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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 27/10/2016 à 00:00
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:55

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -19 : Destins liés
Will se réveilla au son des aboiements de Fenrir. La bouche pâteuse et les tempes douloureuses, il se traîna hors de son lit, maudissant sa gueule de bois, et alla voir ce qui perturbait son compagnon.

Il trouva l'Arcanin debout dans le hall, face à la porte d'entrée, grognant toutes dents dehors. Cette agressivité soudaine dégrisa instantanément le détective, qui se rua dans la cuisine et attrapa le revolver qu'il cachait dans un placard. Il vérifia qu'il était chargé et s'approcha en silence de son fidèle Pokémon.

« Qu'est-ce qu'il y a, vieux ? Qu'est-ce que tu sens ? » murmura-t-il.

L'Arcanin tourna ses yeux brillants d'intelligence vers lui, puis se remit à grogner en direction de la porte. Will comprit. Fenrir avait entendu quelqu'un de l'autre côté. Quelqu'un qui ne devrait pas être là.

Will allait s’apprêter à ouvrir la porte quand un petit cliquetis se fit entendre. Du coin de l’œil, l'ex-Elitien aperçut un petit objet noir glisser sous le panneau, jusqu'à ses pieds.

Une clé USB.

D'un geste éclair, il ouvrit la porte et se rua dans le couloir… pour se retrouver face à un drone de livraison. Le robot, planté là à un mètre au-dessus du sol, lévita tranquillement en direction de l'ascenseur en souhaitant à Will une bonne journée.

« Un drone de livraison. Évidemment. Ils n'allaient pas prendre le risque de m'envoyer un vrai agent de la Résistance. »

Will se passa une main sur le visage pour tenter de se réveiller, et rentra dans son appartement en grommelant. Cette journée commençait mal.

Trop perturbé par les révélations que lui avait faites Riviera la veille, le détective n'avait pas réussi à trouver le sommeil sans avoir au préalable vidé une demie-bouteille de whisky. A présent, la bouche pâteuse et l'esprit embrouillé, il regrettait de s'être laissé aller.

Grattant ses joues mal rasées, il versa ses croquettes à Fenrir, puis s'approcha de son téléviseur poussiéreux, y brancha la clé USB et s'installa lourdement dans le canapé. D'une pression sur la télécommande, l'écran s'alluma, et Will navigua quelques secondes dans les menus avant de trouver ce qu'il cherchait.

Une vidéo intitulée droneSurveillance_XBT9085, suivi d'une date que Will ne connaissait que trop bien.

Le jour de la prise d'otage.

Retenant son souffle, Will lança la lecture.

Une vidéo tremblotante, semblable à l'un des nombreux enregistrements de sécurité que le détective avait visionné dans sa carrière, s'afficha sur l'écran. L'image, de qualité moyenne, était effectivement filmée par un drone de sécurité qui volait à l'extérieur de la Chancellerie. L'engin était positionné près des vitres de la salle où avait lieu la prise d'otage. Pendant quelques instants, Will aperçut Diane, agenouillée avec les autres, qui parlait à voix basse avec des otages. Le cœur de l'ex-Elitien se serra douloureusement.

Puis, la focale changea, le drone se déplaça et se positionna devant la vitre d'une autre salle, adjacente à la première. Là, Will aperçut trois silhouettes masculines qui semblaient discuter. Malgré la pixellisation, le détective reconnut sans peine deux des preneurs d'otages, ainsi que Jack Taylor, debout à côté d'eux. Si l'on en jugeait par les gestes du Chancelier, il semblait être en grande conversation avec les deux autres – trop à l'écart du groupe pour que ceux-ci puissent le voir et l'entendre cependant.

Les hommes échangèrent quelques secondes, puis l'un des preneurs d'otage donna un petit boîtier à Taylor, qui le glissa dans sa poche.

Will pausa la vidéo.

Rembobina.

La relança.

Revit Taylor glisser le boîtier dans sa poche.

Rembobina.

Relança.

Plissa les yeux. Zooma sur l'objet.

C'était bien un brouilleur GPS.

