Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

La légendaire quête du cookie au miel d'Apireine de Lief97



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 02/09/2016 à 10:59
» Dernière mise à jour le 20/02/2021 à 11:38

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Humour   Médiéval   Région inventée

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 14 : Roucarnage donne des ailes
«Si t’as pas d’amis, mange du curry ! »
Slogan publicitaire pour la promotion à -50% des pastèques farcies au curry des services de restauration TadmorvTheBest.


***



Terry pleurait à chaudes larmes. Sa précieuse frégate venait de couler dans les bas-fonds, tel le Titanic. Ticho lui tapota le dos de son aile, compatissant :

— T’en fais pas, on achètera un autre bateau…
— C’était un NAVIRE ! pleurnichait Terry en regardant la coque sombrer dans la mer, percée par une météorite venue tout droit de l’espace. Ce ne sera plus jamais le même, maintenant…

Alakazam tenta lui aussi de consoler le pêcheur :

— NAVIRE VA PEUT-ÊTRE TROUVER DES AMIS DANS L’EAU ! LUI PEUT-ÊTRE CONTENT D’ÊTRE TOUT CASSÉ !

La phrase acheva Terry qui se mit à déverser des torrents de larme.

— En voilà, un individu peu raffiné, souffla Insolourdo à Julie.

Cette dernière haussa les épaules :

— Faut qu’on monte, non ?

Les rochers flottants qui affleuraient à la surface de l’océan formaient désormais une passerelle irrégulière qui montait en escaliers vers l’Île des Origines. Antoine lança, presque joyeux :

— Évidemment qu’il faut monter !

Il partit devant, suivi par les autres. Alakazam jeta Terry sur son dos, puisqu’il restait sur place à déverser toute l’eau de son corps par ses yeux.

L’ascension était périlleuse ; plus ils avançaient et plus ils étaient confrontés à des espaces vides entre les rochers volants. Gontran, vêtu de sa lourde armure maintenant rouillée, chancela plusieurs fois au bord du vide tandis que Ticho rêvait secrètement de le voir tomber dans l’océan. Il fut même tenté de le bousculer, mais parvint à se retenir. Après tout, ce type ignoble pourrait toujours servir de bouclier humain plus tard…

Insolourdo et Jack, perchés sur le sac d’Antoine, n’avaient pas trop de risques à prendre. Azurill et Tadmorv étaient aidés par un Mackogneur un peu trop gentil à leur égard, tandis que Dodrio avait du mal à coordonner ses pattes dans la direction qu’Albert, la tête centrale, visait. Cumulo suivait prudemment avec son Pétabull dans les bras, et Alakazam, qui transportait Terry, fermait la marche d’un air admiratif.

— C’EST HAUT ! beugla-t-il sans aucun tact. MOI PRESQUE OISEAU, MAINTENANT !

Ticho soupira.

— Qu’il est con, lui… Hé, trou du c… Euh, Alakazam ! Saute pas, hein ?
— OUI, AMI DE MOI ! MOI PAS SAUTER MAINTENANT ! MAIS TOI M’APPRENDRE A VOLER APRÈS ?
— On verra… répondit Ticho d’un air las.

Julie transpirait.

— Hé, ça fait mal aux pieds de marcher ! Tête de piaf, c’est nul que tu voles. C’est de la triche…
— Hé, tichôôô, je ne te permets pas ! Battre des ailes, ça demande beaucoup d’énergie ! C’est crevant !
— Mouais, répliqua-t-elle, peu convaincue. Tu me prends pour un Poichigeon ?
— Non, tichôôô ! Ça fait mal aux articulations, vraiment.

Gontran sortit son sabre laser et l’agita devant lui :

— Certes, mais rien de tel qu’un combat d’entraînement pour s’échauffer, cher Ticho !
— Quoâ ? T’es malade, mon pauvre ! Ne m’approche pas avec ce truc !

Ticho battit des ailes pour s’éloigner, et dans sa précipitation percuta un rocher volant. Le choc le surprit tant qu’il faillit arrêter de battre des ailes et retomber dans l’océan.

Antoine grogna :

— Arrêtez un peu ! Avec vos bêtises on a déjà coulé une barque et une frégate, c’est vraiment pas le moment de tomber !

Ils acquiescèrent en remarquant qu’ils avaient presque atteint l’Île des Origines. Il faisait déjà un peu plus sombre ; ils se turent en sentant que trouver la recette n’allait pas être une partie de plaisir.


