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Team Rocket X-Squad de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 28/08/2022 à 09:44
» Dernière mise à jour le 28/08/2022 à 09:44

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 437 : Veluba et Spiritomb ( 1ère partie )
1089 ans plus tôt...




Veluba était une enfant née avec de nombreux atouts. Elle était belle, gracieuse, dotée d'une intelligence pénétrante et d'une forte empathie. Avec ses cheveux couleur ciel et ses grands yeux expressifs, il était impossible qu'elle ne touche pas le cœur des adultes, qui ne manquaient pas de lui sourire et de déclarer d'une voix bienveillante : « Ah, en voilà une bien belle enfant ! » ou « Cette fille est un véritable don d'Arceus, ma parole ! ».

Du moins, jusqu'à que la personne à côté d'eux leur murmurent précipitamment « C'est la bâtarde Deleval ! La gamine de cette sorcière amoureuse des Pokemon... ». Alors, les regards changeaient. La bienveillance quittait aussitôt les visages, et ceux qui avaient loué la beauté de Veluba quelques secondes plus tôt lui lançaient des insultes au visage ou crachaient par terre à son passage.

Car aux yeux de tous les gens du village, Veluba était née avec une terrible tare, que toute la beauté du monde ne pourrait jamais enrayer. Celle d'être la fille d'Alvetria Deleval, « l'amoureuse » des Pokemon qui vivait en bordure du village. Tout le monde méprisait et détestait cette femme, mais personne n'avait jamais rien tenté contre elle, car tout le monde la craignait. On disait qu'elle était protégée des Pokemon, et qu'elle pouvait en lancer des meutes entières sur vous si jamais l'envie lui prenait.

C'était pure fadaise et superstition, bien sûr. Alvetria aimait les Pokemon et parvenait facilement à gagner leur confiance, oui, mais elle serait bien en peine de les commander. Mais elle laissait croire ceci aux villageois. Elle savait que c'était son assurance pour vivre tranquillement. Tant qu'ils croiraient cela d'elle, ils n'oseraient pas venir la chercher pour la placer sur un bûcher, comme nombre d'entre eux en avaient sûrement la folle envie...

Pourquoi la haïssaient-ils ainsi ? Pour de nombreuses raisons, mais la première était bien sûr son nom de famille. Alvetria était la dernière descendante d'une lignée bien connue, dont le père fondateur, Alexandros Deleval, avait été le pire criminel de son époque. Il y a près de mille quatre-cent ans, cet homme, qui avait changé son nom en celui de Maleval l'Obscur, avait commis d'horribles exactions pour le compte d'un dieu Pokemon maléfique.

Sa lignée avait perduré tout ce temps, malgré les persécutions. Bon nombre de ses descendants ont préféré caché leur nom, ou en porter un nouveau, pour se fondre dans la masse. Mais pas Alvetria. Elle portait le nom des Deleval avec fierté. Non pas qu'elle approuvait les horreurs que son ancêtre avait commises bien sûr, mais contrairement au commun des mortels, elle connaissait toute son histoire. Maleval l'Obscur n'avait pas fait que du mal. Quand il portait encore son nom véritable, il avait été un personnage digne de louange, qui s'était battu pour un idéal.

Alexandros Deleval, dans sa jeunesse, avait lutté pour démontrer que les humains et les Pokemon pouvaient coexister en toute amitié et confiance. Depuis fort longtemps, les conflits et les tueries entre eux étaient courant dans le Royaume de Johkania. La lignée royale, les Karkast, ne les appréciait guère, et avait pris pour habitude de lancer des raids contre eux, pour le seul plaisir de les tuer ou de les dévorer. En réciprocité, les Pokemon ne perdaient jamais une occasion de se jeter sur un humain esseulé en pleine forêt.

Deleval a voulu mettre un terme à tout ça. Il avait gagné la confiance de nombre de Pokemon, et même celles de plusieurs adeptes humains. Sa célébrité avait été jusqu'à attirer l'attention de celui qu'on nommait le Père des Pokemon, le premier d'entre eux qui fut conçu lors de la Création : Mew. Lui aussi étant un partisan de la paix, il avait gratifié Alexandros de son soutien, et grâce à ses pouvoirs, il avait créé, rien que pour lui, trois nouveaux Pokemon, censés lui obéir et l'aider à démontrer sa vision d'entente et d'entraide.

