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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 30/01/2014 à 18:00
» Dernière mise à jour le 03/11/2017 à 14:31

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 03 : Lina
De la lumière filtra à travers ses paupières closes, traversant son iris, frappa sa rétine et raviva la flamme de l'esprit éteint du garçon.

Celui-ci s'éveilla, presque à contrecœur, comme un voyageur, à la fois nostalgique des merveilles qu'a pu receler son voyage, et heureux d'être de retour chez lui.

Il était allongé dans quelque chose de duveteux, de confortable. Il avait l'impression de flotter dans ce cocon protecteur, comme s'il était fait de nuages.
L'adolescent regarda autour de lui. Il se crut de retour là où tout avait commencé, dans les entrailles de la terre. Une roche ocre l'environnait, ferme et froide. Sa vision trouble ne lui permit pas de discerner précisément les nombreuses formes qui peuplaient cette grotte.

De la lumière provenait de l'extrémité gauche de la caverne. Une tache rouge, une sorte de tissu tremblotant au gré du vent, laissait filtrer quelques rayons, rajoutant à l'atmosphère reposante du lieu. Le garçon se sentait bien.

Ce dernier se redressa contre son oreiller et fixa l'unique issue de la grotte. Il discernait des voix, provenant de l'autre côté du drap qui lui barrait la vue. Curieux, l'adolescent voulu se relever et posa les pieds par terre. Sa vue se brouilla et il fut pris de vertiges. Le monde tourna autour de lui. S'appuyant sur ses mains, il tenta de se propulser, et d'une impulsion brutale, voulut se mettre debout. Ses jambes lâchèrent et il s'affala contre la roche nue comme un tas de chiffons.

Il ne sentait plus la moitié inférieure de son corps. C'était comme si on l'avait coupé en deux.

Avec un grognement, il tenta de se redresser, empoignant le nuage protecteur qu'il avait quitté, et tirant dessus de toutes ses forces. Il comprit alors qu'il s'agissait d'un lit. La couverture lui tomba dessus et il se retrouva empêtré au sol avec un gémissement. La tête lui tournait toujours, et il perdit ses repères.

Visiblement, le vacarme de ses tentatives vaines avait dû alerter quelqu'un, car le garçon sentit qu'on le saisissait à bras le corps pour le remettre sur le lit. Ses jambes inertes furent elles aussi placées sur le matelas et on le recouvrit à nouveau de la couette. Une main se plaqua contre son front brûlant et s'en retira presque aussitôt.

Son sauveur, simple silhouette trouble aux yeux du garçon, s'éloigna de quelques pas et revint bientôt. L'adolescent sentit qu'on lui ouvrait la bouche, puis une substance au goût infect lui fut administrée.

Quelques dizaines de secondes plus tard, et le voyageur errait à nouveau au pays des songes.

~*~
La deuxième fois que le garçon ouvrit les paupières, il n'était pas seul.

« Salut, Ronflex. Bien dormi ? » fit une voix près de lui.

L'adolescent se redressa péniblement. Sa vision n'était plus trouble, et il parvenait à discerner clairement le visage de celle qui veillait sur lui. Une humaine.

Il la détailla longuement. Ses cheveux, ternis par l'obscurité du lieu, étaient roux - ou peut-être châtains. Un ruban noir, noué avec une nonchalance évidente, ornait sa chevelure. Le garçon se surprit à s'absorber dans la contemplation des traits fins de la première survivante qu'il voyait. Elle lui parut infiniment belle, comme la représentante d'un trésor oublié, un héritage qu'il pensait perdu à jamais. Les yeux gris de l'humaine le fixaient, impassibles. Elle était jeune.

« C'est pas très poli de reluquer les gens comme ça, tu sais. » lâcha la jeune fille.

D'un revers de main, elle épousseta sa veste, la débarrassant de la poussière ocre qui tombait du plafond de la grotte. Visiblement, elle attendait une réponse. L'adolescent, muet, continua de l'inspecter, ne prêtant même pas attention à ses paroles, trop fasciné par le genre humain. Oui, ses cheveux étaient bien roux. Était-ce le cas de tous les humains ? Non, il ne croyait pas. Il ne se rappelait plus...

