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» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 28/05/2011 à 18:02
» Dernière mise à jour le 28/05/2011 à 18:02

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

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Film - Quand le Destin se mêle au sort des Hommes...(2)


ON Y ARRIVE !


Allez Allez, plus qu'une partie, et après l'épilogue ! Whoa ! Je vais y arriver, je vais y arriver.

J'espère que je vais y arriver… Merci de laisser des commentaires, après…C'est vous qui voyez, vous voulez la suite rapidement ou pas… ?


Sur ce bonne lecture. Qui devinera qui seront les morts de l'arc du dénouement ?





FILM - Quand le Destin se mêle du sort des hommes-


« L'affirmation d'un bonheur illusoire constitue un premier pas sur le chemin de la félicité. »





Akira s'était, chose rare, levé tôt le lendemain matin, tiré du lit par Samantha.

Il ignorait en sortant des draps, grognon, que cette journée, serait probablement la plus longue de toute son existence. Une journée, au temps distordu, un jour trop lentement écoulé, mais aux évènements si rapides, qu'ils lui fileraient entre les doigts tel de l'eau. Une étape de sa vie, de leur vie, qu'il souhaiterait à chaque instant de son futur, effacer.

Mais pour le moment, avec Sam, il avait préparé le sac d'Eléa, ou plutôt avaient parfait celui-ci, car tous, connaissaient les aptitudes de rangement, ou plus globalement, les aptitudes de femme au foyer, de la jeune fille. Ils avaient constaté avec défaitisme qu'elle n'avait pratiquement rien empâqueté de ce dont elle nécessitait, quelques t-shirts et short…Mais une seule et unique culotte. Perspective qui avait failli provoquer une crise cardiaque à sa jeune élève.

-Cette fille est un Groret. Grommela-t-elle en ajoutant des dessous, furieuses, ainsi que des encas préparés par ses soins, et surtout, une trousse de toilette. –Groret. Répéta-t-elle, indignée.

Yuki ricana, incapable de voir clairement ce qui manquait, ou ce que lui demandait d'aller chercher Sam pour l'ajouter au bagage. Mais il sentait la colère monter chez Sam, aussi bien qu'il savait qu'elle partirait en fumée à l'instant même où elle verrait Eléa sortir de sa chambre.

-Faut que je fasse son petit déjeuner préféré ! Décida-t-elle en fermant la fermeture éclair, une fois sa besogne finie sur le sac. Elle venait d'ajouter comme touche finale l'ordinateur et la clef USb.

D'un pas décidé elle se leva, se dirigea vers la cuisine tout en envoyant :

-Vous allez la chercher ?

Akira bailla, de manière affirmative –chose que lui seul savait faire-, tout en s'étirant, il se dirigea vers la chambre de la gamine. Il toqua une fois, puis n'obtenant aucune réponse, il se permit d'entrer. Bien entendu, il ne vit rien, la pénombre des chambres à coucher quand le dormeur l'habite, n'aidant pas du tout sa vue défaillante. Cependant, il s'avança vers le lit par habitude et tâta la couette, cherchant une masse, un corps. Il n'y trouva personne.

Il arqua un sourcil, mais l'inquiétude n'eut pas le temps de le gagner.

-Je suis à la fenêtre !

La voix d'Eléanore derrière lui, lui indiqua la direction à prendre : il fit volte-face.

-Tu es tombée du lit toi ! Ricana-t-il.
-C'est vous qui me dites ça ? Envoya-t-elle tristement.

Akira s'avança vers la petite, à pas de loup, puis s'appuya sur la rambarde de la fenêtre. Il la sentait à ses côtés, son odeur, étrange mélange de naturel, de sueur et de lessive industrielle. La bise fraîche de l'aurore embaumait l'air d'humidité, comme si le soleil n'avait pas réussi à chasser totalement les larmes de la nuit.

-Sam t'attend dans le salon. Annonça-t-il franchement.
-Encore une surprise ?

Sa voix sonna de manière penaude, presque morne.

-Qu'est-ce qui ne va pas ? Lui demanda-t-il aussitôt, tourmenté par le timbre de la gamine.

Il l'entendit se tendre à ses côtés, comme frémir, ou frissonner, sous le vent.

-Ce…Ce n'est pas que ça me dérange…Articula-t-elle. Mais ces dernières semaines, vous n'avez fait que ça. Que des surprises…me couvrir d'attention…Sans jamais penser à vous !
-Peut-être, que ça fait plaisir à tout le monde de te couvrir d'attention : ils sont heureux comme ça. Heureux que tu ailles bien, ils veulent se réjouir. Ils pensent à eux aussi. Tu sais, le mieux que l'on puisse faire comme cadeau, à nos proches c'est être heureux…Alors ils t'offrent le plus beau de tous, ils se réjouissent pour toi, ils te montrent qu'ils sont heureux.

Eléa se tût, Akira tourna la tête, et plissa les yeux, essayant de détacher l'expression de la petite du nuage ténébreux obscurcissant sa vision. C'est alors qu'il l'entendit, ce faible murmure, alourdit de colère et de peine.

-Arrêtez de faire comme si j'allais vivre…

Il fronça les sourcils.

-Mais tu vas vivre. Annonça-t-il, sévère, plus qu'il ne le voulut.
-Cette opération a des risques, vous le savez ! Alors arrêtez de les nier…Arrêtez de vous convaincre que tout va bien se passer, parce que peut-être que tout va mal se passer et…Et…

Akira l'interrompit, paternellement, il la saisit par les épaules, et il espéra l'obliger à la regarder en face, à plonger ses prunelles vertes dans les siennes, mortes.

-Tu vas vivre Eléanore. Nous n'essayons pas de nous convaincre de l'option qui nous plait le plus. Nous y croyons, parce que nous savons. Nous savons que tu es une battante. Où est la gamine qui m'a remis à ma place au centre Pokémon quand j'ai découvert son secret ? La jeune fille pleine de détermination devant la fatalité ?
-Et bien la fatalité est peut-être plus forte ! Elle sera peut-être plus forte cette fois ! Je ne suis pas toute puissante, ou imbattable ! Je suis humaine ! Je fais des erreurs moi aussi, j'échoue parfois ! Je suis juste humaine ! Gémit Eléa.

Akira serra involontairement plus sa prise sur elle.

-Si tu n'y crois pas, c'est sûr que tu échoueras. Affirma-t-il.

Eléanore frémit dans ses bras.

Il y eut un silence, où seul la caresse du vent, ses lamentations solitaires errèrent dans la chambre. Puis soudain, un ricanement, un roulement macabre, un gosier encombré, essayant de rejeter cette boule de tristesse l'étranglant petit à petit. Eléanore ricana, hoqueta.

-C'est si difficile…D'être méchante avec vous…De vous faire comprendre que…
-Que quoi ?

Alors, comme un éclair, il la perçut, il la vit relever la tête avec brusquerie, et il admira ses prunelles d'émeraudes luisantes de mélancolie, alors que dans un rictus désolée, elle avouait, grave :
-Que je ne veux pas que vous souffriez si le pire se produisait…

Yuki tressaillit. Glacé de la tête au pied.

-J'ai essayé…D'être méchante avec Sam…De lui parler le moins possible…Pour la calmer…Pour me détacher d'elle…mais rien n'y fait, je n'y arrive pas !

Eléanore eut un soubresaut entre ses mains.

-Elle me sourit, et j'oublie tout…Toutes mes résolutions, ma volonté de me détacher…J'oublie de lui rappeler que l'opération est risquée…Et elle…Elle me prépare des surprises, tout le temps…Elle sourit, elle semble si heureuse…Je n'arrive pas…je n'arrive pas…
-Parce que ce n'est pas dans ta nature.

Eléa sursauta, et il lui sourit gentiment, avant de murmurer doucement :

-Ce n'est pas dans ta nature d'être méchante. Tu en es capable, bien entendu, mais pas avec tes amis. Pas avec ceux dont tu ne désires que le bonheur…

Il lui caressa le haut du crâne paternellement, confiant :

-Comme ce n'est pas dans ta nature d'abandonner. Je suis persuadé que tu vas te reprendre petite. Parce que, celle que j'ai devant mes yeux…Ce n'est pas la Eléanore que je connais. Elle va se reprendre, prendre une décision, qui rendra tout le monde heureux, se battre pour elle, et s'y tenir. Et réussir. Comme d'habitude.

Eléanore trembla, et ricana de nouveau. Akira perçut un reniflement, ainsi qu'un petit bruit de claque, comme si elle se punissait elle-même pour son défaitisme.

-Vous avez raison…Je dois me reprendre…je sais ce que je dois faire.

Yuki sourit à son tour. Il se releva.

-Et je ne pense pas…Que ce que tu doives faire, soit d'être méchante avec tout le monde le dernier jour…

Elle déglutit et cacha un hoquet en murmurant, railleuse :

-Oui papa !

Akira ricana.

-Si je suis ton père, il est de mon devoir de te dire, comment on fait les bébés, maintenant que tu as…
-C'est bon je sais comment on fait, je vais voir Sam ! Saluuuut !

La porte claqua, et Akira sourit.

-ET les MST tu connais aussi ?

Il soupira, toujours ému. Cette petite allait lui manquer, même l'espace de quelques jours, pour l'opération et la rééducation.

Il ignorait, à cette époque, combien la séparation serait plus douloureuse et définitive.

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Silver vérifia son sac, une énième fois, hésitant. Il plongea la main dans ses affaires, caressa ses pokéballs du bout du doigt ; les plumes héritage de sa mère, et souvenir de Sam, ainsi que sa trousse de premier soin, et sa carte de dresseur, écrasée sous les vêtements. Puis il referma le carré de tissu, pour se lever.

Il fit trois pas, s'assit sur le lit, qu'il n'avait pas défait cette nuit, tout en fixant son paquetage. Le cœur serré. Il avait pris sa décision. Il savait ce qu'il désirait faire, et pour cela il devait quitter les lieux, Twilight…ses amis, sa dernière famille, Gold…

Il se recroquevilla à cette idée, et plongea sa tête dans ses paumes. Le mal de tête oscillant, allant et venant à sa guise ses dernières heures, tout comme ses sentiments de liberté et de culpabilité.

Fuyait-il ? Sûrement.

Les mots d'Eléanore tournaient dans sa tête depuis des jours, s'alliant peu à peu à ceux de Sam et Cristal, synchrones à la vie qui fourmillait autour de lui. Tous, avançaient d'une certaine façon, évoluaient. L'une réalisait son rêve pour devenir médecin, l'autre guérissait, enfin la dernière quittait ce qu'elle considérait comme sa prison.

Il était temps pour lui, aussi, de prendre sa vie en main. Il ne désirait pas rester en arrière, abandonné, comme il l'avait été trop souvent.

« On peut pas savoir sans avoir essayé. »

La phrase de Cristal lui fit piquer un fard et il se laissa tomber dans le lit, pour plonger sa tête contre l'oreiller. Non. Non, il ne partait pas pour ça. Il ne partait pas parce qu'il avait peur d'essayer. De comparer. Puis de toute manière, comparer avec quoi ? Il n'avait jamais embrassé personne, volontairement. Avec envie et désir. La seule fois où il avait éprouvé une quelconque attirance, ou plaisir, c'était dans cet étrange rêve, où Gold l'embrassait après l'enlèvement de Sam.

Silver devint bientôt aussi rouge que ses cheveux, et il secoua la tête pour chasser cette pensée, une main près sur la bouche.

Non non, il fallait qu'il arrête de songer ainsi. C'était anormal ! Tout ce qu'il ne désirait pas devenir ! Tout ce qu'il avait toujours connu, et tout ce qui l'avait toujours fait souffrir.

Il partirait. Il partirait dès qu'Eléanore serait partie. Profitant de la confusion, des adieux et de l'abattement général que susciterait le départ. Comme ça, il ne dirait aucun au revoir ou adieu…Comme ça il n'aurait à fournir aucune explication.