Mais c'est à partir de ce moment qu'Alexandros perdit pied et sombra peu à peu dans l'extrémisme puis dans la folie. Grâce à ses trois Pokemon qui lui obéissaient en tout, il avait obtenu une puissance avec laquelle peu d'humain pouvait rivaliser. Il avait commencer à user de la force, puis de la violence, et enfin du meurtre, dans son combat pour la paix.

Finalement, le souverain de Johkania, Mulkesh II, se déplaça en personne pour l'affronter avec le Pokemon lige de la lignée royale, Duancelot. La puissance et l'expérience de ce Pokemon millénaire furent supérieure à celle d'Alexandros et de ses trois Pokemon, et ce dernier perdit. Il parvint cependant à survivre et prit la fuite, honteux et privé de ses partisans.

Il en vint à rejeter la faute sur ses trois Pokemon, qu'il jugea faibles, car incapables d'évoluer. Cela leur causa une immense tristesse, car les trois Pokemon aimaient leur dresseur : ils avaient été créés pour cela. Mais, impitoyable, Alexandros les renvoya. Dans sa quête de vengeance contre le royaume, il trouva un sombre maître pour lui offrir de la puissance. Alexandros Deleval devint le tout premier Agent du Chaos de Diavil, et prit alors le nom de Maleval l'Obscur. Pendant une décennie, il mit le Royaume de Johkania à feu et à sang, jusqu'à qu'Archangeos, l'opposé de Diavil, envoi contre lui ses Gardiens de l'Harmonie, fondés justement pour lutter contre lui.

Le nom de Maleval l'Obscur était donc resté tristement célèbre à Johkania, même plus d'un millénaire après. Alvetria comprenait la méfiance et le rejet qu'elle subissait. Mais ça ne l'empêchait pas de se lier avec les Pokemon qu'elle croisait, et de chercher, comme son lointain ancêtre, un moyen de coexister paisiblement avec eux.

Elle était prête à encaisser toutes les insultes... mais voir sa fille unique être brimée par les enfants de son âge du village, alors qu'elle ne savait quasiment rien de l'histoire de Maleval, ça lui brisait le cœur. D'autant que si les adultes savaient faire preuve de prudence en évitant de s'en prendre physiquement à elles, ce n'était pas le cas des enfants. La petite Veluba s'était déjà reçue des cailloux en pleine figure de la part de jeunes garnements, qui riaient aux éclats en la traitant de sorcière. L'église du village, sous le contrôle de Destinal, ne faisait rien pour tenter de stopper ce harcèlement.

- Pourquoi ils me détestent ? lui demanda un jour Veluba tandis que sa mère la bordait dans son lit. Je ne leur ai rien fait. Est-ce mal d'aimer les Pokemon, mère ?
Alvetria avait secoué la tête en chassant ses larmes.

- Non ma chérie, ce n'est pas mal. Les autres ont juste peur d'eux, et ils ont peur du souvenir de notre ancêtre. Mais il arrivera un jour où nos idéaux se concrétiseront. Un jour, humains et Pokemon vivront côte à côte, se battront côte à côte, et progresseront côte à côte. Cela ne sera peut-être pas de notre vivant, mais cela arrivera, je le sais.

- C'est mon papa qui te l'a dit ?

À huit ans, Veluba posait naturellement beaucoup de questions sur ce père inconnu qu'elle n'avait jamais vu. C'était aussi une autre source de différence entre elle et les autres enfants du village, qui eux avaient bien leurs deux parents. Alvetria parlait de lui aussi peu que possible, pour la protéger de la vérité.

- Pourquoi tu dis ça ? voulut savoir Alvetria.

- Les garçons à l'église, ils disent que c'est un sorcier. Ils disent que tu as donné ton corps et ton âme à un mage noir ennemi de l'humanité... et que du coup, je suis moi aussi une sorcière.

Les rumeurs sur le père de Veluba ne dataient pas d'hier bien sûr, mais désormais, les villageois en faisaient l'écho à leurs enfants en les noircissant encore plus.

- Ton père, fit Alvetria en choisissant ses mots avec soin, est un homme très spécial, oui. Très sage et très puissant, mais en aucun cas maléfique ou ennemi des humains. Au contraire, il a toujours tenté de les protéger, souvent contre eux-mêmes. Lui aussi croit comme nous qu'on peut se lier avec les Pokemon, et même qu'on le doit. Tu le rencontreras un jour, Veluba. Il viendra pour toi. Jusque là, ne parle pas de lui aux enfants du village, et ignore-les quand ils l'insultent.