« Bon, ok, ça devient légèrement flippant, là. Tu peux parler ? »

C'est seulement à ce moment que le garçon s'intéressa à ce qu'elle disait. Parler ? Non. Peut-être. Comment faisait-on, déjà ? Sans s'en rendre compte, il se mit à ouvrir et à refermer la bouche, balbutiant d'un air idiot, sans rien émettre d'autre que des sons rauques, informes. Son interlocutrice eut l'air amusée.

« C'est bon, te fatigue pas. T'es pas le premier qui se réveille muet. Ça reviendra vite.
- Lina ? A qui tu parles ? interrogea une voix dehors.
- Il s'est réveillé, doc' ! » répondit la jeune fille en haussant le ton.

L'étoffe rouge qui coupait la grotte du monde extérieur s'ouvrit, inondant la caverne de lumière. Clignant frénétiquement des yeux, le garçon finit par discerner la silhouette de la nouvelle arrivante. Il s'agissait d'une femme, plus âgée que la dénommée Lina. Le visage marqué par l'inquiétude, ses cheveux bruns noués en une queue de cheval, elle portait une blouse blanche qui éveilla chez le garçon de douloureux souvenirs. L'espace d'un instant, il se rappela d'expériences, de tests, de menaces, de souffrances immenses. Paniqué, l'adolescent recula, s'enfonçant dans son lit, dos au mur de roche.

« Du calme, du calme.. Je m'appelle Élise. Je ne te veux aucun mal.
- Il est muet, l'informa la jeune fille assise à côté du lit.
- ... on », grogna le garçon en guise de protestation.

Surprises, ses deux interlocutrices le dévisagèrent longuement tandis que l'adolescent s'efforçait de formuler des mots intelligibles. C'était comme si ses cordes vocales étaient encrassées, et les muscles de sa gorge se crispaient tandis qu'il essayait de communiquer.

« .. mains ?
- Tes mains ? répéta Lina.
- .. on. Hu...mains ? »

La femme en blouse blanche, Élise, sourit. Ses traits étaient plus grossiers que ceux de la jeune fille, mais il y avait dans son regard un savoir indéniable, et une gentillesse rassurante. Le cœur du garçon, qui battait la chamade, se calma légèrement. Malgré tout, quelque chose en lui, quelque chose de profondément enfoui dans sa mémoire, cherchait à se rebeller.

« Lina, oui. Pas moi.
- Pas.. moi ? répéta l'adolescent.
- Pas toi non plus, concéda la femme.
- Eh bah, c'est qu'il se remet vite, le Ronflex ! » s'exclama Lina.

Élise posa une main sur le front du garçon. Ce dernier se fit violence pour ne pas réagir brusquement, toujours mal à l'aise.

« Il a peur de votre blouse, doc', remarqua Lina.
- Il a de quoi. Malheureusement, je n'ai plus que celle-là. Bon... La fièvre est tombée. Comment t'appelles-tu, mon garçon ?
- ... pas.
- C'est nul, comme nom, « pas ».
- Lina !
- Sais... pas », articula péniblement l'adolescent.

Élise devint pensive, tandis que Lina soupirait. La jeune fille aux cheveux roux sortit un étrange paquet rouge et blanc d'une des poches de sa veste, une boîte que l'adolescent ne parvint pas à identifier - comme beaucoup de choses dans cette pièce.

« Pas de ça ici, jeune fille. C'est une infirmerie, je te rappelle, pas un fumoir, gronda Élise.
- Je sais... soupira Lina. Bon, je vous le laisse. Je vais dire à Thrak qu'il s'est réveillé. Il voudra sûrement le voir.
- Pas avant qu'il ne soit en état de marcher. Allez, file. »

La jeune fille se leva de son tabouret, adressa un signe de tête au garçon, écarta l'étoffe qui coupait la caverne ocre du monde extérieur, et fut avalée par le torrent de lumière chaude qui s'était engouffré par l'ouverture.

