos renseignements. Et qui sait ? Avec le temps, peut-être pourrons-nous reparler de cette histoire de nouveau corps et de liberté. Seul le temps forge la confiance et l'amitié, n'est-ce pas ?

Il fit demi-tour et s'apprêtait à quitter la pièce avec Impératus, quand la voix mécanique du Mécha le rattrapa.

- Sauf que du temps, vous n'en avez pas éternellement, vous autres humains. Encore moins maintenant qu'Asmoth a décidé de votre fin prochaine. Gardez cela bien en tête, Monsieur le Premier Conseiller Wasdens...

Wasdens se contenta d'un petit sourire poli avant de sortir. D-Zoroark était détenu dans un profond sous-sol, en dessous du tout nouveau siège du Haut Conseil de la FAL qui était en train d'être bâti ici, à Doublonville. Ce n'est que quand il fut dehors, à l'air libre, qu'il prit une grande inspiration en nettoyant ses lunettes.

- Pfffiouuuu... Ce robot est indéchiffrable ! C'est comme si je parlais avec un gars qui a des décennies d'expérience politique derrière lui.

- On ne peut pas lui faire confiance, lui assura Impératus. Cette chose a été créée dans le seul but de tromper les autres. Le mensonge et la manipulation sont la base de sa conception.

- Je sais, et je ne compte pas faire preuve de naïveté avec lui. Mais pour le moment, il a bien plus à gagner en étant de notre côté que notre ennemi. Nous sommes sa seule porte de salut. Et effectivement, il peut être une mine de savoir, en plus de ses autres utilités possibles. J'aurai tort de l'enterrer à jamais ou de le détruire.

- Si vous le dites... Mais prenez garde, Sylvestre. D-Zoroark nous a tous déjà suffisamment manipulé, sous ses diverses apparences.

- Je prendrai garde. De toute façon, les G-Man ont la responsabilité conjointe de le surveiller. Ils ne me laisseront pas faire ce que je veux avec lui. Bon, on remonte ? J'ai un appel en visioconférence avec le Premier Ministre de Paldea et avec le Kaiser du Saint-Empire Nuk pour un accord de libre échange et d'amitié de leurs pays avec la FAL.

- Mais nous n'avons pas arrêté depuis ce matin ! se plaignit Impératus.

- Ah ah, c'est ça, le boulot de représentants du giga-État le plus puissant du monde. Mais ça ira mieux quand nous aurons recruté tous les membres de nos cabinets respectifs.

- En attendant, je vous laisse vous en occuper, Sylvestre. Je marche à la photosynthèse moi, j'ai besoin de quelques minutes en dehors d'un bureau pour profiter du soleil.

- Je vous en prie, très chère. Vous êtes la seule Conseillère qui m'assiste sept jours sur sept ; je serai bien malavisé de vous faire fuir.

Tandis que Wasdens remontait dans son bureau pour prendre la communication attendue, Impératus s'engouffra dans les rues de Doublonville, profitant de l'air frais, du soleil et de la proximité des gens. Tout le monde la saluait avec un grand sourire. Ils la prenaient tous pour une héroïne ; celle qui avait tourné le dos à la folie d'Erend Igeus pour aider le jeune Julian à mettre fin à ses jours. Au lieu de répondre à leurs sourires, Impératus aurait bien aimé leur crier la vérité.

Penser à Erend mena instinctivement ses pas vers le cimetière de Doublonville. C'était ici qu'ils avaient enterré Erend, dans la plus grande discrétion, et surtout anonymement. Wasdens avait suffisamment travaillé avec lui pour lui accorder cela, devant le refus d'Impératus de rapatrier son corps dans sa région natale de Bakan. C'était plus une faveur à Impératus qu'à Erend, du reste. Comme désormais, en tant que Haute Conseillère, elle allait sans doute passer le plus clair de son temps à Doublonville, elle avait voulu avoir la tombe d'Erend non loin, pour s'y recueillir de temps à autre, même si elle était la seule à savoir qu'il se trouvait ici.