La fillette tenta de suivre aux mieux les recommandations de sa mère. Elle resta indifférente aux piques de plus en plus cruelles de ses camarades de classe. Elle n'avait aucun ami, mais c'était pas grave ; plein de Pokemon étaient amis avec elle, dans la petite forêt non loin de leur cabane. Elle pouvait se lier à eux bien plus vite et plus facilement que sa mère. Elle pouvait même se faire comprendre d'eux sans leur parler, les attirer à elle et les pousser à lui faire confiance.

Elle l'ignorait, mais Veluba se servait déjà inconsciemment du Flux. C'était grâce à lui qu'elle arrivait à être si proche avec les Pokemon sauvages. Ces derniers sentaient son ascendance Mélénis. Et si les Pokemon traitaient les humains avec mépris et méfiance, ils faisaient instinctivement confiance aux Mélénis... qui comme eux étaient la proie des chasses et des persécutions humaines.

Un jour, alors qu'elle avait dix ans, des enfants du village la suivirent jusque vers chez elle pour lui faire une mauvaise blague. Et cela tourna mal. Ils furent vite agacés par l'indifférence affichée de la jeune fille, qui ne régissait pas à leurs insultes, ni sur elle, ni sur ses parents. Alors, l'un d'entre eux, le chef de la bande, la bouscula et le fit tomber au sol. Il n'en fallu pas plus pour que les autres se jetèrent sur elle également, la lardant de coup de pieds, comme possédé par un esprit de meute devant une proie.

La pauvre Veluba se protégea comme elle put, se forçant à subir, mais intérieurement, la colère se mit à la posséder. Pourquoi ? Pourquoi lui faisaient-ils cela ? Juste parce qu'elle était différente ? À cause des parents qu'elle n'avait pas choisi ? Était-ce cela, la pure méchanceté humaine ? Elle ne comprenait pas pourquoi on devrait forcer les Pokemon à se lier à des créatures pareilles, si cruelles et idiotes... L'idée lui vint que les Pokemon avaient finalement raison de vouloir tuer les humains.

Sa colère et sa détresse se rependit dans le Flux qu'elle projeta inconsciemment, et qui prit peu à peu une teinte obscure. Il posséda les Pokemon des alentours, qui rappliquèrent par dizaines. Des Roucoups, des Rattatac, des Migalos, des Malosse et bien d'autres, qui comme un seul homme, guidé par le Flux, se lancèrent à la rescousse de leur amie humaine.

Ils encerclèrent le petit groupe d'enfants sans que eux ne s'aperçoivent de rien, et comme dans une chasse, se jetèrent sur eux en même temps. Ce fut un carnage sanglant. Quand Veluba se releva, blessée au visage et se tenant les côtes, elle vit les enfants qui l'avaient agressé se faire déchiqueter, impuissants et hurlant. Mais malgré le spectacle, Veluba ne trouva aucune compassion en elle. Seulement de la satisfaction, et la certitude qu'ils l'avaient mérité.

Naturellement, tout cela mis le village en ébullition. Six enfants avaient été tués par des Pokemon sauvages, tout prêt de la cabane où vivaient la putain Deleval et sa bâtarde et sorcière de fille. Il n'en fallut pas plus pour que les villageois oublient leur peur pour se lancer à l'assaut de la maison, armée de fourches, de torches et d'arcs. Alvetria avait anticipé cela et avait fui dans la forêt avec Veluba.

- On peut les affronter, mère ! lui criait la fillette alors qu'elles courraient à travers la forêt. Je peux appeler les Pokemon pour qu'ils nous aident ! Je peux les tuer comme j'ai tué leurs enfants !

Alvetria s'était alors arrêtée de courir, et avait giflé sa fille. Cette dernière fut trop choquée pour se mettre à pleurer. Jamais sa mère ne l'avait frappé.

- Non, tu ne peux pas, fit-elle d'une voix grave. Parce que ce n'est pas ce que je t'ai enseigné, encore moins les idéaux de notre famille. Nous devons être le lien qui unira humains et Pokemon, Veluba, pas ceux qui les lanceront les uns contre les autres ! Tu ne dois pas te servir du pouvoir de ton père comme cela. Tu ne deviendrais qu'une seconde Maleval l'Obscur !

- Mais ils le méritent ! insista Veluba. Ils sont mauvais !