« Bon, mon garçon, je vais devoir faire quelques tests. Tu reviens de loin, tu sais. J'ai eu du mal à te ramener parmi nous. Quand Lina et Thrak t'ont ramené du désert, j'avais l'impression d'avoir affaire à un mort. Tu t'es réveillé au laboratoire, j'imagine ?
- ... Oui.
- Comme beaucoup de gens ici. Rassure-toi. Tu n'es plus seul. » affirma Élise en hochant la tête.

Elle ne lui donna pas plus d'indications, et l'adolescent ne chercha pas à en savoir davantage. A la place, il regarda Élise fouiller dans une commode à l'autre bout de la pièce. La grotte était meublée par une dizaine de lits, tous vides, sauf le sien. Quelques étagères étaient disposées ça et là, plus ou moins ordonnées, et toutes étaient recouvertes de divers flacons et boîtes colorées dont le garçon ignorait le contenu.

Finalement, la femme à la blouse blanche revint et tendit une pilule à son patient.

« Tiens, avale ça. Ça te soulagera. Tu as mal aux jambes ?
- ... Oui.
- C'est normal. Tu te rappelles de ce qui t'es arrivé ? De comment tu t'es fait ça ?
- Sauté. » répondit simplement le garçon avant d'avaler la gélule.

Élise marqua un temps d'arrêt. Si elle trouvait cette réponse déroutante, elle n'en montra rien. Le garçon remarqua cependant sa surprise éphémère. Qu'avait-il donc pu dire de si étrange ?

« Je vois. Est-ce que tu te souviens de quoi que ce soit ? D'avant le laboratoire en ruines ?
- Non. Comment... savez ?
- Pour le laboratoire ? Je viens de là-bas, moi aussi. On est plusieurs comme toi, ici.
- Comme... moi ?
- Écoute, ne te fatigue pas trop. On t'expliquera tout, promis. Mais pour l'instant, il faut te reposer. »

L'adolescent acquiesça. Oui, il était fatigué. Incroyablement fatigué. Même s'il n'avait aucune idée de la chance qu'il avait eue de survivre jusqu'ici, il se rendait bien compte qu'il avait failli dormir pour toujours. Et maintenant qu'il avait retrouvé des humains, cette espèce si fascinante, il tenait plus que jamais à la vie.

Et c'est sur cette pensée qu'il sombra à nouveau dans l'inconscience.

~*~
« Tiens, Ronflex, je t'ai trouvé un miroir. Tu va pouvoir admirer ta jolie tête de déterré.
- Je suis .. flatté ? » articula l'adolescent.

Son phrasé était plus fluide qu'auparavant. Voilà deux jours qu'il était allongé dans ce lit, et sa capacité à communiquer n'avait cessé de s'améliorer. En même temps qu'il récupérait la notion du temps, certains réflexes sociaux, profondément enfouis dans son esprit, resurgissaient péniblement à la surface.

« Le prends pas comme ça, c'était de l'ironie, précisa Lina.
- ... Ironie ?
- Oui.. Second degré, tout ça... Oh et puis laisse tomber. Je t'expliquerai, un jour. » soupira la jeune fille en lui tendant l'objet qu'elle tenait dans les mains.

Il s'agissait d'un éclat de miroir. Le verre réfléchissant, brisé en de multiples endroits, renvoya son image au garçon, qui se vit pour la première fois.

Si Lina lui avait apporté ce miroir, c'était parce qu'Élise lui avait coupé les cheveux quelques heures plus tôt. Lorsque l'adolescent avait manifesté l'envie de contempler son propre reflet, la jeune fille avait disparu quelques instants dans le monde et était revenue avec l'éclat, dégoté on ne savait où.

Le garçon s'inspecta sous toutes les coutures, aussi minutieusement que l'état du miroir le lui permettait. Ses cheveux d'un noir charbon, désormais proprement coupés courts, encadraient un visage sombre, sérieux, un air austère qui surprit l'adolescent. Ses traits tirés, ni repoussants, ni particulièrement délicats, trahissaient la fatigue extrême de son corps. De multiples coupures entaillaient ses joues et son front, vestiges des bris de verre et de la ruine du laboratoire où il s'était réveillé. Ses yeux, d'un marron des plus basiques, brillaient d'un éclat curieux, une lueur qu'il ne parvint pas à identifier. C'était comme si un feu de lumière blanche brûlait derrière ses iris.