Ce n'était pas les tombes anonymes qui manquaient au cimetière de Doublonville, après toute ce que cette ville avait subi comme catastrophes, des attentats des Réprouvés jusqu'à la tentative de Coup d’État de Brimas Atilus. Une de plus ou de moins n'aurait pas attiré l'attention. Impératus se faufila donc à travers les pierres tombales jusqu'à celle d'Erend. Elle n'avait aucune particularité comparé aux autres anonymes. Impératus avait juste bien retenue sa position.

- Bonjour, Erend, commença la Pokemon. C'est étrange ; après tout ce temps passé à tes côtés, à te voir enchaîner les réunions et les dossiers politiques, maintenant que c'est moi qui doit gérer tout ça, je fais peine à voir... Sylvestre a raison : je vais vite devoir me dégoter des assistants qualifiés.

Impératus balaya le haut de la tombe comme pour y enlever de la poussière, et poursuivit :

- Tu seras content d'apprendre que Julian se débrouille très bien. Il a vite fait oublier l'héritage de Venamia, en changeant le nom du Grand Empire, et ses premières réformes ont remporté l'approbation de ses sujets. En outre, il a opéré un rapprochement à la fois culturel et technique entre l'ancien Empire Lunaris et Johkan, pour que ça ressemble vraiment à un nouveau pays uni et solidaire. Le peuple l'aime. Pas seulement grâce à la publicité qu'on lui a faite, mais parce qu'il est sincère et juste. Oh, bien sûr, il en reste encore quelques uns pour lui reprocher d'être le fils de Venamia, en affirmant qu'on va se retrouver avec un nouveau tyran sous les bras d'ici peu. Mais ils sont très minoritaires. Julian a au contraire tout fait pour favoriser la démocratie, en faisant élire une assemblée constituante, qui peut même, au besoin, bloquer les pouvoirs de l'Empereur. Il a même demandé aux citoyens de confirmer son statut d'empereur par un référendum. Le « oui » l'a emporté avec 83% des voix. Bref, ton pari fonctionne pour le moment.

Il y a autre chose qu'Impératus aurait bien aimé dire, mais elle n'en trouva pas la force, même s'il ne s'agissait que d'une pierre tombale. Se sentant plus lâche et coupable que jamais, elle resta un moment silencieuse devant la tombe, jusqu'à que le soleil commence à se coucher. Alors, quelqu'un passa près d'elle. C'était un homme dont le visage était couvert de bandages, qui marchait à l'aide d'une canne, revêtu d'un large imperméable. Il s'arrêta devant Impératus.

- Ça par exemple... fit-il d'une voix rauque et essoufflé, comme s'il avait subi une quelconque opération de la gorge. Vous êtes Dame Impératus, la nouvelle Haute Conseillère de la FAL ?

Impératus hocha la tête. Elle n'avait pas à se cacher ; personne à part Sylvestre ne savait qu'Erend était enterré ici.

- Vous êtes venue vous recueillir auprès de proches ? continua l'homme. Moi aussi. La guerre m'a coûté bien des parties de mon corps, mais a hélas épargné ma vie, alors que tant d'amis sont partis.

- Vous étiez soldat ? demanda aimablement Impératus.

- Pas à l'origine, ma bonne dame... Mais le sort du monde fait qu'on se sent un peu concerné, même si on a pas été formé pour manier les armes, hein ? Bref, je suis rentré brisé des combats, et quasiment toute ma famille n'est plus là. Mais faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Je suis vivant pour pouvoir contempler le futur pour lequel tant se sont sacrifiés. C'est un peu la moindre des choses qu'on leur doit, n'est-ce pas ?

Impératus approuva.

- Le contempler, mais aussi le forger, mon ami, ajouta-t-elle. Tout le monde a sa part à faire pour rendre notre monde meilleur.

- Pour sûr. Enfin, certain plus que d'autres. Vous, vous avez fait par exemple bien plus qu'un pauvre type comme moi ne pourra faire en toute une vie.

- En réalité, je n'ai pas fait grand-chose, avoua Impératus. J'ai même bafoué la mémoire d'un être cher. Je lui avais fait une promesse, et je l'ai brisée il y a peu. Et le pire, c'est que je ne suis même pas capable de le lui avouer devant sa tombe. Je suis une menteuse doublée d'une lâche.