- Les humains ne sont ni blancs ni noirs, ma fille. Seulement un mélange des deux. Ils aiment leurs enfants, comme les Pokemon, et se battent quand on leur fait du mal, comme les Pokemon également. Ils sont capables de cruauté, mais aussi de bienveillance... comme les Pokemon. Ce que tu as vécu est triste et injuste, mais ne te sers pas de ce prétexte pour les haïr les humains. Car alors, tu ne vaudras pas mieux que tous ces gens qui t'ont haï à cause de quelque chose dont tu n'es pas responsable.

Veluba garda pendant longtemps ces paroles en tête. Pour leur sagesse bien sûr, mais aussi parce qu'elles étaient quasiment les dernières de sa mère. Malgré leur fuite à l'avance, elles furent rattrapés par les villageois. Les flèches fusèrent, et l'une d'elle toucha Alvetria à la cuisse. Elle tomba et ne put plus courir. Elle fit alors ce que toute mère aurait fait dans cette situation. Elle poussa sa fille à fuir sans elle.

- Vas-t-en, Veluba ! Fuis, aussi loin que tu pourras fuir ! Cache-toi. Ton père viendra te trouver, j'en suis sûre !

Mais en ce moment, Veluba n'avait aucune envie de compter sur un père qu'elle n'avait jamais vu. Elle laissa la même colère qui l'avait envahi alors qu'elle se faisait tabasser par les enfants se propager, pour appeler à l'aide les Pokemon alentours. Mais, comme si elle avait senti ce que sa fille faisait, Alvetria lui attrapa le bras.

- Non. Je t'en prie, ma chérie... Pas comme ça. Tu ne dois pas... t'en servir comme ça. Les Pokemon n'ont pas à être le réceptacle de notre haine, et on ne doit pas se servir d'eux contre les humains...

- Mais...

- Si tu fais ça, il y aura des morts... des deux côtés. Des Pokemon vont tuer des humains. Des humains vont tuer des Pokemon. Au village, il y aura des femmes et... des enfants qui perdront leur mari et père. Dans la forêt, il y aura des bébés Pokemon... qui n'auront plus de parents, et qui ne pourront pas survivre seuls. Je ne veux pas... être responsable de tant de malheur... juste pour que ma vie soit sauvée. Si tu fais ça... je... je ne te le pardonnerai jamais !

Effrayée par le ton de voix de sa mère et la lueur d'intense détermination dans son regard, Veluba recula... puis courut, laissant Alvetria derrière elle. Elle pleura, mais ne se retourna pas, de crainte que le courage lui manque. Sa mère regarda sa silhouette disparaître à travers les arbres et la nuit, soulagée.

- Vis, ma fille, murmura-t-elle en ultime prière. Vis, va retrouver ton père, et ensemble, exaucez le souhait de notre famille...

Alvetria eut ensuite la chance de mourir rapidement sous les coups rageurs des pères des enfants tués par les Pokemon plus tôt dans la journée. Les autres villageois voulurent qu'Alvetria soit interrogée, torturée et qu'elle avoue sa sorcellerie avant d'être exécuté publiquement. Mais la haine des pères endeuillés lui épargna cela. Néanmoins, son corps fut pendu et exposé longtemps sur la place du village, jusqu'à qu'il pourrisse sur place.

Ils ne trouvèrent pas Veluba. Elle resta cachée dans les profondeurs de la forêt, sous la protection de Pokemon qu'elle contrôlait plus ou moins grâce au mélange de son Flux et de son empathie naturelle pour eux. Quand un Roucool qui avait survolé le village lui fit part du sort de sa mère, Veluba fut à deux doigts de réunir une armée de Pokemon sauvages pour la lancer en représailles sur le village. Mais les dernières paroles de sa mère étaient toujours présentes dans son esprit, et par respect pour son souvenir, elle parvint à dompter sa haine.

Veluba vécu plus d'un an dans la forêt, avec pour seule compagnie les Pokemon. Se servant inconsciemment du Flux pour communiquer avec eux à un niveau de plus en plus profond, elle-même abandonna peu à peu son humanité. À force de vivre avec eux et comme eux à l'état sauvage, elle se prit à penser qu'elle était aussi un Pokemon. Elle perdit l'habitude de parler, se contentant de communiquer mentalement avec ses amis. Elle chassa avec eux, mangea de la viande froide, et fit ses besoins comme eux.