Ses muscles se détendirent, et il lâcha l'oreiller, pour fixer dubitatif le plafond, et les poutrelles de bois qui le soutenait.

Eléanore…Allait partir elle aussi.

Il se mordit la lèvre inférieure.

Quelque chose le turlupinait dans son comportement, les derniers jours. Il ne savait pas exactement quoi, mais il ne parvenait pas à s'empêcher de douter, à s'inquiéter. Elle cachait quelque chose…mais personne ne le remarquait. Lui, savait ce que le poids des secrets pouvaient causer comme dégâts…Peut-être était-ce là, toute la différence, l'écart de perception qui le séparait des autres. Peut-être…

Il se crispa de nouveau.

« Peut-être…Devrais-je essayer…Juste de lui parler…Seul à Seul, avant qu'elle ne parte. Pour savoir. »

Pour partir en paix, lui aussi, pour son voyage.

« Ou parce que c'est la seule…A qui j'ai l'envie de dire au revoir… »

Il plissa les yeux, réaliste :

« Ou le courage… »

Le mensonge eut un gout de sel dans sa bouche, et agacé, il se leva, jeta son sac sur son épaule et sortit de sa chambre.

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Samantha sifflotait gaiment, préparant des crêpes, quand Eléanore arriva derrière elle et s'installa au comptoir. Les bras croisés, l'observant silencieusement s'affairer aux fourneaux, avec des grands yeux, comme si elle la voyait pour la première et dernière fois.

La dresseuse de Brasergali se retourna et lui sourit, ravie :

-Coucou, bien dormi ?

Eléanore bougea imperceptiblement, lunatique, comme toujours depuis l'annonce. Elle lui fit un sourire complice et envoya, ignorant la première question, pour aller droit au but : à son but :

-Alors, toujours pas dit à Yuki ?

Samantha roula des yeux vers le ciel et soupira :

-Non. Tu ne veux pas parler à une fille pas franche, c'est ça ? Anticipa-t-elle.
-Non, mais qu'est-ce que tu attends au juste pour te déclarer ?

La question foudroya Sam sur place, et elle versa bien trop de pâte dans la poële, distraite. Ce ne fut que quand les flammes s'attisèrent goulument, attirée par la mixture sucrée, qu'elle se réveilla. Tout en battant des mains et jouant avec le gaz pour minimiser les dégâts…Elle se calma progressivement. Lentement, elle reposa l'ustensile de cuisine sur le grill, pensive…Et elle réalisa elle-même :

-Je ne trouve pas les mots.

Les bons mots, ceux qui lui avaient cruellement faits défauts dans sa confrontation contre Silver, ceux qui soignent, qui pansent les blessures, et ré confortent. A croire qu'elle ne savait user que de ceux qui blessent.

Eléa fronça les sourcils, et rétorqua, ahurie :

-Quoi ? Tu as besoin de quoi de plus qu'un je t'aime ?
-Et toi, qu'est-ce que tu as dis, à Daniel ?

La gamine sursauta, puis détourna le regard une seconde, avant d'envoyer son adorable sourire mutin, de façade, presque hautain :

-Moi, je l'ai embrassé direct. Tu me connais ! Ricana-t-elle.

Samantha soupira. Ah ça oui, malheureusement, elle la connaissait. Parfois elle aurait aimé posséder le quart de sa franchise, même. Eléanore parut capter la mélancolie et le regret chez son amie, quand celle-ci lui servit la première crêpe au beurre –brûlée-. Mais au lieu de la réconforter, elle envoya de but en blanc :

-Allez Sam, si tu ne dépêches pas, il va te filer entre les doigts !

Sa meilleure amie tiqua, nerveusement, et siffla presque aussitôt, aussi fort qu'elle redoutait cette éventualité, tout en la niant :

-Qu'est-ce que tu racontes, j'ai tout mon temps pour le dire. Je pourrais même attendre mes dix-huit ans !

Après tout, il n'avait plus son ancienne petite amie, Lily Brosh, auprès de lui, et s'il y avait bien des femmes dans le Qg de Twilight, des championnes, elle n'avait jamais vu le professeur s'y intéresser. Pourtant, la déclaration grave d'Eléa sema le doute dans son esprit :

-On a jamais assez de temps.
- Ca y est, madame prend déjà la grosse tête ?

Le rire qu'elle se força à prendre, lui parut faux, et bien trop évident, mais Eléanore lui sourit de même et l'imita, d'un rictus artificiel :

-Exactement


Sam se renfrogna, rabrouée, elle afficha une moue, à la fois irritée, et compréhensive. Elle savait qui des deux avait raison, mais cela n'empêchait pas les mots de s'entortiller dans sa tête, pour ne former aucune déclaration assez digne de son amour.

Derrière elle, Eléanore jouait avec sa nourriture, la tripatouillant du bout de sa fourchette sans la toucher, tandis que le chalet se réveillait peu à peu, sous l'effet d'un Akira Yuki –bien décidé à ce que personne ne dorme s'il ne le faisait pas.

Doucement, timidement, elle bafouilla :

-Sam…

Sam se retourna, préoccupée par le ton craintif de son amie. Elle fronça les sourcils, alors que la gamine posait ses couverts dans un tintement.

-Est-ce que tu es satisfaite avec ta vie actuellement ? Tu es heureuse ?

Samantha arqua un sourcil, dépourvue face à la question. Elle chercha dans sa mémoire, se posa réellement la question, depuis bien longtemps. Elle revit ses visions, ses cauchemars chaque nuit, à l'organisation twilight, ses peurs, la faisant redouter chaque lendemain, pour la vie de ses amis. Et sa tête se secoua négativement, de gauche à droite, avant même qu'elle ne le réalise pleinement.

Eléa blanche, écarquilla des yeux, et ses poings se serrèrent avec douleur tandis qu'elle soufflait, comme désespérée :

-Alors bouge-toi, change les choses, fais en sorte de l'être, parce qu'il ne viendra pas tout seul !

Samantha s'arrêta, pensive. Méditant sur cette phrase, et regretta sa réponse trop hâtive, incomplète.

Ce n'était pas, qu'elle était malheureuse : mais elle n'aimait pas sa situation actuelle. Sa vie dans l'organisation. Quand elle songeait au futur, elle l'imaginait sans Twilight. Sans vision. Sans cauchemar. Néanmoins, aujourd'hui, elle n'était pas triste, parce que chaque jour, elle retrouvait ses amis, elle se voyait entourée, chérie, aimée. Elle avait Eléanore, ses Pokémons. Cela suffisait à remplir son quotidien de rire. Elle n'aspirait cependant pas à le vivre à jamais dans ce contexte. Elle désirait une mère, une vie, un travail, reconnu, elle souhaitait vivre. Au grand jour, son bonheur. Avec eux.

- Eléanore…Souffla-t-elle avec un sourire.

Eléa se redressa sur sa chaise, et Samantha s'attendrit.

-Tout ce qui va dans ma vie, tout ce qui me fait sourire aujourd'hui, c'est à toi que je le dois.

La concernée rougit vivement, la mine contractée, et elle siffla tout en détournant les yeux.

-Ne dis pas n'importe quoi, tu as tout fait toute seule. Je me suis pas mise dans ta tête, je t'ai pas forcé à agir comme ci ou comme ça, tu as pris tes décisions seule, et c'est bien comme ça ! C'est ton histoire !

Elle avala rageusement un morceau de son petit déjeuner, vexée et touchée à la fois, elle le savait. Vexée car elle n'aimait pas la voir si dépendante d'elle, mais touchée par la place qu'elle savait occuper dans le cœur de Samantha.

Eléanore rougit de nouveau, intimidée par le sourire de son amie, si spontané, sincère. Elle reposa sa fourchette. Silver passa derrière elle, dans son dos, et fronça les sourcils en avisant l'assiette pleine de la malade, avant de sortir du salon. Comme si cet instant de répit avait permis à Eléa de retrouver un second souffle, elle murmura solennellement :

-Sam. Tu seras heureuse, tu me le promets ? Avec le prof…Avec Silver…Tous

Encore ce même ton, solennel, comme attendant une promesse. Samantha l'observa soucieuse

-Un problème ?

Eléanore se raidit, mais elle lui sourit.

-Non, c'est rien…Je veux juste te demander un service et je sais pas comment l'amener sur le tapis en fait !

Sam ricana devant la franchise.

-Tu viens de le faire !
-Oups !

Elles ricanèrent. Puis la dresseuse d'Ash prit un verre de jus d'orange, et fit tournoyer sa paille tout en contemplant le liquide ambrée. Les mots tournoyèrent, vif, telle la boisson.

-Tu pourras t'occuper d'Hope ?

Samantha tressaillit.

-Pardon ?
-L'opération…je ne veux pas les emmener avec moi à l'hôpital. Je ne veux pas qu'ils soient là pendant l'opération, alors qu'il y a un risque que ça tourne mal. Avoua-t-elle d'un trait sans la regarder dans les yeux.

Sam retint un pic de colère.

-Ca ne tournera pas mal.
-Quand bien même, je ne veux pas les emmener à l'hôpital, je n'aime pas cet endroit, je n'y ai que des mauvais souvenirs. Je ne veux pas que mes Pokémons y aillent. Donc, tu voudras bien le prendre avec toi ?

Samantha se décrispa légèrement, mais suspicieuse, mais surtout curieuse, elle bredouilla :

-Pourquoi Hope ?

Eléa haussa les épaules, comme si c'était évident.

-Evoli était à Daniel à la base…Typhlosion retournera auprès de Christelle, le temps que ça passe…Et je pense confier Pilou à Régis ou Sacha ou Gabriel –il aime les chapeaux-…

Samantha se mordit la lèvre.

-Et Ash… ?

Le regard d'Eléanore se fit lointain, elle posa la joue contre sa paume, le bras accoudé sur le comptoir, dans la position allégorie même de la mélancolie, et elle ricana nerveusement :

- Ash je le confierai à Daniel parce qu'il sera probablement furieux, et Danny a l'habitude d'esquiver ses flammes.

Sam resta silencieuse, sans suivre la plaisanterie. Elle n'aimait pas l'idée de garder les Pokémons d'Eléanore, c'était comme lui prendre ses forces. Dans son esprit, son amie se trouvait dépouillée, vulnérable.

-Je te confie Hope, parce que c'est mon bébé. C'est mon espoir. Et je veux qu'il devienne le tien également. Avoua finalement Eléa.
-Je n'ai pas besoin de lui, j'en ai déjà un. D'espoir. Contesta Sam.

Eléanore lui envoya un regard suppliant, et Sam sentit ses convictions, sa volonté vaciller.

-J-je suppose, que je peux en prendre soin. Mais je te le rendrai aussitôt de retour. Céda-t-elle finalement.

Eléanore eut un sourire malheureux, et lui tendit sa pokéball. Ses doigts restèrent une seconde sur le métal, caressèrent avec amour la surface polie, avant de se rétracter. Doucement, elle s'éloigna, retira sa marque, et baissa les yeux. Samantha serra contre elle le précieux présent, et se mordit la lèvre, le cœur gros.

Elle ignorait encore, qu'elle serrait encore tout contre elle, ce qui cristalliserait joie et espoir, bonheur et détermination. Tout ce sur quoi elle construirait sa propre histoire. Une coque protectrice protégeant son âme de la souffrance, tout en l'emprisonnant derrière le voile d'un passé, dont elle ne voudrait jamais se défaire.

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Daniel se réveilla difficilement ce matin là, il émergea, peut-être en bons dernier, comme si son corps lourd, redoutait le futur, et aurait voulu ne jamais le voir. Dépossédé de toute force, la volonté faiblissant sous la couette, les paupières lourdes, son esprit avait dérivé, privé de tout désir de se lever. Comme harassé. Ce ne fut que vers midi, quand Nathaniel était venu se faufiler dans son lit, qu'il avait enfin trouver la force de s'en éjecter. Depuis son géniteur le collait, lui et Gabriel, comme un chewing gum adhérait à la semelle d'une chaussure. Et tout aussi répugnant.