***



Il ne restait plus que quelques rochers à franchir avant que le groupe n’atteigne le haut des falaises de l’Île. Mais évidemment, leur arrivée ne se passa pas comme prévu.

Tadmorv s’était progressivement rendu compte que Keunotor n’était plus une menace pour lui, puisqu’Antoine refusait de le sortir de sa Ball. Le meilleur cuisinier autoproclamé de Krénios comprenait que plus rien ne l’empêchait de retourner en arrière, et de s’échapper.

Il se figea, enfin décidé à faire demi-tour. Le Sage 33 s’arrêta près de son vieil ami, sceptique :

— Hé bien ? Fatigué, déjà ?
— Non, répondit le type Poison. Mais je n’ai aucune envie d’aller risquer ma vie là-haut ! J’me barre !

Dodrio sembla choqué par ces propos.

— Quoi ? Mais enfin, Tadmorv ! Pour une fois qu’il se passe quelque chose d’incroyable, tu ne veux pas venir ? Nous nous rendons sur une île mystique pour retrouver une recette que tu as toi-même rédigée ! C’est un véritable trésor historique !

Les autres s’étaient retournés vers eux, surpris. Tadmorv s’empourpra mais ne perdit pas contenance pour autant. Il leva le poing, et déversa toute sa frustration.

— Cette recette, c’est la honte ! À votre avis, pourquoi je l’ai refourguée à des gens au hasard, hein ? Parce que j’en voulais pas, de cette daube ! J’ai inventé cette recette sous l’emprise de… de nourriture hallucinogène et autres produits stupéfiants... et j’avais même mélangé plusieurs… enfin, bref ! J’étais pas dans mon état normal, ce jour-là ! J’ai jamais essayé de la cuisiner, d’ailleurs ! Il me manquait trop d’ingrédients… et si je l’ai scellée dans un tube en cristal, c’était dans l’espoir de ne plus jamais en entendre parler !

Tadmorv soupira de dépit, puis dit faiblement :

— Alors si vous voulez y aller, allez-y ! Moi, je retourne en bas !
— Si tu veux, lâcha Antoine. Ça fera un râleur de moins.
— Un chieur, tu veux dire, ajouta Ticho d’un air nonchalant.

Tadmorv rougit de plus belle, mais de colère cette fois. Il s’éloigna en rampant, puis se souvînt d’un détail désagréable : il y avait du vide entre les rochers flottants. Il ne pourrait jamais aller bien loin sans aide. Il ne savait ni sauter ni voler, de par sa nature de Tadmorv. Il se gratta la tête avec sa poêle, soucieux et gêné.

Keunotor n’était plus une menace.

Mais il restait quelques dizaines de mètres de vide sous lui, et une immense étendue d’eau salée appelée « océan » entre le continent et lui.

— Ah, euh… j’ai oublié un détail d’importance… bafouilla-t-il, confus.

Ticho éclata de rire, mais personne n’eut le temps de faire de remarque moqueuse. Une voix s’éleva dans leur dos, profonde et intense, comme venant des profondeurs de l’océan.

— Bienvenue à vous, mortels.

Tout le monde pivota.

En face d’eux se tenait le Pokémon Légendaire réputé pour son contrôle parfait sur les océans et les marées.

Un Sancoki.

Bleu, évidemment.

Ticho leva son poireau d’un air interrogateur :

— Euh, les gars… Les Légendaires sont vraiment tous dans ce genre-là ? Non parce que je m’sens pas bien pour eux, dans ce cas.

Sancoki le regarda de haut en redressant fièrement son minuscule buste.

— Hm. Cette volaille m’a l’air sympathique. Je n’ai jamais vu de mortels depuis des années. Accepterez-vous un repas offert par mes services, en gage de bienvenue sur mes terres ?

Les compagnons se regardèrent, sur le qui-vive. Ticho pouffait, à moitié caché derrière un Gontran tremblant des pieds à la tête. Antoine acquiesça, et répondit prudemment :

— Ce serait avec plaisir.

Son ton poli ne trompa pas ses camarades ; il savait qu’accepter d’aller chez un Légendaire, c’était avant tout risquer sa vie.

Sancoki se retourna :

— Bien ! Un peu de compagnie, voilà qui changera mes habitudes. Suivez-moi.