Plus Veluba revenait à l'état sauvage, plus son Flux devenait sombre et incontrôlable. Ses effluves impactèrent l'ensemble de la forêt et de ses êtres vivants. Elle fut recouverte d'une brume malsaine, et soumise à une pression anormale. Les arbres devinrent sombres, les plantes plus épineuses et plus agressives, et surtout, les Pokemon bien plus sauvages et haïssant les humains. Quand ces derniers eurent le malheur de pénétrer dans la forêt, ils n'en ressortaient que très rarement. Très vite, la forêt acquit une très mauvaise réputation dans les hameaux humains avoisinant. On la prétendit hantée ou maudite, et plus personne n'osa s'y rendre, que ce soit pour la chasse, la cueillette ou pour simplement la traverser.

Le Flux Noir se développa tellement au sein de cette forêt qu'il attira l'attention des Mélénis du Refuge. Ces derniers, cachés quelque part en Johkania, craignirent qu'un Mélénis Noir, ou plusieurs, se soient appropriés la forêt. Le maître du Refuge, Irvffus, souhaita en envoyer pour enquêter, mais le hasard voulu qu'Elohius se trouva au Refuge à ce moment là. Se rappelant que le village d'Alvetria se trouvait non loin de la forêt en question, il insista pour s'y rendre lui-même et voir de quoi il retournait.

À l'aune de la forêt en question, le Dieu Mélénis sentit immédiatement que le Flux sauvage et agressif qui y ruisselait était une variante du sien. Il savait qu'Alvetria avait eut un enfant de lui, bien sûr. Il ne pouvait en être autrement, vu qu'il l'avait lui-même décidé. Un Mélénis avait un contrôle total de sa capacité à enfanter. Mais il n'avait jamais vu l'enfant, ni même ne connaissait son nom ou même son sexe. Et pourtant, il savait intuitivement que c'était lui, le responsable de cette situation. Il pouvait même sentir la part d'Alvetria dans ce Flux, qui laissait s'échapper un lien très fort avec les Pokemon.

Veluba aussi sentit Elohius dès qu'il entra dans la forêt. Même si elle ignorait encore ce qu'était le Flux et comment le contrôler, elle s'en servait instinctivement et ressentait les choses à travers lui. Et dans le Flux, la présence d'Elohius apparaissait comme une boule de lumière à laquelle il était difficile de maintenir le contact visuel. Elle transmis sa volonté aux Pokemon environnants, leur disant de laisser passer l’intrus. De toute façon, ils n'auraient rien pu faire pour l'arrêter.

Quand Elohius arriva tranquillement jusqu'à elle, Veluba sut tout de suite qu'il était ce fameux père qu'elle n'avait jamais vu et dont elle ignorait jusqu'au nom. C'était en apparence un jeune homme aux longs cheveux bleus foncés, bien fait de sa personne, mais avec des yeux émeraudes qui trahissaient un âge incalculable, ainsi qu'une profonde sagesse et une bienveillance naturelle.

- Vous êtes mon père, fit Veluba.

Ce n'était pas une question, mais une affirmation, et la jeune fille l'avait lancé mentalement, sans ouvrir la bouche, via le Flux. Le Mélénis répondit lui en parlant normalement.

- En effet. Je suis Elohius. Tu peux m’appeler El, si tu veux. Je ne suis pas encore digne à vouloir prétendre que tu m'appelles « papa », alors que j'ignore ton nom.

C'était une façon polie de s'enquérir de son nom, mais Veluba lui dénia même ce droit, et lança d'une voix rauque, qui n'avait plus beaucoup parlé depuis un moment :

- Je vous déteste.

- Je vois. C'est bien dommage, alors qu'on vient à peine de se rencontrer.

- Pourquoi nous avoir laissé seules, ma mère et moi ? Pourquoi n'avoir jamais voulu me voir ? Aviez-vous honte de moi ? Et pourquoi vous n'êtes pas venue nous aider et sauver ma mère ?! Elle est morte à cause de vous !

En voyant cette fille dans cet état à moitié sauvage, livrée à elle-même dans cette forêt avec des Pokemon pour seule compagnie, Elohius en était bien sûr arrivé à la conclusion qu'il était arrivé quelque chose à son ancienne amante. Et cette haine latente contre les humains qu'il pouvait sentir dans le cœur de Veluba lui apprit que les villageois étaient sans doute responsables.

- Je regrette. Je pleurerai la mort d'Alvetria. C'était une femme passionnée qui a su toucher mon cœur vieux et aigri. Je ne l'ai pas connu aussi longtemps que toi, mais je il y a une chose dont je suis sûr : elle n'aurai pas voulu que tu haïsses quiconque pour elle.

- Et qu'est-ce que je devrai ressentir pour ses meurtriers, sinon de la haine ?