Il arriva dans le salon, peuplé de personnes affamées, avalant avidement ce qui restait de crêpe, quand il la vit. Elle se tenait sur le balcon, les pieds passant sous la rambarde, se balançant dans le vent au rythme d'un vent invisible. Le regard rivé vers le ciel. Sans même hésiter, il se dirigea vers elle et s'installa à ses côtés.

D'abord, il n'y eut aucun mot entre eux, juste le silence appréciateur, l'un prenant connaissance et savourant simplement la présence de l'autre. Puis, doucement, elle tourna la tête vers lui, et lui sourit faiblement.

-Tu veux bien t'occuper d'Evoli et Ash pendant que je serai à l'hôpital ?

Daniel accusa la demande, ne s'attendant pas à un service si tôt. Cependant, il comprit. Il l'avait vu, souffrir seule, alitée dans un hôpital, la bile de peine qui l'emprisonnait avait longtemps encombré sa poitrine d'un poids bien trop lourd. Il hocha alors simplement de la tête.

-Si tu veux. Mais tu ne veux pas garder Ash avec toi ? Tu ne risques pas de te sentir seul ?

Eléa secoua la tête, sûre d'elle, mais elle sembla mâcher consciencieusement ses mots avant de les murmurer :

-L'emmener là où je vais…Ne me rendrai que malheureuse.

Daniel ferma les yeux, en proie à des images d'un passé, dont il n'aurait jamais voulu garder la moindre trace.

-Je comprends.

Une brise glaciale les sépara.

-Daniel Tanathos Indiana George…

Eléa prononça son nom complet étrangement. Il tourna la tête dans sa direction, interrogateur, peu habitué à l'entendre si sérieuse, et elle lui renvoya son regard. Ferme, sans sourire.

-Je t'aime.

Il le savait depuis longtemps, elle le lui répétait sans cesse, aussi, ne trouva-t-il pas l'intérêt d'y répondre. Il la laissa continuer, ce qu'elle fit. Haussant les épaules, presque comme furieuse contre elle-même, elle enchaîna :

-Je sais, c'est plat, les mots sont pas bien tournés, ils chantent pas, j'ai pas d'autres mots. J'aime pas chercher mes mots. En plus c'est guimauve et la guimauve, c'est pas mon truc, d'abord c'est rose, et j'aime pas le rose. Ensuite, c'est trop sucré, le sucre cache tout les autres gouts. Alors je préfère le dire, net. Sans fioriture, parce que c'est ce que je ressens actuellement. Je t'aime, et chaque jour, je le sais un peu plus. J'ai envie de rester avec toi, j'ai envie de n'être qu'à toi et j'ai envie que tu ne sois qu'à moi. Je veux croire, je veux espérer que ce sentiment durera toujours…Mais, toi, tu ne regrettes pas, hein ? De m'avoir connue ? Tu ne regrettes pas d'être avec moi ?

Danny ne sut pas vraiment quoi dire devant cette tirade, si autoritaire et secoua la tête, déboussolé, déstabilisé. Elle continua à le regarder, comme le défiant du regard, attendant une réponse, et il parvint à bafouiller :

-P-Pas une seconde Eléa. J-je je t'aime aussi. Je le sais, étrangement, il y a beaucoup de choses que j'ignore, mais, ça, ça j'en suis sur aujourd'hui.

Il baissa la tête, écarlate, et fixa ses pieds, pendouillant dans le vide, en proie à la timidité. L'horrible impression que chaque personne de la terre avait entendu ses mots stupides et dégoûlinant de niaiserie, sans refléter un seul instant la profondeur de ce qui faisait palpiter son cœur à chaque rencontre.

Eléa se détendit, et tourna de nouveau la tête vers le ciel. Un doute lui étreignit le cœur.

-Quelque chose te tracasse, n'est-ce pas ? Vas-y raconte moi.

Eléa sursauta, et observa Danny, qui, lui, se tenait immobile, compréhensif, après avoir si fortement imposer son avis. Elle eut un ricanement triste, et secoua la tête.

-Non c'est rien. Rien d'important.

Peut-être que s'il avait insisté, tout aurait été différent.

Mais ce jour là, à cet instant précis, Daniel lui renvoya un sourire patient ; tout en murmurant :

-Bien, j'attendrai. Toujours. J'attendrai ton retour de l'opération, et j'attendrai que tu me racontes ce qui te tourmentent. Comme toi, tu as attendu pendant 4 mois ma réponse.

Eléa se tût, admirant l'infini, et Daniel lui caressa les cheveux.

- Daniel…
-Oui ?
-Le futur qu'on avait imaginé…
-Oui…

Eléa trembla imperceptiblement, elle eut une seconde, une seule seconde d'hésitation. L'espace d'in instant, sa bouche s'ouvrit, et les mots restèrent au fond de son gosier, se heurtèrent à son palet et à ses dents, pour demeurer, silencieux, à jamais enfoui dans le plus grand secret. Puis ce fut tout. L'unique indice de ses mensonges.

Elle lui envoya un regard brillant, et avec un sourire elle lui murmura :

-Il me plait beaucoup.

Ses paupières se fermèrent douloureusement.

-Si je pouvais, je n'en prendrai pas d'autre, juste celui-là. Un monde, couvert de rire. De vos rires.

Elle lui prit la main, et lui passa les deux pokéballs tant chéries, dans un si timide mouvement de main si imperceptible, qu'il ne sentit que la chaleur de sa peau contre la sienne. N'entendit que ses paroles.

-Je veux un monde couvert de vos rires. Je compte sur toi Daniel. Je veux que tu t'y accroches, que tu lui permettes de voir le jour. Je compte sur toi pour qu'il se réalise…

Eléa ricana et pencha la tête sur le côté.

-En un sens…Ma vie, mon avenir, mes souhaits, ma famille…Je te les donne, je te les confie, comme ces pokéballs !

Elle serra sa prise avec tendresse.

-Ne les perds pas. Rend-moi fière de ma décision. Rend-moi heureuse. Montre-moi que j'ai raison de tout te donner.

Daniel s'attendrit, et hocha de la tête, acceptant ce serment, alors, il échangea :

-Et toi…Ne change pas.

Eléanore eut un sourire mélancolique, et elle se pencha vers lui, quand soudain, Le visage de Nathaniel se dessina derrière eux, dubitatif, de grands yeux ronds, agenouillé pour être à leur niveau. Il siffla, faussement admiratif :

-Ca ressemble à une demande en mariage ça !

Ce qui ne manqua pas de faire rougir Daniel jusqu'à la racine des cheveux, et faire bondir Eléa sur ces pieds. Furieuse, elle envoya :

-Vous êtes trop con.

Avant de partir en tapant si fort des pieds, que le parquet s'ébranlait à chaque pas. Nathaniel, insensible à l'insulte, fronça alors les sourcils, et grommela :

-C'est pas comme ça qu'on parle à son beau-papa non mais ! Surtout quand c'est toi qui fait la demande à mon fils ! C'est pas malin !

Avant de lorgner sur son fils et d'aboyer :

-COUCHER !

Daniel gémit en plongeant son visage dans ses mains, au plus grand plaisir de son père ricanant, et au désespoir de Gabriel, spectateur de la scène.

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La colère du se tasser, car bientôt, Nathaniel recommença à tourner avec ses enfants, partout dans le chalet. L'ambiance lourde, incapable de se décider, oscillant entre la vive chaleur de l'espoir et la froideur déchirante des adieux approchant à grands pas. Midi approchait, tout comme l'heure fatidique, quand Lucas, coincé entre une Cristal faisant semblant de réviser, et une Samantha pensive, décida de s'aérer.

Il inspira profondément, se détendant, soulagé, sous l'air frais, quand il vit Eléanore, sur le rebord du chemin, allongée par terre. Les anciennes peurs assaillirent son cœur et il se précipita vers elle, mais son pas ralentit bien vite.

Elle regardait juste le ciel, sans véritable tourment visible. Il s'approcha et l'observa, perplexe, sans qu'elle ne lui prête attention.

-Bah qu'est-ce que tu fais ici toute seule… ? Je te croyais au chalet profiter de nos derniers instants ensembles avant que tu ne partes !
-Je regarde le ciel.

Lucas soupira : oui ça il le voyait bien.

-Toujours fâchée contre Nathaniel ? Je veux bien moi, mais tu pars dans une heure… !
-Ouais. Je sais. Répondit paisiblement la gamine. –Mais j'ai déjà tout réglé je crois.

Lucas fronça les sourcils.

-Un problème ?

La dresseuse d'Ash coula un regard vers lui, lent, nonchalant, et elle l'admira de haut en bas, comme pour le jauger, avant de constater, péniblement :

-On est pas très proches, tous les deux, hein ?
-Pas vraiment non. Rigola Lucas sans complexe.

Eléa fit la moue.

-J'veux dire, t'es mon ami, mais t'es surtout le meilleur ami de ma meilleure amie.
-T'es la petite amie de mon meilleur ami, et la meilleure amie de ma meilleure amie. Rétorqua joueur le brun.
-Ouais d'accord, tu me bats. Pouffa la seconde.

Lucas tiqua, étonné qu'elle se reconnaisse inférieure à lui, même su un point aussi stupide et insignifiant. Presque délirant. Embêté, dérangé, il changea de sujet, et leva le nez vers les nuages :

-Alors, tu pensais à quoi ?
-A plein de trucs. Je sais pas trop vraiment.
-Je le répète, tu restes trop souvent avec Daniel toi !
-Peut-être…

Elle ne parut pas prête à débattre sur ce point, toujours songeuse. La grande asperge rit nerveusement, embarrassé, et envoya alors :

-Bref, il est beau le ciel ? Moi je le préfère la nuit, quand y-a des étoiles.
-Oui moi aussi.

Un silence s'imposa entre eux, ils n'avaient décidément pas grand-chose à se dire.

-Mais je suis là que jusqu'à 13h. Y-a pas d'étoiles…

Il perçut sa mine penaude, et elle lui creva le cœur.

-…Tu sais quoi, je trouve que le ciel est beau, du moment qu'on le regarde avec des êtres chers.

Eléa sourit.

-Merci t'es gentil.
-C'est ma seule qualité !

De nouveau le silence, elle ne contesta même pas sa fausse modestie. Comme l'approuvant comme la vérité.

-Sérieusement Eléa…Tu penses à quoi ?
-Ca t'apporterait quoi de savoir ?

Lucas haussa des épaules, pris au dépourvu.

-Bah…Juste de savoir !

Et la gamine siffla, presque irritée :

-Tu aimes savoir plein de trucs, hein ? Et regarder pleins de trucs…
-Bah…ouais… Confirma le brun, étonné qu'elle souligne ce fait sans intérêt.
-Mais tu fais jamais rien après. Même quand tu sais.

Le coup atteignit durement sa cible, qui surprit vacilla. Eléanore le regarda une seconde, lui et l'œuvre de sa pique, cette grande asperge de Lucas, blême, debout, ne sachant que répondre à ce constat aussi acérée et froid qu'une lame de guillotine. Et elle détourna les yeux, comme désolée. Elle soupira.

-Je me disais…en fait…Que dans les films, tous les gens qui pensent aux morts, ils regardent des étoiles…Et ils se souviennent de conversation avec le mort sur le défunt qui les rendent heureux…

Lucas se remit du choc, ou plutôt esquiva la douloureuse constatation, pour se jeter sur le nouveau sujet :

-…Un stéréotype comme on dit !

Le visage d'Eléa se crispa, une minute, alors qu'elle avouait :

- J'ai jamais parlé des étoiles avec vous tous. J'y connais rien aux étoiles en fait.

Lucas haussa des épaules :

-Bah c'est pas une question de vie ou de mort, connaitre le nom des étoiles !