Impératus n'avait pas été capable de garder le secret sur le rôle d'Erend et le Requiem de l'Innocence. Elle en avait parlé à quelqu'un. Elle l'avait fait parce que vivre dans l'idée qu'elle était la seule à connaître le sacrifice qu'Erend avait fait lui était insupportable. Bien sûr, ce n'était qu'à une seule personne, qu'elle savait de confiance. Elle n'allait pas parler à son tour. Mais quand bien même, elle avait déjà foulé du pied la promesse qu'elle avait faite à Erend, par purs égoïsme et faiblesse.

- J'imagine que cela dépend de pourquoi vous avez brisé cette promesse, relativisa le blessé de guerre. Je ne vais pas parler pour les morts, mais j'aime croire que là où ils sont, ils n'ont pas de remords envers les vivants, surtout ceux qu'ils chérissaient. Il y a de grandes chances que ce soit eux qui aient hérité de la partie facile. Le Monde des Esprits serait un lieu de paix éternelle et de repos sans fin, alors que le Monde des Vivants et les limites de la chair sont loin d'être une partie de plaisir, par moment.

- Je présume... Mais moi, tout porte à croire que je n'aurait pas de cette paix éternelle avant un bon moment. Ma race de Pokemon a déjà une longue durée de vie, mais en plus, mon corps est spécial et bénéficie d'une vitalité supérieure à la normale.

- Eh bien, vous aurez alors beaucoup de temps pour vous faire pardonner, par vos actions terrestres. Quand vous reverrez cette personne qui vous était chère dans le Monde des Esprits, vous pourrez garder la tête haute, après tout ce que vous aurez fait.

Impératus resta pensive un moment, avant de hocher la tête.

- Vous avez sans doute raison. Merci pour vos mots. Vous êtes un brave humain.

L'humain en question ricana de sa voix enrouée et sèche, puis leva la main pour saluer Impératus qui s'en allait. Quand elle fut hors de vue, il baissa la main en question, et se la mit à hauteur de visage, comme pour en contempler le dos.

- Ne t'en fais pas, mon amie, murmura-t-il pour lui-même. Moi aussi, je suis un menteur, tu sais ?

Sur le dos de sa main se trouvait, comme gravé, un signe doré, celui d'un huit horizontal. Le symbole de l'infini...


***


Silas Brenwark ne savait plus depuis combien de temps il errait sans but dans sa dimension des ombres. Quand Mercutio Crust l'avait étalé avant de quitter le corps de la Déesse de la Finitude, Silas s'était résigné à rester seul à l'intérieur, et à disparaître avec elle. Mais toute l'essence d'âmes et de matières qu'elle avait recrachée avait été récupérée par Arceus, et le Créateur s'était servi de ses pouvoirs pour ramener tout et tout le monde.

Ce qui incluait Silas lui-même. Avec ses pouvoirs d'Imaginatus, il s'était vite replié dans sa dimension personnelle pour ne pas se faire repérer par la X-Squad ou d'autres qui le connaissaient. Il ne l'avait pas quitté depuis. Pas parce qu'il avait peur de revenir dans le monde réel. Non. C'était juste qu'il n'avait plus de but, ni plus aucune envie. Lyre était partie, le laissant tout seul. Et pourtant, l'univers existait toujours. Cette seule équation lui donnait la nausée. Un univers sans Lyre était quelque chose qui n'aurait pas dû être. Il était déjà suffisamment morne et ennuyeux avec, alors maintenant, elle partie, Silas n'avait plus aucun intérêt pour l'existence.

Il avait songé à se laisser mourir ici, caché et oublié de tous. Il avait songé ensuite à détruire le monde lui-même. Avec ses pouvoirs, ce serait très faisable. Mais il n'en voyait même plus l'intérêt, s'il ne pouvait pas profiter de l'apocalypse avec Lyre. Comment avait-elle pu trouver la moindre valeur à la vie, et l'abandonner ? Comment avait-elle pu le trahir de la sorte ?