- De la pitié. Du pardon. Mon peuple et moi avons largement souffert des peurs et de l'ignorance des humains, tout comme la famille de ta mère. Alvetria avait mille raisons de vouloir les haïr, mais elle leur a toujours tendu la main malgré ça, déterminée à leur montrer la vérité sur les Pokemon. C'est ce qui nous a réuni. Et c'est la raison de ton existence.

Elohius s'accroupit pour se mettre au niveau de sa fille et lui posa une main sur son épaule, laissant son Flux doux et lumineux balayer la noirceur de celui, incontrôlé, de Veluba.

- J'ai vécu très, très longtemps, lui dit Elohius. Et j'ai rencontré beaucoup de femmes. J'en ai sincèrement aimées plusieurs. Mais Alvetria fut la première avec qui mon âme se sentait en parfaite adéquation, et donc la première avec qui je fis un enfant. Nous l'avons décidé tous deux, dans un moment de passion, d'amour et d'espérance. L'espérance que le fruit de notre union pourrait unir à la fois les humains, les Pokemon et les Mélénis. Tu es née pour lier les êtres vivants entre eux, pour les faire se comprendre et s'aimer. Tu n'es pas née pour la haine, ma fille.

Elohius chercha longuement dans les yeux de Veluba et à travers eux, pataugeant dans la surface corrompue par la colère et la tristesse, pour enfin trouver ce qui se dissimulait derrière : un cœur naturellement pur, qui désirait aimer, qui désirait le contact des autres. À ce cœur lumineux, innocent, il lia le sien. Il laissa voir à la jeune fille, par le Flux, ses souvenirs d'Alvetria et les sentiments qu'il avait eu pour elle. Et cela fit couler des larmes sur les joues de Veluba.

- Je regrette de ne pas avoir été là pour toi, continua Elohius. Mais c'était ainsi qu'on l'avait décidé avec ta mère, quand elle est tombée enceinte. Je devais te laisser vivre avec elle, en tant qu'humaine, et venir te chercher dès que ton Flux se serait assez manifesté, pour te former parmi les autres Mélénis. Si j'étais restée avec vous deux, je vous aurai mises en danger. J'ai des ennemis puissants qui n'auraient pas hésité à s'en prendre à vous pour me blesser.

Elohius fit remonter sa main de l'épaule de la jeune fille jusqu'à son visage.

- Mais je n'ai pas le droit de décider ce que sera ta vie, poursuivit-il. Tu es une demi-Mélénis. Tu peux soi vivre ta vie en tant qu'humaine, soi en tant que Mélénis... ou tu peux même rester ici sans aucun des deux, à vivre une vie sauvage pleine de rancœur avec des Pokemon. Mais ta présence et ton Flux corrompt les Pokemon alentours ainsi que la forêt, et il faudra peu de temps avant que le roi n'ait vent de ton existence et décide d'envoyer ici une petite armée. Ces Pokemon auxquels tu tiens... tu les mets en danger en plus de leur voler leurs volontés propres. Si tu décides de me suivre, je t'apprendrai à maîtriser tes pouvoirs, et à les utiliser pour faire le bien autour de toi. Les liens que tu créeras alors avec les Pokemon seront purs et dans les deux sens. Et si jamais tu décides de poursuivre l'idéal de ta mère et de ses ancêtres, le Flux t'y aidera. Moi aussi. Je te le promet, ma fille.

Veluba resta un moment silencieuse, fouillant dans l'esprit d'Elohius à la recherche de la moindre petite part d'ombre ou cachotterie. Mais elle ne trouva rien, seulement un amour sincère et un désir de l'aider.

- Je suis Veluba, dit-elle alors, se présentant pour la première fois.

- Enchanté, Veluba, répondit son père avec un sourire.

- Je vais venir avec vous... El. Mais je ne peux pas dire quand je vous appellerai « père », ni même si je le ferai un jour.

- Cela me va. Donner la vie à quelqu'un et prétendre être son père sont deux choses différentes. J'en sais quelque chose. J'ai eu des rapports difficiles avec mon propre père aussi. Il était du genre... très occupé, très important, et à constamment négliger l'éducation de ses fils. J'espère que je ne tomberai pas dans le même travers. Apprenons d'abord à nous connaître et à nous faire confiance, Veluba. Tu es une Mélénis, et en cela tu es mon égale. Je veux devenir ton ami avant de devenir ton père.

Et c'est ainsi, à la veille de ses douze ans, Veluba suivit le Dieu Elohius en direction du Refuge des Mélénis.