Mais il remarqua bien, que le sujet la tourmentait. Doucement, il inspira, et regarda un nuage passer, tandis que la brise les caressaient tout deux, soulevaient leurs mèches rebelles et les unissaient, sous une couverture paresseuse, un même sifflement, celui des herbes, de la montagnes, chantant de concert sous les ordres du mistral maestro.

-T'as pas besoin. Avoua Lucas avec un sourire, confiant. -On se souviendra de toi sans avoir à regarder les étoiles. –Ajouta-t-il. -On a pas besoin des étoiles pour nous souvenir de toi. T'es plus brillantes qu'elle ! On a pas besoin d'attendre la nuit pour te voir ! Tu es juste là !

Lucas plaça une main sur son cœur, et ricana :

-Et surtout là !

Il montra ses tempes qu'il cogna gentiment.

-Tous tes rires, toutes tes bêtises, on les conserve là ! Et crois-moi, ces souvenirs là, prennent une place bien plus importante dans ma tête que les noms des étoiles et des constellations !

Eléa pouffa, et siffla, émue :

- Don juan.

Lequel fit une révérence, fier de lui.

-Allez, je vais préparer Gallame pour que tu puisses te téléporter avec lui. Regarde bien le ciel sans étoile !

Il allait partir, quand une main le retint, et surprit, il la vit debout, timide.

-Je viens avec toi…J'aimerai dire au revoir à tout le monde.

Elle sourit, et sa pâleur, le frappa, ses immenses cernes, ses joues dépourvues de toute couleur, elle lui apparaissait si faible et fébrile, sous ce rayon de soleil. Telle une poupée, une faible poupée de porcelaine qu'il suffit de laisser tomber pour qu'elle se brise. Doucement, comme craignant de la casser, il passa un bras autour de son dos, et la mena jusqu'au chalet. Sans surprise, tous les attendait dans le salon, assis en rond.

Samantha se dépêcha de la rejoindre, et l'étreignit avec tendresse. Se détachant d'elle, elle 'l'observa, et la gorge serrée, elle murmura :

-Donc…c'est le moment des au revoirs…

Eléanore tressaillit, et ses lèvres s'étirèrent en une grimace :

-Bon sang que je déteste ça !

Les autres enfants ricanèrent. Samantha lui passa alors autour du cou, la clef USB remise la veille, le médaillon de Régis. Eléanore l'observa, la triturant du bout des doigts. Pensive. Derrière elle, Daniel ramassait le sac de la brunette, et après une seconde d'hésitation, y déposa malgré tout la pokéball d'Ash, plus celle de Bravery son Riolu. Il caressa les coques de métaux, et leur murmura de bien veiller sur sa petite amie, là-bas à l'hôpital, puis il referma le bagage. D'un pas, il rejoignit sa petite amie, et lui remit son bien.

Elle le serra contre elle faiblement, sans remarquer le changement, trop entourée, ou peut-être trop bouleversée. Il l'embrassa du bout des lèvres.

-Tu seras vite revenue tu vas voir ! L'encouragea-t-il.

D'un geste, il enleva son collier, celui où pendait une des boucles d'oreilles qu'avait un jour offert –par l'intermédiaire de Régis- Lyon à sa sœur –bien qu'il ignorait la vérité-. Il le donna à Eléa.

-Tient, tu vas le garder avec toi, et tu me le rendras à ton retour ! Sourit-il. –J'espère qu'il te portera bonheur.

Eléa vacilla, et le prit d'une main chancelante, incapable de bafouiller un mot, elle sourit. Lucas lui tapota alors le dos.

-Allez ! Deux trois coups de bistouris et tout ça ne sera plus qu'un mauvais souvenir, c'est d'abord toi, et ensuite, c'est le prof qui sera guéri, chacun son tour !

Yuki sursauta, et camoufla un rictus, touché par le fait que les gamins se souciaient de son sort à lui aussi.

-Allez, dernier câlin de groupe ! Clama alors Cristal en arrière fond.

Les quatre gamins obéirent, s'étreignant avec émotion. Soudain, un éclair de lumière rouge surgit de la ceinture de Lucas et les entoura tous, avec conviction. Hoshi le Milobellus, serrait ses anneaux autour d'eux, dans un gémissement plaintif. Les quatre enfants gémirent sous la prise, à la fois étonnés, et trop serrés. Ensemble, ils ricanèrent :

-Allons Hoshi ! Un peu de retenu !

Le Pokémon eau glapit, suppliant son dresseur du regard. Et les enfants soupirèrent.

-Allons, c'est pas comme si nous n'allions plus jamais nous revoir ! Relâche-nous ! Toi qui craignait pour les étoiles Eléa, regarde-le, Hoshi, avec une étoile pareille et aussi câline, aucun risque qu'on t'oublie ! Allez Hoshi, lâche-nous !

Le Pokémon obéit à contre-cœur à Lucas, et il se retira, honteux. Dans un glissement à peine perceptible, il s'éloigna, et s'enroula tristement sur lui-même. Observant pour la dernière fois, le groupe d'amis réunis dans un ultime adieu.

Il est des vies qui se côtoient des années, et d'autres qui se séparent. Le Destin propose bien des chemins, et il est rare de pouvoir les emprunter avec tous ceux qui ne sont chers. L'existence est faite de rencontre et de séparation. Ceux-là, sans le savoir, empruntaient aujourd'hui, tous une direction opposée. Plus jamais ils ne marcheraient côte à côté, à jamais opposés sans le vouloir. Leurs avenirs se construiraient sur des champs et des rives ennemies, chacun essayant simplement de survivre, au détriment des autres, sans jamais ne désirer son tort, tout en ne souhaitant que le bonheur de tous.

Il est des fois, où la vie, c'est simplement ça. Des chemins différents. Et l'on n'y peut rien. Car c'est peut-être cela grandir. C'est se séparer.

Une heure plus tard, après un dernier tour d'embrassade, Eléa saisit ses affaires, et la pokéball de Gallame. La voix amplifiée de Peter résonna alors dans tout le Qg :

« Tous les membres de Twiligth sont priés de se rendre sur la place principale, j'ai un message à faire passer très urgent. Prenez vos affaires et préparez-vous pour une mission. »

Tous levèrent le nez, comme pour entrapercevoir une vérité, dans l'air, puis ils haussèrent des épaules, pas plus éclairés. Doucement, ils firent un adieu de la main à Eléa, et s'en retournèrent, avec leurs propres bagages, pour se diriger vers la place principale.

Samantha alla chercher son sac, et juste avant de partir, elle enlaça son amie une dernière fois.

-A bientôt ! Après l'opération ! Promit-elle.

Eléa n'articula pas un mot, sa mâchoire grinça, et elle parvint à sourire, tout en hochant la tête. La pokéball de gallame se mit à luire, et dans un éclair de lumière, elle se téléporta.

Samantha resta pantelante dans le salon vide, quelques minutes, puis, sans un regard en arrière, elle partit.

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Silver marchait, en fin de file, silencieux. Il voyait le reste de la troupe, parler vivement à l'avant, guilleret, tâchant d'extrapoler les évènements de ce futur qui s'annonçait. Leur futur. Non le sien. Il baissa les yeux, embarrassé, et contempla le sol passant sous ses pas, tout en serrant les lanières de son sac à dos. Ses lèvres se pincèrent douloureusement.

Finalement, il n'avait pas pu dire au revoir à Eléanore avant qu'elle ne parte, il n'avait pas pu lui parler en tête à tête. Cet acte manqué le déboussolait : pourtant, il n'était pas du genre à se morfondre des heures. Néanmoins ; un il-ne-savait-trop quoi le turlupinait et l'obsédait dans cette histoire.

L'Exacte même sensation qui l'avait épris, lors de sa rencontre avec Samantha ? Un sentiment le taraudant sans cesse. La vérité lui paraissait danser sur le bout de sa langue sans vouloir se révéler. Tel une enchanteresse du désert dont les voiles s'enroulent et se déroulent, promettant merveilleuses courbes et oasis de fantasmes, sans le spectateur envoûté de s'y laisser emmener.

Sa mâchoire grinça d'exaspération.

La conversation entre Gabriel et Nathaniel d'à côté lui parvint alors, décousue, mais heurtant ses pensées avec autant de puissance qu'un ultralaser :

-Arrête de me suivre espèce de Stalker !
-Pas question, c'est amusant de trainer avec toi !
-Tu peux pas aller emmerder Daniel comme tu le fais depuis des jours !
-Je me suis lassé, ça m'énerve plus, j'veux te taquiner sur ton cauchemar ! Tu as des réactions très intéressantes en plus !
-Ah ouais ? Puisque c'est ça, tu peux être sûr que je vais manger jusqu'à ne plus pouvoir, comme ça je ne ferai plus jamais de cauchemar et tu me lâcheras mes pompes !
-Oh, mais qui te dit que c'est l'estomac vide qui te cause des cauchemars ! Si ça se trouve l'estomac plein fait tout autant de mal !

Un doute s'immisça dans le crâne de Silver, et alors que le cadet kazamatsuri accélérait l'allure pour semer son père, Silver lui, s'avança vers Cristal et lui tapota le dos.

-Quoi ?

De toute évidence, Cristal –à l'instar du Pokémon exécré, ironie du sort- ruminait toujours le fait qu'Eléa l'avait devancée en amour. Le rouquin hésita une seconde, avisant Gold, qui bien qu'il jouait avec Capumain avec Sam, risquait tout de même de l'entendre. Il serra les poings, déglutit, et finalement, profitant du fait que le singe mauve saute sur son ancien dresseur, lança :

-Dit, quand on va subir une grande opération…On ne doit pas manger hein ?

Cristal fronça les sourcils, mais hocha du chef :

-Bah oui tu sais bien qu'on doit pas manger 12 heures avant tu te souviens pas quand on était petit et en voyage quand…

Mais Silver ne lui laissa pas le temps de conter un souvenir qu'il connaissait par cœur. Il s'en doutait ! Il le savait ! Il tourna des talons.

-Hey, mais qu'est-ce que tu fais !? S'étonna Cris, les yeux ronds.
-J'dois vérifier un truc, je reviens ! Hurla Silver en revenant sur leurs pas, direction vers le chalet.

Mais contrairement à sa cadette, qui gonfla la joue tout en grommelant un « Et l'merci c'est pour les écrémeuh ?! », Gold, lui, avisa la fuite de son ancien rival avec anxiété. Sans même réfléchir très loin, il saisit le poignet de Daniel.

Le kazamatsuri se tourna vers lui, avec une mine étonné, et le brun lui fit un « Chut, suis-moi » avant de l'entraîner à la poursuite du rouquin.

Silver, lui, plus en avance, avait le cœur qui battait la chamade, il ne sentait même pas les cahots de son sac sur son dos, malmené par la course. Les pensées s'embrouillant sous son crâne, les constats, les réminiscences. Comment avait-il pu occulter si facilement l'attitude si étrange d'Eléanore les derniers jours ! Il avait pourtant remarqué que quelque chose clochait ! Maintenant il en avait le cœur net. Il était sûr et certain de l'avoir vu manger ce matin, au petit déjeuner. Hors, qui plus qu'Eléanore, connaissait la procédure en cas d'opération, après le nombre d'interventions qu'elle avait du subir : elle ne pouvait ignorer la règle du jeun. Ce qui signifiait…

Silver déglutit en ouvrant la porte du chalet à la volée.

Ce qui signifiait qu'Eléa n'avait jamais eu l'intention de se faire opérer.

Et comme pour confirmer ses craintes, dans le salon, Eléanore réapparut, aux côtés d'un gallame, dans une auréole lumineuse. D'abord, elle sembla flotter, plus légère que l'air, et s'écrasa lourdement sur le parquet, comme vidée de toutes ses forces. Haletante, elle rappela le Pokémon que lui prêtait Lucas, et posa la ball sur la table basse, restant ainsi allongée, épuisée, quelques minutes. Ce ne fut que quand elle releva la tête, le souffle de nouveau régulier, pâle, que son regard croisa celui de Silver, et s'écarquilla.