***



La partie de l’Île des Origines sur laquelle ils se retrouvèrent était une plaine légèrement vallonnée où poussaient de petites forêts éparses. Rien ne la différait d’une plaine de Krénios, dans le fond. Le climat était sensiblement le même, l’environnement aussi.

Cependant, Ticho remarque la brume sombre qui flottait à l’extrême nord de l’île, entourant une sorte de forteresse dont on ne devinait que vaguement les contours. Et il ne fut pas le seul à entendre au loin un rugissement agressif d’une puissance telle que le sol en vibra.

Tadmorv, à l’arrière du groupe, semblait déprimer. Il était contraint, pour sa propre survie, de rester avec eux. Il s’était résigné à devoir les suivre.

Sancoki, qui rampait devant, se mit à parler :

— Je suis désolé à l’avance, chers mortels. J’espère que ma cabane ne vous paraîtra pas trop étroite.
— Une cabane ? s’étonna Ticho.
— Oui, volaille. En fait, j’ai eu des ennuis avec mon frère Sancoki rose, par le passé. Il m’a volé mon palais. Et il ne me reste plus qu’une cabane.
— Oh, je vois, dit Ticho avec l’envie de rire au nez du Légendaire.
— Mais cessons de parler de mon frère, enchaîna Sancoki en souriant, dévoilant des canines aiguisées. Tout ceci me donne envie d’éradiquer une espèce vivante de la surface de la planète, et il serait bête de perdre du temps avec des mortels stupides, n’est-ce pas ?

Ticho déglutit difficilement, inquiet. Antoine lui fit signe de ne plus parler.

— Que faites-vous sur l’Île des Origines, mortels ? demanda Sancoki après un silence.

La troupe entière s’arrêta. Le Légendaire se retourna, leur faisant face avec fierté. Ses yeux brillaient d’une lueur inquiétante. Une aura presque imperceptible semblait émaner de sa frêle silhouette.

Ce fut Antoine qui répondit avec son habituel sang-froid.

— Nous avions très envie de visiter cet endroit. Et pourquoi pas de… de nous faire des amis.

Sancoki grimaça :

— Oh, d’accord. Mais je crains que ce ne soit difficile. Je vis seul dans ma cabane et je n’ai plus d’amis. Mon frère les a tués ou les a gardés avec lui, dans mon palais qui est de l’autre côté de l’île. J’espère que ma compagnie vous suffira.
— Oui, bien sûr ! le rassura Antoine. Vous avez l’air très… gentil.

Julie et Insolourdo se regardèrent en haussant les sourcils.

Le groupe reprit sa route comme si de rien n’était : la tension dans l’air s’était calmée, mais pour combien de temps exactement ?

Alakazam, qui venait enfin d’assimiler la nature de leur conversation avec une petite latence, se gratta la tête, avant de lancer d’un air guilleret :

— VOUS AMI DE MOI !

Sancoki le regarda comme si c’était la première fois qu’il le remarquait :

— Merci, j’en suis touché. C’est un plaisir d’avoir des invités si charmants que vous, beau mortel.

Alakazam se figea et rougit avant de se mettre à danser d’un pied sur l’autre, tout rouge :

— MOI BIEN AIMER LE TOUT PETIT POKÉM…

Mackogneur appliqua ses quatre mains sur la bouche d’Alakazam pour l’empêcher de dire une bêtise qui aurait pu énerver leur hôte :

— Oh, monsieur le maire ! Vous avez craché, c’est pourquoi j’ai jugé mieux de vous refermer la bouche pour éviter d’arroser monsieur Sancoki !

Sancoki le regarda et ricana avec force.

— Voilà un esclave fort intelligent ! Que j’aimerais en avoir un comme ça. Oh, mais nous arrivons justement en vue de ma cabane !

Ticho s’étrangla.

— Une cabane, ça ?
— Oui, c’est décevant, n’est-ce pas ? soupira Sancoki, attristé.

Un palace de dix étages venait d’apparaître au détour d’une colline.


***



— J’espère que ce repas vous plaît ? demanda poliment Sancoki.

Les invités, gênés, ne répondirent pas tout de suite.

La salle à manger était une immense galerie décorée de tapisseries de luxe et de tableaux grandiloquents, et des lustres en or étaient suspendus au plafond, diffusant la lumière de milliers de bougies qui embaumaient l’air d’une légère odeur d’encens.