Will sentit sa tête tourner. En l'espace d'un instant, il comprit que toute la culpabilité qu'il s'était infligée ces dernières années, toute la colère qu'il éprouvait contre lui-même depuis ce jour maudit où Diane était morte, tout ça n'était que le fruit des machinations de Jack Taylor.

A cause de cet homme, il avait perdu la femme de sa vie, sa carrière, son avenir. A cause de cet homme, il s'était retrouvé à devoir vivre dans la ville basse, de cabinet miteux en cabinet miteux, au gré des affaires ingrates qu'il dégotait. A cause de cet homme, des innocents étaient morts, et continuaient de mourir chaque jour dans la pollution de la surface.

Will aurait pu crier de rage, frapper du poing sur la table, s'en prendre aux meubles. Et pourtant, avec un self-control qui l'étonna lui-même, le détective se leva, se servit un verre de whisky, et, tout en le vidant d'une traite, prit une résolution.

Il allait tuer Jack Taylor.

~*~
« Ravie de vous revoir, Will. » sourit Tia lorsqu'il entra dans la chambre.

Elle était assise dans son lit, adossée contre son oreiller, un livre dans les mains – une rareté, compte tenu de l'époque. Les cheveux impeccablement coiffés, elle releva à peine le menton à son arrivée. Le détective, vêtu de son habituel manteau marron, referma la porte et ôta son chapeau.

« Vous êtes la créatrice de la Résistance, lâcha-t-il sans autre forme de procès.
- Vous ne perdez pas de temps, commenta la jeune femme, amusée. Oui, hélas, j'ai bien peur d'être à la tête du mouvement visant à renverser mon père. Vous avez vu la vidéo. J'imagine que vous devez avoir beaucoup de questions.
- Quelques-unes, oui. »

Sentant probablement son énervement, Tia releva le regard vers lui, puis referma doucement son livre avant de le poser sur la table de chevet.

« Pourquoi ? éructa soudain Will. Pourquoi est-ce que votre père a fait ça ? Quel genre d'homme peut bien faire ça ?
- Par « ça », vous voulez dire « organiser une prise d'otage afin d'éliminer son concurrent et de grimper dans les sondages, causant ainsi la mort de neufs innocents dont sa femme, avant de faire porter le chapeau à un Elitien ? » ou plutôt « instaurer un régime autoritaire et liberticide au détriment de ceux qui vivent à la surface » ? répliqua Tia avec amertume.
- Qu'est-ce qu'il a en tête ? Il cherche juste le pouvoir ? Pourquoi ne pas l'avoir dénoncé ? Avec les preuves que vous avez, vous êtes largement capable de le faire condamner. »

Tia secoua lentement la tête, et soupira :

« Ce n'est pas aussi simple, Will. J'imagine que Riviera vous a parlé de l'intimidation à laquelle il a été sujet.
- Oui.
- Alors imaginez ce qu'il se passerait si l'on envoyait, même anonymement, la vidéo de surveillance aux autorités. Vous pensez qu'elle serait traitée et exposée au grand jour ? Que les médias et les Elitiens lanceraient un grand procès contre mon père, au nom de l'honnêteté politique ? Soyons réalistes. Les médias sont possédés à 95 % par des sociétés privées qui, si elles n'appartiennent pas toutes à mon père, en sont proches. Quant aux Elitiens… ils ont déjà tout fait pour étouffer l'affaire une première fois, ils n'auront aucun mal à le faire à nouveau. Il n'existe aucun individu qui résiste indéfiniment à l'intimidation. Il suffit de trouver le bon point de pression : la carrière, la famille… Et même si l'affaire parvenait jusqu'aux oreilles du grand public, l'immunité du Chancelier et la lenteur du système judiciaire feraient traîner l'affaire encore plusieurs années, le temps que les gens oublient tranquillement que leur dirigeant est un tueur.
- Les choses finiraient par changer, grommela Will. Si vous publiez la vidéo, il y aura des gens qui s'y intéresseront, trop de gens pour que votre père puisse tous les faire taire. On en parlera, et ça finira par bouger.
- Et ces gens, Will, ce sont les membres de la Résistance. Les gens d'en-bas. C'est d'eux que doit venir le sursaut de conscience.
- Votre Résistance ne va rien améliorer si elle continue de tuer des innocents à coup de bombes, grogna l'ex-Elitien. Vous empirez la situation. Vous donnez à Taylor un prétexte pour passer ses lois liberticides.
- C'est également ce que je me suis dit pendant longtemps, répondit Tia en acquiesçant. Que de recourir à la violence, c'était rentrer dans son jeu. Et puis, j'ai compris que c'était un mal nécessaire.
- Un mal nécessaire ? répéta Will. On parle de tuer des innocents ! Les passerelles sabotées, les bombes dans les magasins de luxe, vous appelez ça « un mal nécessaire » ? »