Silver imagina sans aide le regard noir qu'il posait sur elle, ces prunelles aux nuages d'orages et aux stries d'argent. Aussi impitoyable que son amertume. Ainsi, il avait vu juste : elle avait menti. Elle leur avait menti.

-Qu'est-ce que tu fais encore là ?

Son ton abrupte secoua l'atmosphère, et il crut la discerner, vaciller. Eléanore avala sa salive, comme peinant à prononcer quelques mots, et se releva, les jambes tremblotantes. Mais son état de faiblesse apparente, son épuisement, elle ne permit pas plus longtemps au rouquin de le constater. Rapidement elle afficha son habituelle mine sûre et fière.

-Quel parano tu fais…J'ai oublié de faire un truc important, donc je suis revenue.
-Qu'est-ce que t'as oublié ?

Il ne lui laissa aucun répit, les doutes, la désillusion, la crainte peut-être aussi, de la perdre, de la voir sombrer dans ses mensonges, parlèrent pour lui.

Pourtant, Eléa haussa les épaules, imperturbable, et se dirigea vers le vidéophone, pour y placer une pokéball, ornée d'une lettre.

-J'ai oublié d'envoyer à ceux que j'ai désigné pour les garder, mes deux derniers Pokémons.

Silver tituba, quand l'éclair de lumière de transporteur auxiliaire à l'appareil avala la première sphère. Il ne put reprendre ses esprits que quand un second grésillement se fit entendre et qu'une autre balle disparut, emportée vers son destinataire.

-Qu'est-ce que t'as ?

Il avait compris qu'il ne pourrait guère pousser la gamine à se dévoiler par la ruse, aussi, oublia-t-il tout jeu, et choisit la carte de la franchise. Ce que son interlocutrice, refusa.

-Moi ? Rien. Répondit Eléanore, avec un air d'ange d'innocence et son sourire lumineux, telle une auréole.

Mais le rouquin refusa d'être dupe : il l'avait été bien trop souvent dans sa vie. Il s'avança décidé vers elle, quittant le hall pour s'aventurer dans le salon, et se planter devant elle. Droit, essayant de se grandir plus qu'il ne l'était pour la supplanter, s'imposer à elle.

-Ne me ment pas, je vois bien que…

Eléa siffla, et son souffle rauque racla sa gorge avec ironie :

-Tu es mal placé pour empêcher les autres de mentir, tu le fais tout le temps.

Elle marquait un point.

Silver ne le remarqua pas, mais la porte de l'entrée s'ouvrit doucement, pour laisser pénétrer à leur tour Gold et Daniel, étonnés de voir qui conversaient là, deux personnes censées être ailleurs. Le kazamatsuri esquissa un mouvement pour aller parler à sa petite amie, mais le Heart l'arrêta, tremblant, les yeux rivés sur les deux protagonistes. Chancelant de doutes et de craintes inavouées. Daniel fit la moue, ne comprenant pas le jeu du brun, et alors qu'il regardait sa petite amie converser avec un autre, il perçut son sourire. Un sourire malheureux, qui ne s'adressait qu'à eux, ces spectateurs auquel le rouquin tournait le dos, ignorant de tout.



-Tu vois tu recommences ! S'indigna alors le frère de Samantha en la pointant ostensiblement du doigt.
-Quoi ? Fit Eléa en réponse outrée.
-Ce sourire ! Celui que tu sers quand tu veux faire façade !

Le doigt de Silver effleura de bien trop près la joue de la gamine, et Gold frissonna. Eléanore fronça les sourcils, et aboya, abrupte :

-Ravale la ta façade : moi au moins je souris !
-Mais tu es aussi franche que moi ! S'entêta le fils de Giovanni, écarlate.
-Tu veux que je te dise quoi ? Qu'on fait la paire comme ça ?! Finit par s'exclamer la gamine excédée.

Les deux spectateurs muets tressaillirent, et l'aîné en serra les poings.

Pourtant, Eléa continua, plaquant ses mains sur ses hanches, elle entama :

-Je ne vois pas quoi te dire, de toute façon. Je vais bien, je n'ai rien ! Je vais bientôt guérir, et vivre ma vie ! Et toi tu vas retourner dans ta solitude, pour ne jamais souffrir. Tout le monde fait des choix.

Silver se figea, une seconde, et les mots li échappèrent:

-Je ne veux pas…
-Soit honnête avec toi-même, une fois dans ta vie, Silver.

Et sur le coup, Silver sut, que son regard furieux, grondant d'un orage lointain, n'était rien comparé aux prunelles perçantes d'Eléa, lisant jusqu'au plus profond de son âme

-Je…Balbutia-t-il, perdant le fil de la conversation.

Eléanore soupira, comme exaspérée.

-Décidément, je ne vous comprends pas, tous, toi et ta sœur, vous êtes tous si compliqués. C'est si dur de dire la vérité, ce qu'on a sur le cœur ! Tu crois sincèrement que les mots vont te tuer sitôt sortis ?

-Et toi alors ! S'offusqua l'ex voleur, écarlate de voir son point faible, son in affinité avec le vocabulaire, si sévèrement soulignée.

Mais à sa réplique, Eléa secoua de la tête, presque avec tendresse, son regard se transforma briller d'une lueur étrange, douloureuse. Sa voix se brisa.

-Moi je suis forte, je sais ce qu'il faut que je dise, et ce qu'il ne faut pas. Moi je sais encaisser, j'ai passé ma vie à ça. Je n'ai pas peur de la douleur. Moi je suis en paix avec moi-même. Je ne regrette rien. Je partirai sans regret.

Alors, les gestes dépassèrent ses propos, à son incapacité de s'affirmer dans le dialogue, Silver se vit avec horreur plaquer Eléanore contre le mur. Vivement. Brusquement. Comme naturellement, sa main avait attrapé son col, avait soulevée ce petit corps frêle de plusieurs centimètres au dessus du sol, et l'avait envoyé, purement et simplement, dos au mur : là où elle ne pourrait plus fuir ses accusations. La colère ascendant en lui, grimpa d'autant plus, quand il croisa le regard, impassible, de la jeune fille, pourtant piégée sous sa prise.

Daniel fut arrêté par Gold, alors qu'il s'apprêtait à se jeter au secours de sa petite amie.

Il aurait été si simple de la briser, songea-t-Silver avec horreur. Elle ne pesait guère plus de 45 kilos, elle était en sous-poids, ses ors paraissaient craquer à la moindre pression qu'il exerçait sur elle, et pourtant elle le contemplait. Elle le regardait sans peur ou même doute. Lui, le fils d'un monstre. Croyait-elle sincèrement, qu'il ne lui causerait pas le moindre heurt ? Lui-même n'était pas certain de ce dont il était capable.

-Tu as peur Silver ?

La voix d'Eléanore, sonna comme une mélodie à ses oreilles, un chant provocateur.

Il s'appuya un peu plus, concentra son poids sur elle, son coude s'enfonçant dans sa poitrine, sans se soucier du diaphragme écrasé, sans se soucier des pieds battant l'air, incapable de trouver le sol, ni même du gémissement douloureux qui échappa à la jeune fille. Tout ce qui importa, tout ce qui supplanta cette raillerie résonnant en lui, ce fut son propre cri, si peu convaincant :

-Je n'ai pas peur !

Eléa reprit contenance, et elle envoya une œillade de biais à son opposant. Le regard toujours brillant, elle leva le nez et le toisa, avec défi.

-Si. Tu as peur, de quelque chose. Tu as peur. Tu as peur de ce que tu peux me faire ! Tu as peur de tes sentiments. Tu as peur de trop de choses justement ! Dis-le Silver, allez. Soit un homme ! Avoue tes faiblesses parce que sinon, elles t'écraseront bien plus sûrement que ce que tu m'infliges là !

La pression augmenta, et Silver serra la mâchoire, ses dents grincèrent.

Ils tremblèrent, tous imperceptiblement, Daniel, retenu à grand mal, malgré le capumain comme Geôlier en plus d'un Gold terrorisé par la tournure des évènements, Silver par ce qu'il pouvait infliger, et Eléa quand la phrase vibra, implacable dans l'air, glaciale :

-Tu n'es pas forte Eléa, c'est ce que tu te répètes, mais tu fuis autant que moi, tu es aussi compliquée que nous tous. Tu…Fuis, et tu nous caches des choses. Là tu fuis : Tu changes de sujet ! Tu n'as pas à être forte Eléanore !
-Et toi, dois-tu l'être ? Je ne cache pas plus que toi. Je ne vois pas pourquoi je me confierai à quelqu'un envers qui ce n'est pas réciproque.

L'aplomb de la jeune fille pourtant à sa merci, fit détourner les yeux de honte Silver, perdant, cherchant vainement en lui une solution pour la faire parler. Mais le petit être se débattant sous son emprise, continua de plus belle, grave et cruelle :

-Tu as peur. Tu as peur et c'est pour ça que tu détournes les yeux. T'es qu'un trouillard. Silver. Moi je sais affronter la vérité en face.
-Tu n'as aucune idée de..Siffla-t-il.
-De ce que tu ressens ? Le coupa-t-elle.- C'est vrai, je n'en ai aucune idée. Mais je suis pas la seule, si tu dis rien, personne ne le saura jamais ! Et rien ne changera ! Rien n'ira mieux ! Tu continueras de fuir, et au final, tu auras encore plus mal que si tu te lançais ! C'est de la couardise pure et simple. Et c'est un une attitude de fillette que j'exècre, par-dessus-tout !

Elle planta ses ongles dans les bras qui la retenaient prisonnière, et Silver tressaillit, tant la poigne qu'elle lui opposait frémissait de faiblesse.

-Toi tu as encore une chance, tu as encore un avenir, alors pourquoi tu ne te lances pas ? Tu crois quoi ? Que le temps te donnera raison ?! Mais parfois le temps ne fait rien, il contemple en silence et il te vole le bonheur qu'il t'a fait entrevoir c'est tout !

Silver frissonna, et ce frisson lui remonta l'échine pour lui hérissa la nuque, glaciale. Une goutte échoua sur son bras, salée, piquante, amère. Et il leva les yeux, le cœur gonflé, se perçant douloureusement à la vue d'une Eléanore tremblante, retenant ses larmes :

-Que feras-tu quand ton bonheur à toi sera pris ? Que feras-tu ce jour là quand tu devras dire adieu à tous tes projets, à tout ce à quoi tu aspirais ? Tu t'en voudras, parce que t'es resté paralysé comme une gamine pleurnicheuse, hanté par un souvenir auquel tu ne peux rien changer ! Si tu ne te lances pas l'espoir te tuera ! …Si tu ne te lances pas, si tu n'essayes même pas d'attraper ce qui est à ta porté…Je ne te le pardonnerai jamais Silver ! Toi tu en as la possibilité ! Toi tu peux le faire ! Moi je suis…Moi…

La prise de Silver se détendit, et lentement, il la laissa retomber sur le plancher. Mais elle resta accrochée à son bras, sanglotant des pleurs invisibles, cherchant ses mots. Alors, elle leva les yeux vers lui, et la frimousse ravagée de larmes indiscernables, mais si suintante de souffrance, imprégnant chaque trait, chaque cil, sourcil, échardes luisantes dans ses prunelles… Elle lui envoya un pauvre sourire qui ne parvenait à tromper personne. Ni lui, ni elle. Personne.

-Moi je suis qu'une fille faible et fragile comme tu le dis…J'essaye juste de faire les bons choix pour ne rien regretter.

Une image fugace traversa l'esprit de Silver, les contours flous et pourtant débordant de tendresse et de peine de sa mère. Et là, en cet instant précis, devant les ravages qu'il venait de causer, devant la dévastation, devant sa victime involontaire de son humeur, de sa peur et ses doutes : une certitude émergea du chao.