Sa situation et son ressentiment l'avaient laissé dans un état d'apathie sévère. Il est resté allongé dans sa prison d'ombre, l'univers qu'il pouvait se créer par la puissance de son esprit, entouré plusieurs de ses peluches géantes mobiles. Le regard et l'esprit vides, il était resté ainsi pendant des jours, sans bouger. Il n'avait même pas besoin de manger, de boire, de se soulager ou de dormir ici. Tout était contrôlé par sa seule imagination. Il pouvait rester ainsi pour l'éternité. Et c'est ce qu'il aurait sans doute fait, si une voix aiguë et moqueuse de l'avait pas tiré de sa léthargie.

- Encore là à broyer du noir ? Juste pour une fille ? Tu fais pitié, Silas. On croirait voir un ado venant de subir son premier chagrin d'amour...

La voix ramena Silas à la réalité, et il se releva en vitesse. Car cette voix, c'était celle de son bienfaiteur, la seule personne qu'il acceptait de servir avec sincérité. Mais bien sûr, il n'était pas là. Cette personne pouvait lui parler à travers le temps, l'espace et la réalité, mais c'était tout. Silas ne l'avait encore jamais vu en chair et en os. Mais c'était normal, après tout. Il n'existait pas encore, à cette époque.

- Lord Chen...

- Ressaisis-toi un peu, veux-tu ? Je t'avais promis un spectacle comme tu n'en avais jamais vu, et tu l'as eu non ?

- Je voulais... que tout disparaisse en apothéose ! se plaignit Silas comme un gamin. C'est ce que vous m'aviez promis !

La voix du dénommé « Lord Chen » poussa un profond soupir.

- Je t'ai promis l'apothéose, mais pas comment elle allait se conclure. Réfléchis un peu, crétin. Si la fin des temps avait eu lieu avant ma naissance, je n'aurai jamais existé. Et toi, tu serais resté ce petit Gardien de l'Innocence bien gentil bien mignon et bien chiant, si tu ne m'avais jamais rencontré. Grâce à ton pouvoir d'Imaginatus, tu as pu entrer en contact avec une personne du futur : moi. Tu étais mon fidèle agent à cette époque, qui tirait les ficelles pour que l'avenir aille dans la direction que je voulais. Le gros du travail a été fait, mais il reste encore deux trois trucs à accomplir. Alors bouge-toi. Même sans ta Lyre adorée, tu auras encore des trucs sympas à vivre, crois-moi. Une nouvelle fille va se présenter à toi dans quelques années et va piquer ton intérêt. Elle sera un des acteurs principaux de ton grand final. Tu verras... ça sera amusant, je te l'assure.

Silas se força à se remotiver. Même si Lord Chen jouait souvent avec la vérité, il ne lui avait encore jamais menti sciemment. S'il disait que ça sera amusant, c'est que ça le sera.

- Tout pour mon Seigneur Chen... murmura-t-il.

- Oui. Continue à œuvrer pour moi, fidèle Mister Smiley, le tout premier membre de ma Z-Squad. Car il n'y a que moi qui puisse te faire sourire...


***


C'était le jour.

Les jumeaux Crust avaient pris tout le temps qu'ils jugeaient nécessaire avant de quitter la Team Rocket pour se rendre au Refuge. Ils avaient aidé à tout reconstruire, s'étaient assurés que tous leurs amis et leurs proches, plus particulièrement Julian, s'en sortaient bien. Galatea avaient même fait en sorte de profiter de chaque jours qu'elle passait en compagnie de Régis.

Mais à présent, ils n'avaient plus aucune excuse pour repousser ce qu'ils avaient promis à leur père. Zeff et Ithil étaient partis chacun de leur côté, le Général Tender avait pris sa retraite comme promis, et même Goldenger avait quitté la Team, pour se lancer dans une soi-disant quête héroïque à travers le monde avec les Dumbass. Il ne restait plus qu'eux, et Madame Boss. Mais Estelle s'occupait bien plus de sa grossesse que de la direction de la Team, qui fonctionnait désormais au ralenti. Plus rien à voler, plus personne à combattre, plus de profit à réaliser... La Team Rocket ne servait plus qu'à réaliser des entraînements et des parades. Telle était la paix. Tout le monde la désirait, mais quand elle était là, eh bien, on se faisait chier.