Tia le regarda quelques instants, inspira profondément, puis reprit d'une voix calme, presque magnétisante :

« La Résistance existe depuis bientôt trois ans. Aux débuts, nous pensions comme vous. Nous avons essayé tous les moyens pacifiques. Nous avons contacté des journalistes indépendants, des magistrats réputés honnêtes. Les rares qui acceptaient de nous aider étaient retrouvés morts peu de temps après. Nous avons essayé de nous débrouiller par nos propres moyens. Ça n'a pas marché. On ne peut pas renverser un régime dans le calme.
- Vous pourriez essayer de pirater les drones d'affichage pour montrer la vidéo aux gens, suggéra Will du tac-au-tac. N'importe quoi.
- Et après ? Qu'est-ce qu'il se passerait ? On nous donnera gentiment la parole sur les plateaux télévisés pour que nous nous expliquions, à votre avis ? La justice lancera une enquête ? Non. Non, ce qu'il se passerait, c'est que les journalistes inventeraient probablement une explication très convaincante au sujet de cette étrange vidéo qu'ont diffusé les drones, puis ils embrayeront sur autre chose, quelque chose de sensationnel, comme la guerre de Sinnoh ou la désertification, pour que les gens oublient. Et les gens oublieront vite, comme d'habitude.
- Et c'est moi le cynique qui ne croit plus en l'humanité ? » répliqua Will.

Le sarcasme était défensif. Le détective savait pertinemment que la jeune femme avait raison : les recours officiels ne marcheraient pas.

Tia ramena une mèche derrière son oreille et secoua la tête, toujours posée :

« Ce n'est pas la faute des individus, mais des institutions. Le système tout entier est corrompu, et vous le savez très bien. Regardez ce à quoi on est arrivés. Regardez les gens dans la rue. Ils sont passifs, amorphes même, prêts à accepter tout ce qu'on leur dit tant que c'est bien formulé. Et c'est la même chose pour les gens d'en-bas. Ils sont conscients d'être laissés pour compte, ils savent très bien que leurs dirigeants sont corrompus, mais ils sont persuadés de ne rien pouvoir y faire, d'être condamnés. On a mis presque trois ans à combattre ce fatalisme, à leur prouver qu'ils peuvent changer les choses.
- A coup de bombes ?
- Aucune révolution ne s'est faite dans le calme.
- Ça n'excuse pas ce que vous faites.
- Absolument pas. Comme je vous l'ai dit, c'est un mal nécessaire. Vous avez vécu suffisamment de temps à la surface, vous savez quelle est la situation là-bas. Vous n'arriverez jamais à pousser ces gens à se soulever pacifiquement – ce n'est pas possible. Ils ont vécu dans l'oppression et la jalousie de la ville haute pendant trop longtemps. Ils les considèrent comme responsables de leur misère. C'est normal qu'ils les haïssent.
- Et donc ça excuse les attentats ?
- Quand un arbre est pourri, il faut élaguer les branches malades. C'est douloureux, mais si on ne fait rien, c'est tout l'arbre qui meurt.
- Sauf qu'en l’occurrence, vous coupez des branches saines aussi, grogna Will. Les victimes de vos attentats sont des innocents.
- Des innocents ? Les cadres supérieurs et les responsables sécurité qui ferment les yeux sur les conditions d'exploitation lamentables des ouvriers de leurs multinationales, ce sont des innocents ? Les agents immobiliers qui montent volontairement le prix des logements à la surface pour s'enrichir sur le dos des gens trop pauvres pour quitter la ville, ce sont des innocents ? Les Elitiens qui participent au trafic de Vortex en prévenant les revendeurs des prochaines descentes en échange d'une part des bénéfices, ce sont des innocents ? » énuméra calmement Tia en le regardant droit dans les yeux.