Doucement, il se pencha vers Eléanore et d'un revers de pouce, il essuya un sillon sec, de ce qu'il imaginait être des larmes, absentes, mais pourtant si présentes, qu'elles creusaient plus efficacement de l'acide les marques de ses secrets. Celles qu'il les avait tracées, révélées, bien involontairement. Puis, naturellement, il plaqua ses lèvres contre les siennes.

Il n'avait jamais apprécié ce genre de contact, pourtant, malgré qu'il y retrouvât le gout de sel de son enfance, l'effluve des larmes, la douce résistance du refus, du rejet, l'amertume du sang, un ronronnement de contentement lui échappa.

Si jamais il était capable du moindre amour, s'il pouvait apprécier une femme de toute son âme, , alors, il désirait, il souhaitait de chaque fibre de son être que ce soit celle-ci. Cette femme forte qui jamais ne tomberait comme sa mère. Cette fillette à la fois candide et ferme, cette voix qui le guidait, sans jugement et préjugés : par simple compassion et gentillesse. Cette femme encore enfant, Cet enfant déjà femme. Dans tous ses paradoxes, tous ses défauts, toutes ses qualités. Celle-là toute entière.

Oui, si Arcéus existait, alors il ne pouvait pas lui interdire d'aimer une femme pareille.

Et il serra de nouveau sa prise autour d'elle, il s'y accrocha désespérément, essayant de chasser la sensation humide et dérangeante, essayant de refouler le souvenir bien plus doux, aux essences de merveilles, de son rêve. Il s'y tint, de toutes ses forces, jusqu'à ce que l'illusion se disloque.

Parce que ce n'était qu'un contact. Un simple effleurement mouillé, où ils s'étaient cherchés, où il avait espéré, et où ils ne s'étaient pas trouvés. Le ronronnement vrombit au creux de son ventre, déçu, tandis qu'il se détachait d'elle lentement. Il ferma les yeux, s'imprégnant de toute la flagrance du petit corps dans ses bras, mémorisant de son arôme jusqu'à la texture de sa peau, de son essence même, puis lui fit ses adieux.

A cette femme qu'il aurait tant souhaitée aimer comme elle le méritait. Comme une femme à part entière, et non pas comme la meilleure amie de sa sœur, comme le spectre fugace de la mère qu'il avait perdu. Elle n'était qu'illusion, incarnation de ce qu'il recherchait, elle endossait pourtant tout ce qu'il recherchait, et désirait, et cependant rien ne se produisait. L'alchimie ne répondait pas présente. Peut-être, justement, parce qu'elle demeurait trop. Trop haut pour lui, trop compréhensive. Trop inaccessible. Trop simple et trop complexe. Trop femme.

Un bruit de casse le tira de ses conclusions : il sursauta.

Eléanore l'observa, le regard luisant, furieux, dans ses bras, rebelle et lui cracha, essuyant ses lèvres avec colère :

-Alors quoi ça y est tu as compris ?

Et alors, Silver fit volte-face.

Gold se tenait encore, près de l'entrée, le vase fourre-tout jonchant à ses pieds, la table derrière lui renversée. Pâle, frémissant, il le fixait, lui, tel un fantôme. Daniel aussi se tenait là, inerte, comme pétrifié.

Le cœur de Silver se tordit douloureusement. Sans même une hésitation, il se détacha d'Eléanore, et fit un pas en direction du brun.

Mais à peine esquissa-t-il le mouvement, que Gold recula. Et brusquement, dans un élan de fureur, le brun envoya son poing dans le mur. Le choc résonna dans la paroi, bien moins ébranlée que son agresseur, mais il sembla à Silver que l'onde de souffrance se répercutait tout en lui. Et quand Gold leva la tête vers lui, quand ses prunelles mordorées embrumées de peine croisèrent celles déboussolée de Silver, il sut.

Silver possédait les attributs de la nuit, l'astre nocturne se reflétait dans ses pupilles de milles étoiles, et tout adorateur qu'il était, Gold, fervent serviteur aux prunelles solaires, ne pourrait jamais, jamais s'y lier. Il venait de le comprendre. Le crépuscule fameux prophète de cette réunion tragique, ne leur permettait que de brefs instants d'étreintes, qui n'engendraient que 'une douleur suintante d'un sang écarlate. Le pus pouvait être les nuages, les étoiles les larmes, toutes les comparaisons et métaphores pouvaient prendre place, la réalité restait intact et inéluctable, tout comme la peine, la fatalité : le soleil et la lune se pourchassent, sans jamais se retrouver. La lune se donnerait aux étoiles, et le soleil aux nuages, opposées entités, inéluctables amants séparés.

Alors, Gold, blessé, insupporté par ce destin tant honni, fuit. Il bouscula un Daniel emporté dans la tourmente, et la porte claqua, pour laisser place à l'orage, à l'argenté désemparé de Silver. La lune l'avait emporté, dans l'échange, l'unique baiser éclipse entre Silver et Eléa, la lune avait achevé le soleil.

Silver resta, ébranlé, sans comprendre, pétrifié par la scène, jusqu'à ce qu'un cri dans son dos lui transperce le ventre, trop débordant de vérité :

-T'attend quoi ! GROUILLE-TOI RATTRAPE-LE !

Silver lança une œillade par-dessus son épaule, et il vit la fillette, toujours occupée à laver ses lèvres, pointer la sortie du doigt, tyranniquement :

-Ce n'est pas moi que tu veux embrasser comme ça Silver !

Abasourdi, choqué, il obéit à son instinct, à cet ordre autoritaire digne de l'héritière des Sarl et il s'encourut à la poursuite du brun, oubliant toutes les raisons de sa venue, toute logique, tout autre propos. Un seul obsédait son esprit pour le moment : Gold. Il se l'avouait enfin.

La porte claqua une seconde fois, et alors, comme la nature le gouvernait, le silence reprit ses droit, l'accalmie s'annonça après l'orage.

Daniel s'approcha d'Eléanore, qui se tassa légèrement, intimidée. Et brusquement, il l'enlaça, fortement, désespérément. L'adolescente écarquilla des prunelles, étonnée par tant de tendresse et surtout, de spontanéité, de volonté dans cette étreinte.

-Danny… ? Balbutia-t-elle.

Le gamin rougit, et il se détacha, presque aussitôt, embarrassé. Dérangé, se grattant la joue, il détourna les yeux et déclara, penaud :

-E-excuse moi, j'ai agis…Un réflexe je ne voulais pas…

Il voulut reculer, mais Eléanore lui attrapa la main, et le retint auprès d'elle, avec un sourire triste. Compatissant, Daniel essuya les dernières larmes qui coulaient sur son menton, mais ses doigts tremblaient, et il se mordit la lèvre inférieure.

-T-u as le temps toi aussi…Maintenant tu as le temps Eléa. Lâcha-t-il après avoir pris son courage à deux mains et inspiré un grand coup.
-Je…je sais. Bafouilla Eléa, blanche. –M-mais…je ne voulais pas…laisser en plan ces deux là…Ils m'énervaient à se chercher…A continuer à se nier, à avancer sans se trouver alors que ce dont ils avaient besoin…Est juste devant eux. Ca m'insupportait, d'imaginer qu'ils allaient…Se rater, comme ça, stupidement. Tu m'en veux pas ?
-Tu ne pouvais pas prévoir qu'il ferait ça. C'est pour ça que tu es revenue ?

Elle se tût ; et enlaça son petit ami en silence, grelottante. Daniel répondit à la demande, à la supplique muette, et savoura, ce qui serait, leur dernier contact.

-Tu as l'air très faible…N'utilises pas ton pouvoir avant l'opération, hein…Je ne crois pas…
-Oui, si j'utilise mon pouvoir une fois de trop, je vais y rester. Confirma gravement Eléa dans le creux de ses bras.

Danny resserra son étreinte, et il se félicita, d'avoir placé Ash et Bravery dans le sac de son amie, pour que les vaillants Pokémons la gardent durant son absence.

-Danny…Je peux te demander une chose ?

Le garçon opina du chef mécaniquement, essayant de concentrer tout son être, sur son seul trésor, qui lui appartenait tout entièrement en cet instant, celui qu'il tenait si près de son cœur battant.

-Embrasse-moi. Je partirai avec ton odeur sur les lèvres, et ensuite, rejoins les autres, sans revenir, et trouve le bonheur.

Daniel sourit, et doucement, il obtempéra, quand il rompit le baiser, il remit en place une mèche de cheveux d'Eléa et lui murmura sensuellement :

-Je vais rejoindre les autres. Mais mon bonheur, je l'ai déjà.

Il colla son front contre le sien, et acheva dans un soupir, les yeux clos :

-Il est juste là.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Une main empoigna la sienne avec violence, pour le tirer en arrière. Là, au milieu du chemin, Gold vacilla, son élan renversé, il manqua de chuter en arrière sous la prise de Silver. Il tituba, et d'un mouvement de pivot, reprit son équilibre pour repousser le rouquin d'un mouvement sec. Capumain sur son dos l'imita, et Silver recula, lâchant son ami.

-POURQUOI TU ME SUIS ! Rugit-il à l'adresse de son poursuivant.

Le fils de Giovanni, le souffle saccadé, tressaillit, comme réalisant ce fait, en même temps que lui, et il balbutia :

-Je…

Silver esquissa un mouvement vers lui, la paume tendue, comme pour chercher à l'effleurer, à le caresser, le consoler.

L'agacement, l'exaspération, la déception, tous ces sentiments explosèrent dans le cœur de Gold sans commune mesure, et le brun explosa avant même de lui laisser le temps de s'expliquer :

-Alors quoi MAINTENANT tu veux bien qu'on se touche c'est ça ?

L'ex-voleur flancha, devant le regard sévère, caniculaire de son rival, et la lune gravita une seconde, à la recherche d'un rayon, de la lumière, avant de se baisser, péniblement. A quoi pensait-il au juste ? Se réprimanda-t-il, lui-même. Gold était un homme, quand bien même il venait de réaliser, d'accepter pleinement son désir, ses sentiments à son égard : il n'en demeurait pas moins lui, mâle. Silver réalisa avec amertume, que ce qu'il souhaitait en cet instant, lui-même, ne l'aurait jamais accordé à un autre homme sans se débattre.
Pourquoi lui avait-il courut après, alors, si ce n'était que pour subir un refus cuisant et une nouvelle plaie !

Et comme pour répondre à ses craintes muettes, Gold enchaîna, rouge de colère :

-Maintenant que mosieur a trouvé une fille, il veut bien redevenir ami avec moi c'est ça ? Mais je suis pas d'accord ! Je ne suis pas UN SECOND CHOIX !

Les mots s'emberlificotèrent, vides de sens, incompréhensibles aux oreilles de Silver, qui scruta, chercha de l'aide à ses pieds, dans l'herbe, désemparé. Mais tout ce qu'il y dénicha, fut son amour-propre, son orgueil, piqué à vif, brûlé au deuxième degré par le brasier d'un amour, trop compliqué.

- Je… mais enfin qu'est-ce qui te prends de réagir comme ça ? C'est pas la mort merde !

Il s'affaiblit, et détourna, les yeux, en ajoutant, plus rauque, plus faible :

-C'est même normal pour un garçon d'embrasser une fille.

Sauf que normalement, les hommes étaient censés apprécier ce contact.

La réparti mit le feu aux poudres, et le brun bondit, les muscles tendus, révulsés :

-Ce qui me prend ? Répéta-t-il. -Ah ce qui me prend ?!

Il ricana, nerveusement, méchamment, un rire que Silver ne lui avait jamais entendu. Un rire fait pour blesser, pour se poser en supérieur, un rire qui se voulait cruel, qui se plaçait ostensiblement au dessus de lui et le raillait. Un rire qui ne désirait que blesser autant que les paroles qui le meurtrissait.