« Une cabane… » pensa Ticho en se demandant si ce Sancoki n’était pas perçu comme un taré même parmi les habitants de Krénios.

La table, tout en longueur, comportait une trentaine de chaises.

Sancoki, installé à un bout, discutait normalement avec ses invités, assis à l’opposé de la table. Il avait été obligé de parler fort pour se faire entendre, vu qu’ils étaient à quinze mètres de lui. Ticho trouvait la situation ridicule : et pourtant, une sorte de pression invisible pesait aussi sur lui. Ce Sancoki était effrayant, mais il n’aurait pas su expliquer pourquoi.

— Délicieux ! s’exclama finalement Gontran en léchant son assiette.
— Voilà un comportement peu digne d’un Chevalier, se fâcha Insolourdo, alors qu’il faisait exactement la même chose, bave en plus.

Gontran, se rendant compte que son geste n’était pas très noble, se redressa d’un coup en lâchant son assiette. Celle-ci tomba sur la table et se brisa en petits morceaux. Le bruit de porcelaine cassée résonna avec force entre les murs de la salle.

Tout le monde se tut.

Une goutte de sueur coula de la tempe du chevalier maladroit.

— Quel maladroit je fais ! bégaya Gontran. Veuillez sincèrement m’excuser, cher hôte ! Je… je suis navré !

Toute la troupe fixa Sancoki, sur le qui-vive.

Mais ce dernier haussa simplement les épaules — car il en avait, aussi petites soient-elles.

— Ce n’est rien, gros mortel. J’en ai encore un demi-million dans la cuisine…

Les autres invités mangeaient du bout des dents. Car les plats posés sur les tables étaient en fait des Roucarnage rôtis. Ticho était le plus écœuré de tous.

Alakazam dévorait une carcasse avec entrain. Personne n’avait le cœur à lui dire ce qu’il mangeait exactement, lui qui adorait les oiseaux. Il n’avait pas reconnu le Pokémon cuit en question. C’était attendu, vu son intelligence bien en-dessous des normes de la société Kréniosienne.

Sancoki monta sur la table et s’approcha d’un Roucarnage. Il le regarda un instant puis ouvrit sa bouche.

Bouche qui aurait pu engloutir un Wailord en une seule bouchée.

Le Pokémon rôti rejoignit son gosier à la vitesse de l’éclair.

Il lâcha un soupir satisfait.

Dans le plat, il ne restait même pas les os.

— Bien bonne, cette petite volaille.

Ticho commençait à avoir peur. Il n’aimait pas spécialement les Roucarnage, mais il était un oiseau comme eux. Ils étaient un peu de lointains cousins à ses yeux. Il toussota :

— Euh… vous aviez faim, on dirait ?
— Non, pas vraiment. Je suis au régime. J’avais pris du poids, dernièrement. Je fais attention à ma ligne.
— Ah bon ? s’étonna Cumulo qui avait installé son Pétabull sur une chaise. Vous avez pourtant belle allure !
— Oui, mais j’étais en dépression il y a peu, voyez-vous. À cause de mon frère rose qui m’a volé mon palais et kidnappé mes seuls amis. Je vis seul depuis des mois maintenant, dans cette petite cabane…

Terry Lancepelle leva les yeux au plafond, las d’entendre le Légendaire des Océans se plaindre. Azurill hocha la tête lentement et intervint :

— Moi aussi, je suis en dépression. Je faisais partie d’un culte sataniste… jusqu’à ce que j’en sois banni à vie. Tout ça à cause du vomi d’un scientifique qui a sali ma cape, tel un malpropre.
— Oh ! Rattata soit loué ! lâcha Sancoki, stupéfait. Pauvre mortel que vous êtes !
— C’est la vie…

Ticho gloussa en se cachant derrière un Mackogneur terriblement gêné. Tadmorv se tourna vers Sancoki :

— Ce plat était… délicieux. Foi de cuisinier !

On voyait presque l’hypocrisie et le mensonge dégouliner sur son visage. Il semblait sur le point de vomir. Sancoki rougit, touché par le compliment.

— Merci, gélatineux mortel ! Vous savez quoi ? Vous allez rester quelques jours chez moi ! Je vous ferai visiter ma cabane. Nous passerons du bon temps, ici.