Will, incapable de trouver quoi répondre, grommela et détourna le regard. Elle avait toujours un temps d'avance. Le discours de la jeune femme ne lui plaisait pas, mais la partie rationnelle de son esprit sentait qu'elle n'avait pas tort.

Pensif, frustré et énervé à la fois, le détective se planta devant la fenêtre de la chambre et regarda la mer de nuages, essayant de trouver les failles dans le raisonnement de Tia.

« On a essayé de changer le système, reprit cette dernière de sa voix douce. Mais ça ne marche pas. Comment voulez-vous changer quoi que ce soit quand les médias sont acquis aux politiques, que les politiques sont achetés par les lobbies, et que les lobbies sont gouvernés par l'argent ? Comment est-ce que l'on est censé offrir aux gens des conditions de vie dignes quand tout est devenu une question de rentabilité ?
- De quel droit vous décidez de ce qui est le mieux pour la société ? rétorqua Will.
- Je n'ai pas la prétention d'avoir la vérité absolue. Ni moi, ni personne dans la Résistance. On ne cherche pas à établir un système parfait, seulement un système plus juste. Un système meilleur que l'actuel.
- Et qui dirigera votre petite utopie quand vous aurez obtenu ce que vous voulez ? Vous ?
- Quelqu'un qui aura été élu au suffrage universel. Un vrai suffrage, égal, sans complots, sans financements par des lobbies, et sans prise d'otage organisée de toute pièce. »

Cette dernière remarque fit tressaillir Will, et il sentit que Tia venait de toucher juste. La jeune femme avait raison. Il n'approuvait pas forcément ses méthodes, mais elle avait raison. Il fallait changer les choses. Il fallait punir Taylor.

« Vous n'y arriverez pas. Pas comme ça. » protesta le détective, presque pour la forme.

Il sentit alors la main de la jeune femme se poser sur son avant-bras. Surpris, tourna la tête et l'aperçut debout à côté de lui, vêtue de sa robe d'hôpital. Il ne l'avait pas entendue se lever.

« Alors aidez-moi. » murmura-t-elle.

Elle ne suppliait pas. A vrai dire, elle demandait à peine. Le ton était déterminé.

Ils échangèrent un regard, et à cet instant, Will comprit qu'il ne pourrait pas dire non. Le pacte était déjà conclu. A vrai dire, il s'était déjà engagé en regardant la vidéo.

« Vous n'aviez pas tout à fait tort, au restaurant. Il y a des gens dans la Résistance qui veulent se servir du mouvement et du désespoir des gens pour accéder au pouvoir. Mais il y en a d'autres qui se battent pour offrir un meilleur avenir aux gens d'en-bas. Des gens qui croient encore aux bienfaits d'une vraie démocratie.
- Ce n'est pas mon cas.
- Je sais, Will, sourit doucement Tia. Je sais que vous ne croyez plus en grand-chose, et c'est bien normal. Je ne vous demande pas de croire en nous, en moi, ou en quoi que ce soit. Je ne vous demande pas de rejoindre la Résistance. Je vous demande simplement de m'aider à faire naître un monde meilleur. Un monde où les gens comme mon père ne peuvent plus nuire au plus grand nombre et entraîner la mort d'innocents en toute impunité. »

Will la regarda fixement, et se rappela soudain qu'elle aussi avait perdu quelqu'un, huit ans plus tôt, lors de la prise d'otage. Diane n'était pas la seule des victimes – il y avait aussi eu la mère de Tia.

Était-ce de là qu'elle tirait sa détermination ? Cherchait-elle à se venger ?

Non. Non, elle croyait à ce qu'elle affirmait. Elle croyait à l'instauration d'un monde meilleur. Contrairement à lui, qui n'était devenu qu'un vieux cynique désabusé, Tia avait encore des idéaux, de l'espoir.

Il n'y eut pas besoin de mot pour entériner leur accord. Tous deux savaient ce qu'il en était. D'un signe de tête silencieux, Will accepta, liant irrémédiablement son destin à celui de Tia.