Gold ouvrit les bras, comme pour se poser en victime, en innocent, et siffla :

-Mais qu'est-ce que tu fous, vas-y, va t'expliquer, avec le petit ami d'Eléa ! Ce sera comique ! J'ai été con d'y croire…De…

Silver vacilla, déboussolé par l'attitude de son rival, par le flu et reflux des accusations qui ne lui laissaient aucun répit, ou de sa réparti incapable de lui relancer la réplique en cet instant. Désemparé, il saisit son coude, nerveusement, et marmonna :

-Mais enfin bon sang, tu comprends tout de travers…

Il n'arrivait pas…A…A saisir le sens réel de son acte envers Eléanore. Il devait…Il devait savoir, si les sensations qui l'oppressait en sa présence, suintait de désir, ou tout simplement de mélancolie. Il avait su. Il avait essayé, comme l'avait sous-entendu Cristal, et il avait su. Les évènements, l'atmosphère, la pression, tout l'avait écrasé, et il avait cédé, s'enivrant de l'acte, mais regrettant ce qui en découlait. Un geste inconsidéré, irréfléchi, et surtout, l'absence de normalité, de ce qu'il avait espéré.

Néanmoins Gold, rétorqua, Indigné, se pointant du doigt et s'étranglant presque :

-Moi je comprends tout de travers ? C'est toi, qui avait les lèvres collées aux siennes ! Sur une fille ! Sur Eléa !

Il le désigna du doigt et répéta, furieux, comme si c'était bien la dernière personne qu'il était possible d'embrasser :

-ELEA !

La meilleure amie de sa sœur ! La petite amie de Danny ! L'agonisante, la mourante, la garçon manquée, l'autoritaire, l'irritable, l'aventureuse, l'adorable tyran !

Cette fois, s'en fut trop pour Silver, peut-être, à cause de l'insulte envers la jeune femme qu'il aurait voulu aimer, ou peut-être à cause de l'agacement s'agençant, s'empilant en lui et menaçant dangereusement de déborder.

- Tu peux me laisser m'expliquer deux minutes ? j'avais besoin de savoir…Elle se comportait bizarrement depuis…Et en plus, je…

Il se tût, et observa Gold penaud, qui se s'affaissa, en laissant échapper un sanglot et une grosse larme.

-Alors t'as pensé que l'embrasser ça arrangerait les choses peut être ?

La vision bouleversa Silver, qui sentit ses entrailles se tordre, son souffle s'écraser sous le poids de la culpabilité. Ces larmes-là, cette peine là, en était-il vraiment responsable ? Il peinait à croire, que son rival, si imbattable –bien qu'il ne le reconnaitrait jamais face à lui- si fort, puisse se briser devant lui, abandonner toute retenue et apparence.

-N- Non, c'est juste…venu comme ça…Et…Pour savoir...Balbutia-t-il désemparé, se perdant dans ses propres explications, tant l'image d'un Gold effondré lui vrillait le crâne et lui aveuglait les prunelles.

Alors, sans raison, aux pleurs, se mêlèrent de nouveau la rage, et le brun hurla :

-Tu veux savoir ? TU VEUX SAVOIR ?

Et les prunelles solaires défièrent la lune.

-Bah tu vas savoir merde ! Promirent-elles.

Violemment, Silver se fit colleter en avant et une masse chaude lui mordit plus que ne lui toucha, les lèvres. Un frisson, tel un choc électrique lui traversa le corps entier et tous ses muscles eurent un sursaut, se bandèrent. Et avec ce spasme, un flash, lumineux, l'aveugla de réminiscences, et cette fois, il trembla d'effroi. Avant même qu'il ne le réalise complètement, son poing s'était déjà levé, et partait en direction de Gold.

Le coup partit, siffla, et heurta la joue sans une once de pitié. Le brun tomba en arrière, mais il ceintura son adversaire, pour l'emporter dans sa chute. Le monde devint sens dessus dessous. L'herbe envahit tout leur paysage, puis le ciel s'imposa, ils roulèrent, roulèrent, sans même saisir quelle force, celle de la gravité, ou de leur bataille, les envoyait vers l'abysse et dans un dernier heurt, la joûte s'acheva.

Silver plaqua Gold contre le sol, victorieux. Ses réflexes de voleur bien supérieurs aux capacités sportives du brun. Le fils de Giovanni, le visage fermé, impassible leva instinctivement le poing, prêt à achever son adversaire, quand il retrouva ses esprits.

Son sang cessa de couler et sa frimousse se décomposa.

Le brun arborait une lourde marque rougeoyante sur la joue, et son nez, plutôt amoché, commença à saigner : C'était Gold qu'il s'apprêtait à blesser. Le gold qu'in connaissait depuis des années ! Et il venait…Il venait…

Il venait de faire exactement ce que son père avait fait subir à sa mère.

Son poing se relâcha, les doigts tremblants à la simple idée de réitérer son geste, le sang glacé dans ses veines.

Non, il n'était pas comme ça, il ne pouvait pas…Il ne pouvait pas.

Silver gémit, fermant les yeux, incapable de supporter cette possibilité, déjà advenue.

Pourquoi le brun avait-il fait ça ? Pourquoi l'avait-il attaqué comme ça ?! Qu'est-ce qu'il espérait lui prouver, qu'imposer un baiser à une personne comme il l'avait fait était stupide ? Douloureux ? C'était uen sorte de punition ? De mise en garde pour lui rappeler ce qu'il était ? Le fils d'un tyran voué à devenir exactement comme lui ?

Sa gorge s'englua de mots impossibles à sortir.

Pourtant, Gold, défait, respirant par à-coup, encore fébrile de la bataille, ricana, provocateur. Le timbre laborieux, comme étouffé par le rejet et les larmes, mais surtout par le poids de son rival qui lui écrasait le ventre. Cette insupportable proximité.

- Alors quoi ? T'ose plus ? Si tu frappes pas, je continuerai, je continuerai jusqu'à ce que tu comprennes !

Silver rouvrit les yeux et le fixa, se mordant la lèvre, incapable malgré les railleries de recommencer.

Il avait toujours craint ce geste répugnant, au gout de sang et de larmes, mais il avait naïvement cru qu'avec Eléa, puis avec Gold, les sensations seraient différées. Il avait tort. Apparemment, il avait sans cesse tort, ces derniers temps.

Gold eut un sourire désespéré, et à la fois furieux. Furieux qu'il ne saisisse pas, furieux qu'il lui fasse subir cette humiliation, qu'il lui inflige une telle douleur déchirant sa poitrine de part en part. Alors, la plaie s'ouvrit, suppura, et il cracha de toutes ses forces, de toute son âme, de toute sa patience et ses espoirs déçus :

-Je t'aime merde, je t'aime depuis 4 ans !

Silver écarquilla des yeux.

Et pendant une seconde, tout changea. Son sang ne fut pas glacé d'horreur. Ses muscles n'étaient pas figés d'interdits.

Mais Gold ne lui permit pas d'intégrer ses paroles un peu plus en profondeur, ni même de réagir, il lui attrapa de nouveau le visage et l'embrassa. Encore. Il plissa les yeux jusqu'à s'en fendre les paupières et s'éprit pleinement de ce contact.

Parce que si c'était là l'écueil de ses sentiments, si c'était la fin de son amour, de leur amitié, alors il voulait goûter à ce qu'il n'aurait jamais. Une fois, Deux fois, autant de fois qu'il le pourrait puisque son cœur devrait vivre avec ce gouffre béant, puisque jamais il n'y accèderait de son plein grès.

Il sentit Silver se raidir sous sa prise. Il en profita pour le basculer en arrière et se placer en position de force. Alors, là, il se redressa, peut-être pour toiser le visage décomposé de Silver, peut-être pour lui envoyer une œillade moqueuse, ou simplement pour voir ce qu'il n'aurait jamais.

Et là, tout au fond de son être, les mises en gardes de Chris et Angie refluèrent.

Silver se tenait tremblant sous son empris, les prunelles écarquillés, ce n'était ni de l'étonnement qu'il lisait dans ses prunelles d'argent, ni du dégoût, ou même de l'amour. C'était juste l'effroi. L'effroi le plus total.

« Il faut y aller doucement ! Il a toujours subit la violence laissez lui du temps et de la tendresse pour une fois ! »

Un frisson remonta l'échine du brun, alors que les réminescences affluaient, insidieuses, menaçantes, et forte, contrairement aux murmures apeuré qu'il avait un jour réussi à lui arracher, pour qu'il lui conte ce qu'avait été sa vie, avant lui.

Il se remémorait encore de sa main glacées, s'agrippant à la sienne avec désespoir, alors qu'ils descendaient dans le gouffre, l'ignoble souterrain qui avait été l'abysse de toutes ses terreurs, celles qu'il avait cru abandonné à jamais, et dans lesquelles on l'avait forcé à replonger ; la tête la première.

Alors, comme un coup de poignard, il réalisa, pleinement son erreur.

« Mais qu'est-ce que tu as fait ? »

-Silver je…Bredouilla-t-il, penaud, tendant la main vers son ancien rival.

Il n'aurait peut-être jamais du faire ce geste.

-NE ME TOUCHEZ PAS !

En même temps que le coup, le feu embrasa sa tempe cette fois, pour la deuxième fois. Il s'écrasa au sol, et son souffle se coupa, courbaturé, il gémit, et leva les yeux vers son agresseur. Mais Silver s'était déjà relevé, le surplombant de toute sa hauteur. Un bras levé dressé en barrage entre quiconque et ses lèvres, son visage blême, secoué de soubresauts.

Alors, Gold vit Silver vaciller, ses prunelles s'embuer, et le hurlement lui déchira le cœur bien plus que les tympans :

-T'es vraiment trop con !

Le rouquin s'enfuit. L'abandonnant, lui. Seul, seul avec ses remords, si lourds, que le brun se laissa tomber dans l'herbe, les bras ballants, terrassé.

Le ciel si bleu en ce zénith, se couvrit alors de buée, avant de sombrer dans les ténèbres. Gold plaqua son coude contre son regard emplis de larmes, et la mâchoire serrée, le gosier encombré, il siffla.

-Merde.

Sa voix dérailla, faible, et un hoquet le secoua, alors que désemparé, il goûtait à la solitude que lui avait couté son empressement, à son geste inconsidéré, trop violent et irrespectueux. Pourquoi n'avait-il pas écouté les conseils de Chris et Angie ? Pourquoi avait-il été si pressé ? Pourquoi n'avait-il pas pensé au passé du roux ? Pourquoi n'avait-il pas réussi à se contrôler comme ses dernières années ?! Maintenant tout était fini. Il n'aurait jamais le Silver amant qu'il espérait, et le rival, l'ami, venait d'être annihilé. Il n'y aurait plus jamais rien.

-Merde…

Sa respiration se saccada, et il sut, que malgré son bras plaqué sur son visage, les larmes roulaient sur ses joues, à la vu et la su de tous.

-Merde…Merde…MERDE !

Il n'était qu'un idiot.
Un idiot amoureux.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Gabriel essayait vaguement de faire des ronds, espérant semer son père, il avait vu chaque membre de twilight rappeler leurs Pokémons et prendre leurs sacs, à l'annonce de la mission, mais lui, lui…Il tournait en rond pour éviter son père. Cela en devenait pathétique. Ce type n'avait donc rien d'autre à faire de sa foutue vie que de lui pourrir la sienne (autrement plus importante).

-Tu peux pas me lâcher ? Aller emmerder Daniel, ou je sais pas moi Barbara ! N'importe qui ! S'écria-t-il finalement, révolté, en apercevant la cascade, pour la sixième fois.

Nathaniel ricana.

-Je veux bien moi, mais ton frère a disparu de la foule ! Il a du comprendre qu'il n'était pas en état pour une autre mission. Et maintenant c'est à ton tour de le comprendre !

Gabby maudit Daniel intérieurement pour lui avoir refilé ce boulet au pied en ayant pris la poudre d'escampette, et il roula des yeux, excédés. Quand tout à coup, il entendit dans son dos :

-Oh j'ai retrouvé ton frère !

Le cadet fit volte-face pour voir un Daniel, courant à moitié pour rattraper les autres membres se regroupant dans l'avenue principale.