Personne ne répondit. Le silence était devenu un silence de mort. Il fallait refuser l’offre. Mais refuser l’offre à un Légendaire aussi imprévisible que Sancoki… c’était risqué.

— Oui, pourquoi pas, répondit doucement Antoine. Mais il y a une solution à votre solitude.
— Oui ? Quelle est-elle, jeune mortel ?
— J’ai une idée pour que vous retrouviez des amis, et que vous récupériez votre palais.
— Ah bon ? Laquelle ?

Sancoki, béat, était presque pendu aux lèvres du garçon.

— Et si vous organisiez une fête ici, demain soir ? Nous sommes spécialisés dans ce genre d’événements, vous savez. Nous sommes tous des… des cuisiniers. Laissez-nous partir jusqu’à demain ! Nous irons chercher des ingrédients sur l’Île, et nous enverrons des invitations, qu’en dites-vous ?
— Oh ! J’avais déjà songé à de nombreux moyens pour tuer mon frère, mais j’avoue que je n’avais pas pensé à faire la paix. C’est très ingénieux ! Et économe en énergie dépensée.
— Alors ? Vous voulez bien ? questionna le Sage Dodrio, sautant sur l’occasion.
— Avec plaisir !

Antoine se leva de sa chaise :

— Vous savez quoi ? Restez dans votre cabane le temps qu’on revienne ! Surtout, ne venez pas dehors, et ne nous suivez pas ! Comme ça, ce sera une surprise totale demain ! Il y aura du monde et plein de bons plats !
— Oh, merci beaucoup ! s’écria Sancoki, les larmes aux yeux. Ce serait un immense bonheur que de retrouver des amis ! Et vous, la volaille…
— Moi ? interrogea Ticho.
— Oui ! À votre retour, vous testerez le four. Dès que je vous ai vu, je me suis dit qu’il fallait que je vous déguste à tout prix ! Vous ferez un merveilleux dessert.


***



— Ça, c’est fait, tichôôô. Mais il va vouloir me bouffer, ce con.
— T’en fais pas, grogna Antoine. Il ne fera rien pour l’instant.

Le palais-cabane était dans leur dos. Ils avançaient vers le nord en suivant une petite route étroite, qui filait vers la forteresse noire. Julie se gratta la tête, songeuse :

— Mais… pourquoi on va par-là ? Il n’y a peut-être pas de boutique pour acheter à manger !

Antoine s’arrêta en grognant.

— Attends, là… tu crois vraiment qu’on va l’organiser, cette fête ?
— Bah… oui. Ce serait drôle… non ?
— Non ! C’était un stratagème pour qu’on s’en aille, rien de plus.
— Oh… Mais alors… Sancoki ne va pas être content contre nous, demain.
— Raison de plus pour pas s’arrêter et pour se dépêcher d’aller récupérer la recette !

Le garçon repartit, et le groupe le suivit. Julie posa une autre question :

— Ça veut dire qu’il ne fera pas la paix avec son frère rose ?
— On s’en fout ! vociféra Ticho. Ce sont deux cons, de toute façon.
— NOURRITURE ETAIT BONNE ! lança Alakazam à tout-va.
— C’était du Roucarnage cuit, monsieur le maire, lui répondit Mackogneur, trop sincère pour lui cacher la vérité une seconde de plus.

Alakazam le regarda d’un air horrifié. Jack lâcha un « MDR » discret.

— MOI AVOIR MANGÉ OISEAU ? ROUCARNAGE DANS LE BIDON ?
— Oui.

Tous hochèrent la tête sans ralentir. Le Pokémon Psy trembla des pieds à la tête et se frappa lui-même à la tête avec son gourdin :

— MOI AVOIR MANGÉ OISEAU ! MOI MÉCHANT ! MOI MONSTRE !

Il s’arrêta, puis eut soudain une idée — qu’il trouva sans doute brillante.

— MOI SAVOIR VOLER, MAINTENANT ? APRÈS AVOIR MANGÉ OISEAU, MOI POUVOIR VOLER DANS LE CIEL ?
— Non, monsieur le maire, je ne pense pas que…

Alakazam se mit à battre des bras comme un dégénéré. Tout le monde se retourna, attiré par son comportement frôlant le ridicule.

Ticho ricana :

— Hé, Alakazam, t’aurais pas abusé de drogues, par hasard ?

Il s’étrangla quand Alakazam décolla du sol.

— MOI SAVOIR VOLER MAINTENANT !