Bien que rien dans l'aspect du garçon ne comportât quoi que ce fût d'exceptionnel, le fait de se contempler enfin, d'étudier sa propre apparence l'emplit d'une joie et d'une fierté singulières.
Et en même temps, quelque chose en lui affirmait que, malgré son physique banal, l'adolescent n'avait rien d'humain.

« Aucune idée de ta tête avant aujourd'hui, hein ? » lui lança Lina, qui l'avait observé en silence.

Le garçon secoua la tête en guise de réponse. Reconnaissant, il rendit le miroir à Lina, après s'être observé une dernière fois. La jeune fille lui était souvent venue en aide, depuis son réveil. Elle passait plusieurs fois par jour lui rendre visite - à la demande d'un certain Thrak, avait-elle dit à Élise. Au départ, elle ne venait que pour s'assurer qu'il ne manquait de rien. Puis, ils avaient commencé à discuter de sujets variés : des Pokémon (il apprit ainsi que « Ronflex » désignait une créature qui dormait en permanence, et donc par extension, lui), d'elle, de tout, de rien. Et bien qu'ils furent bridés par la capacité limitée du garçon à communiquer, ce dernier appréciait leurs conversations. Malgré tout, Lina refusait de lui dire quoi que ce soit sur ce qu'il y avait au dehors, ou sur la raison de la ruine du laboratoire - ruine qui, l'adolescent en était certain, s'était étendue à l'ensemble du monde.
En outre, la jeune fille rousse avait également été la première à l'assister dans l'exercice délicat de la marche ; les jambes du garçon, presque guéries désormais (ce qui fascinait Élise pour une raison inconnue), avaient du mal à le porter et ses premiers pas hors du lit avaient été dangereusement instables.

Le garçon aimait bien Lina. Elle était franche, et il se disait souvent que sa chevelure rousse reflétait bien son caractère flamboyant. Et puis, il y avait quelque chose dans les yeux gris de la jeune fille, quelque chose qui l'intriguait, comme un air de tristesse perpétuelle. Lina avait le regard de quelqu'un qui en a trop vu. Elle le cachait, plutôt efficacement d'ailleurs, derrière une carapace de franc-parler et de sarcasmes joyeux, mais l'adolescent n'était pas dupe. Les yeux ne mentaient jamais. Ils étaient pour lui de véritables portes ouvertes sur l'âme de ses interlocuteurs. Il se demandait parfois à quel genre d'événements Lina avait pu assister pour être marquée ainsi.

« Dis-moi, je me demandais un truc. Tu ne te rappelle toujours pas de ton nom, j'imagine ? l'interrogea soudain la jeune fille, interrompant les méditations du garçon.
- Non.
- Bizarre. Les autres récupéraient plus vite leur mémoire... Enfin bref. Ça te dirait qu'on te trouve un nom ? J'en ai marre de t'appeler Ronflex. T'es maigre comme un clou, en plus, c'est débile.
- .. Si tu veux.
- J'en ai un qui t'irait bien, je pense. Lyrian.
- D'où ça vient ? »

La jeune fille eut un éclat de rire.

« C'était le nom d'un personnage de dessin animé quand j'étais gosse. Il était brun comme toi, et complètement paumé, alors je me suis dit que ça t'irait bien.
- Je.. n'ai pas tout compris. C'est pas... très gentil, si ? »

Lina lui frappa l'épaule du poing en riant à nouveau.

« Je déconne, imbécile ! Oups, désolée. Je t'ai pas fait mal ? se reprit-elle.
- A l'épaule ? Non.
- Ah oui, j'ai oublié que t'étais monsieur incassable. Bref. C'est pas mal, Lyrian, je trouve. T'aimes bien ?
- J'aime bien.
- Alors on fait comme ça. Jusqu'à ce que tu te rappelles de ton vrai nom, bien sûr. Ravie de te connaître, Lyrian. »



Crédit : Kyrie0201 sur DeviantArt