Même Galatea s'était faite une raison, et avait fait ses adieux à Régis. Pas des adieux définitifs, bien sûr. Elle comptait sortir du Refuge de temps en temps pour se rappeler à son bon souvenir. Mais le tout nouveau Haut Conseiller aurait-il la patience d'attendre plusieurs mois avant de retrouver sa petite-amie, sans en changer entre temps ? Mercutio n'en servait rien, mais espérait que Galatea était prête à cette éventualité.

À leur départ, alors qu'ils tenaient dans un sac leurs maigres possessions, ils eurent la surprise de trouver, dans la cour, une haie d'honneur de tout le personnel de la base G-5. Pour eux qui étaient nés ici, qui avaient grandi ici, qui s'étaient entraînés ici, et qui avaient été un temps les héros de cette base, tous ces Rockets, des plus hauts officiers jusqu'aux sbires qui lavaient les sols, tous étaient un peu comme leur famille.

Les Rockets de la base se mirent au garde à vous quand les jumeaux passèrent devant eux. Personne ne dit mot. Ce n'était pas nécessaire. Les deux derniers membres de la X-Squad, et les plus iconiques, levaient le camps. C'était la fin d'une époque, et le début d'une nouvelle. Quand ils eurent atteint les portes de la base, où leur père Elohius les attendait, Galatea avait les yeux pas mal humides.

- Vous êtes prêts ? fit leur père en guise de salutation.

- Aurions-nous nos sacs sur notre dos si on était pas prêt ? le rabroua Mercutio.

Elohius eut un sourire crispé, mais ne répliqua pas. Il faudrait du temps pour que père et fils comblent le fossé qui les avait séparé, mais il avait espoir. Ils auraient tant à faire, et largement de quoi se rapprocher durant les prochaines années.

- Alors, en route pour Johto, reprit-il. Le Refuge est là-bas. On pourrait y aller en volant, ou même en prenant le train, mais j'avais espéré qu'on fasse le trajet à pieds. Ça nous laissera quelques jours pour parler, car nous avons beaucoup à nous dire.

- Ça marche pour moi, approuva Galatea.

Mercutio acquiesça par un grognement, et père et enfants commencèrent leur route. En débutant sa marche derrière Elohius, Mercutio cru voir, pendant un bref instant, une personne le croiser en sens arrière. Perplexe, il se retourna en clignant des yeux. Il ignorait si c'était une illusion ou une quelconque vision du Flux, mais il aperçut furtivement le dos d'une femme aux cheveux bleus clairs, qui tenait entre ses mains un Spiritomb.

Tous les deux, souriants et en paix, marchaient lentement vers une vaste étendue brillante. Au dessus de cette immense plaine paisible, deux êtres féminins, l'un blanc avec des ailes circulaires, et l'autre noir avec des yeux rouges en tourbillons, mais tous deux avec la même chevelure violettes, les regardaient comme deux divinités gardiennes.

Veluba et Spiritomb étaient enfin ensemble, réunis dans la paix et l'amour, et avaient passé le flambeau de leur fardeau à Erylubin et Lyrrorscor. Elles s'opposaient comme elles se devaient, mais sans haine et sans affrontement direct, unis dans leur même mission de maintenir l'équilibre entre Corruption et Innocence.

C'était sous leurs regards nostalgiques et bienveillants que Mercutio et Galatea débutaient leur nouveau voyage, et par la même la prochaine étape de leur vie. Ils laissaient la Team Rocket derrière eux pour endosser enfin leur second héritage, celui des Mélénis. Et ils savaient que leur oncle malveillant les attendait au bout de ce chemin. Mais ce qui devra arriver arrivera. Pour le moment, ils se contentèrent de la joie simple de marcher à hauteur de leur père enfin retrouvé, pour rattraper le temps perdu.




A suivre ?