Alakazam battait des bras et décollait un peu plus à chaque mouvement.

— MOI DEVENU OISEAU !
— Bordel de merde… lâcha Ticho à mi-voix.

Les autres restèrent scotchés par le phénomène. Alakazam décolla de plus en haut, sans pouvoir s’arrêter, en continuant de hurler des inepties audibles à des kilomètres à la ronde.

— Monsieur le maire ! s’écria Mackogneur, paniqué. Redescendez tout de suite ! C’est dangereux, les nuages ! Vous allez vous cogner la tête !
— MOI OISEAU ! MOI VOLER !

Terry se tourna vers Ticho :

— Vous pourriez peut-être aller le chercher, non ? Avant qu’il n’attire je ne sais quel Légendaire affamé.
— Ouais, tête de piaf, dit Julie. Montre-toi utile au moins une fois dans ta vie.
— D’accord, tichôôôô…

Il s’envola et atteignit rapidement Alakazam qui le regarda en souriant d’un air béat :

— MOI VOLER, ROUCARNAGE ULTRA-LEGENDAIRE !
— Appelle-moi Ticho, comme les autres. Et redescends tout de suite.
— NON, MOI VOLER !

Ticho lui tapa gentiment le crâne avec son poireau.

— AÏE !

Alakazam se toucha le front avec ses mains, craignant l’apparition d’une bosse. Puis il se rappela que s’il arrêtait de battre des bras, et bien… Forcément, ça volait un peu moins bien.

Il tomba comme une pierre et atterrit sur un Tadmorv pensif qui fit office de matelas de secours, contre son gré. Un matelas qui cria de douleur.



***



Après une demi-heure de marche dans un paysage vide de toute trace de vie, ils arrivèrent à un croisement.

Quatre chemins semblaient mener dans des directions à peu près similaires. Un panneau indicateur trônait au milieu. Ticho grommela :

— « Chemin vers le nord », « Route vers le nord », « Sentier vers le nord », et « Passage vers le nord ». Même dans un coin paumé comme celui-ci, on arrive à trouver des noms de merde !
— Génial, soupira Antoine. On risque de se tromper. Si ça se trouve, ces chemins ne mènent pas assez au nord pour nous. On pourrait se perdre.

Il était vrai que la forteresse, immense, était encore loin. Par-delà de mornes plaines sèches, ils apercevaient quelques aspérités rocheuses, des crêtes et de petites montagnes rabougris. Les chemins s’y confondaient au loin, et la zone paraissait tout à fait susceptible de les mener dans des culs-de-sac ou des directions opposées.

— On fait quoi, alors ? demanda Julie, inquiète.
— Il faudrait qu’on se sépare. On forme quatre groupes qui prennent chacun un chemin. Et Ticho pourra passer d’un groupe à l’autre pour nous dire comment on avance et si on va vers le bon endroit.
— Pas con, tichôôô. Mais y’a des Légendaires qui traînent, non ?
— Pas tant que ça. Au pire, tu peux leur faire un compliment et trouver une excuse bidon pour te barrer.

Antoine s’appuya d’une main au panneau indicateur et se retourna :

— Bon, on va faire vite… Alakazam, Mackogneur et Cumulo, vous irez par là. Moi, Terry et Jack, on prendra cette route. Ensuite, Gontran, Julie et Insolourdo iront sur celle-ci. Puis…
— Quoi ? l’interrompit Julie. Pourquoi je dois me trimballer le débile ?

Elle pointait du doigt Gontran, tellement imbu de sa personne qu’il regarda autour de lui en se demandant de qui elle parlait.

— Parce que, réplique sèchement Antoine. Le dernier groupe sera composé de Tadmorv, Azurill et le Sage 33. Objections ?

Le silence lui répondit.

— Non ? Alors en route. On se retrouve dans peu de temps, je l’espère. Marchez vite ! Et restez en un seul morceau, parce qu’on n’aura pas le temps pour ramasser vos restes !


***



La forteresse qui dominait l’Île attendait.

La recette aussi.

Et des Légendaires, restés en hibernation pendant des années, furent réveillés par des cris qui résonnèrent sur toute l’Île.

— MOI SAVOIR VOLER MAINTENANT !

Les Légendaires, horripilés par les bruits, commencèrent à sortir de leurs tanières, babines retroussées.

Ils se réveillaient enfin.