-Apparemment il n'a pas compris ! je vais le noyer ! Ou lui rappeler qu'il doit rester…Couché…Ricana Nathaniel, sadiquement.

Gabriel n'avait aucune raison de se retourner, pour observer la cascade, il aurait put, suivre des yeux son aîné, se faire trainer par son géniteur par la peau du cou, pour retourner au chalet. Il aurait put en profiter pour s'enfuir, il aurait put simplement rétorquer une phrase acide grâce à sa répartie. Gabriel avait de nombreux choix, en cet instant, mais il décida, par agacement, de faire volte-face en soupirant, les mains dans les poches. Et ses prunelles disparates se posèrent sur la cascade.

Ce mouvement si anodin scella leurs destinées. Comme parfois de petits gestes peuvent tout résumer : la vie d'une simple respiration, la mort d'une simple main se détendant dans une dernière étreinte, et un simple regard ce qui n'aurait jamais du être. Fatalité, Destin, Hasard, qui peut répondre de ces ironiques choix ?

Personne n'aurait du voir Eléanore, au loin, marcher vers la cascade et disparaître dans une enclave. Personne. Mais Gabriel le vit. Et cette simple scène provoqua une réaction en chaîne, qu'il aurait probablement été moins douloureux de ne jamais subir, quand bien même le résultat aurait été l'exacte réplique de la précédente option.

Pourtant, le mal était fait, et Gabriel entraperçut Eléanore, la petite amie de son frère censée se trouver à l'hôpital à Irisia, à l'instant même, disparaître entre un rideau d'eau et une falaise suintante

Le génie plissa les yeux, et les frotta une seconde hagard, avant de froncer les sourcils. Suspicieux.

-Papa ?

Nathaniel se redressa, et d'une voix fluette, moqueuse, il envoya :

-Ouiiiii chériiiiiie ?
-Qu'est-ce qu'il y a derrière la cascade ?
-Tu sais j'ai tendance à dire que quand on veut voir ce qu'il y a derrière quelque chose, il suffit d'aller voir par soi-même.

Gabriel hocha inconsciemment du chef, et d'un pas décidé, il suivit le pas d'Eléa, trouva un petit quart d'heure plus tard, un passage continuellement trempé par les eaux, et un escalier tortueux grimpant vers des sommets aux éclats luminescents sous ce ciel liquide. Sans hésitation, une main sur le rebord pour éviter de glisser, il s'y aventura, son père sifflant d'admiration, à ses talons. Et pour une fois, il n'y prêta même pas attention.

Ce qu'ils ignoraient, c'est que Silver, revenu sur ses pas verrait non seulement ce que Gabriel avait vu, Eléa, mais également eux s'engageant dans ce boyau, pour les rejoindre à son tour ; telle une ombre.

Une ombre, qui serait bien incapable de supporter la lumière qui éclairerait les secrets de Twilight.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Elle ignorait quoi dire, en vérité, assise sur un tas sommaire de pierre, elle se taisait, les mots coulant dans sa gorge comme du béton. A ses côtés, ce qu'elle était venue à considérer comme ses meilleurs amis, paraissaient mornes, ils fixaient sans y croire la cave où s'était engouffré, blanc Peter, tout en leur demandant d'attendre Eléanore, ici.

Marion soupira, la tête dans ses mains, pensive.

-Qu'est-ce que vous-vous feriez, vous, si c'était votre dernier jour sur terre ? Balbutia alors Marc, mal à l'aise.

Cynthia haussa des épaules, et croisa les bras :

-Je suppose que j'irai dans un édifice historique. Un grand, un beau. Et j'irais mourir près des écrits totalement fascinants sur lesquels se fondent notre histoire.

Son regard brilla, comme d'impatience et d'envie, et l'héritier de la Devon, ricana. Cette réponse semblait évidente coulant de la bouche de Cynthia. Ce qu'ils ignoraient tous, c'était que, mourir aux côtés des écrits des grands, procurait à Cynthia, la douce illusion que son existence aurait marqué, été d'une quelconque importance, elle ne demandait pas de place dans un livre d'histoire pourtant, mais elle souhaitait simplement, de croire –même à tort- qu'elle avait compté, au moins une fois, pour une personne, pour une époque, pour n'importe quoi. Elle désirait juste, oublier le fait, qu'elle était seule, dans ses derniers instants.

-Moi, je crois que je ferai une interview et que je dirai tout ce que je pense de ce système pourri à ces journalistes véreux ! Je mourrai comme un gay anarchiste, mais paisible ! Ou alors j'irais mourir dans une mine, près des cailloux, comme cynthia. Déclara-t-il, songeur.
-Je crois que j'irai voir un de ces magnifiques concours, comme celui qui avait opposé la petite Aurore à la déterminée Flora ! Ajouta Marc.

Les regards obliquèrent dans sa direction, et Marion flancha. Elle détestait parler ainsi de la mort, naïvement, elle préférait la considérer comme lointaine. Pourtant, devant les expressions des plus grands maîtres de leur histoire, elle comprit, qu'ils avaient besoin de cette réponse. De cet avis, comme elle, avait ce besoin viscéral de considérer cette fin à une telle distance qu'elle, qu'elle ne l'atteindrait jamais. Peut-être, en nécessitaient-ils, pour amoindrir leurs pêchés.

Elle eut un rictus malheureux, et observa ses pieds, traçant des cercles du bout des orteils, dans la roche de cette corniche, ce petit îlot de paix, flottant entre le temps et l'espace. Hors de celui-ci, hors de la fatalité, hors de l'inéluctable.

-Je crois…Avoua-t-elle…

Son gosier se serra. Elle songea à la réaction de Peter quand elle lui avait avoué son état, sa grossesse ; à l'étreinte muette qu'il lui avait offerte, sans explication, sans contestation, ou sans bénédiction.

-Je crois que je ferai mes adieux à tous mes proches, sans qu'ils ne le comprennent. Je crois, que j'essaierai, soit de me faire aimer d'eux, soit de m'en faire détester…Pour qu'ils lâchent prise. Je relâcherai mes Pokémons…je rangerai mon appartement…Pour que toutes mes affaires, ma vie soit mise en ordre, avant le grand départ.

Elle sourit, difficilement, et haussa des épaules, l'image de ses parents –adoptifs- et de Lucas lui piquant les yeux.

-C'est loin d'être aussi grandiose que vos derniers jours hein…

Mais ses amis ne se moquèrent pas, le regard dans le vague, ils hochèrent gravement du chef, les lèvres pincées.

-Non. Je crois que ça suffit. De juste faire ça.
-Il n'y a pas besoin de grand-chose de plus.
-Oui, du moment que l'on part en paix…

Steven s'étira, penaud, et il fit quelques pas, sur la corniche, comme tourmenté par les mots de Marion, quand soudain, son pokénav se mit à sonner dans sa poche. L'héritier sursauta, et fronça les sourcils :

-Merde on est pas censé être dans une zone tu sais genre…Pause ? Pas de téléphone, pas de Pokémon ! Rien le vide interstellaire ?
-Tu as dépassé la limite de la zone, expliqua calmement Cynthia en pointant une ligne gravée dans la roche, à ses pieds.

Steven roula des yeux, et d'un geste exaspéré, il décrocha son pokénav, se fustigeant lui-même pour avoir quitté son « refuge spirituel loin du stress de la société qui n'arrête pas de faire vibrer son téléphone et lui voler du sucre ».

La voix hautement stridente d'une journaliste envoya alors sans même détour, au creux de sa main :

« Monsieur Pierre Steven Rochard, vous avez des déclarations à faire sur la mort si brusque de votre père ce matin ? »

Et Steven vira au blanc. Fébrile, il scruta ses amis, comme s'il s'agissait d'une farce orchestrée par l'un d'eux, mais ne rencontrant que des visages identiques aux siens, pétrifiés, il secoua fébrilement du chef et balbutia :

-P-Pardon ?

La voix nasillarde répéta :

-Mes condoléances. Vous avez des remarques à nous faire sur la mort de votre père ? Qui va reprendre l'entreprise ?

Cette fois, Steven passa une main dans ses cheveux, ouvrit la bouche, et tenta de proférer un son, mais seul un grognement étouffé lui échappa. Sa paume redescendit jusqu'à sa bouche, passant sur son front, ses yeux, son nez, comme pour en effacer son expression catastrophée, la balayer. Mais rien n'y fit. Perdu, il scruta le paysage, ne sachant même pas ce qu'il tâchait d'y déceler lui-même. Alors, l'excuse sonna :

-Excusez-moi.

Il appuya sur le bouton du pokénav et la journaliste ne put plus que converser avec la tonalité. Steven fit ensuite, trébuchant, volte-face et s'engagea dans l'escalier, pour le descendre quatre marches par quatre. Blême. Marc tressaillit, et il se lança à sa poursuite en envoyant à la va-vite :

-Occupez-vous d'Eléanore, je vais avec lui. Désolé.

Les deux disparurent, et avant même que Marion et Cynthia ne puissent proférer une seule protestation, Eléanore se hissa jusqu'à elle, et désigna le passage d'un doigt nonchalant :

-Qu'est-ce qui leur arrive ?

Mais la gamine n'obtint pas de réponse. Marion s'approcha d'elle et s'accroupit à son niveau, pour plonger son regard –brillant de larmes- dans celui las d'Eléanore.

-Tu es certaine de ta décision… ?

La gamine lui renvoya une œillade blasée, que Marion ne parvint pas à soutenir. Elle posa simplement une main sur l'épaule de la petite, et soupira :

-Bon…Et bien suis-moi alors…On monte, dans les ruines du temple, là où Eléanora a invoqué Arcéus…
-Si le processus ne fonctionne pas, que veux-tu faire ? Lança alors Cynthia de but en blanc, le visage fermé, ses yeux gris acier ne reflétant aucune émotion superflue.
-Si le processus foire, je serai morte, pour chanter il faut bien déployer une sorte d'énergie de gijinka ?
-D'après les écrits, mais c'était parce qu'Eléanora n'avait probablement pas de prédecesseur, et a donc du trouver un chant pour appeler Arcéus.

Eléanore se tût, la frimousse impassible, semblable à la championne de Sinnoh. Tellement détaché de son propre sort, qu'il en terrifia Marion. Etait-il seulement possible d'avoir si peu de considération en sa vie ? En la vie d'autrui ? Ou réagissait-elle ainsi, à cause de la vie grandissant en elle. D'un autre côté, n'était pas tout comme elle… ? Marion reconsidéra sa position avec froideur, ce petit qui évoluait dans son ventre : elle n'hésiterait pas à l'éradiquer, si Peter ne le désirait pas. Elle n'était pas de celle qui imposait un enfant à son conjoint, bien entendu elle souhaitait vivre l'aventure d'être mère, mais avec Peter, ensemble.

-Faites ce que vous voulez de mon corps si ça rate…Jetez-le quelque part, dans l'océan ou un truc, que ça nourrisse au moins des gens.

Marion déglutit, un haut le cœur lui remontant dans la gorge. Elle se raidit, courbée sous les images qui avaient hanté tous les cauchemars de sa petite enfance.

-Dites, je peux aller…là où repose le cœur d'Eléanora…Avant ?

Cynthia se retourna vers Eléanore, et posa une main sur l'épaule de Marion, tremblante.

Elle ne désirait pas qu'une enfant meure pour la cause, elle ne souhaitait aucun sacrifice, mais si ce n'était pas Eléanore, alors c'était Peter, et si personne ne se donnait, alors c'était le monde qui paierait. N'y avait-il pas d'autres solutions ? N'y en avait-il jamais une qui ne s'achève pas dans un bain de sang ?

Sa main s'égara sur son ventre, et elle se crispa. En un sens, n'était-elle pas une meurtrière également, elle qui était prête à se séparer de cette vie toute neuve, si Peter n'était pas prêt à l'accepter ? Ne sacrifiait-elle pas aussi un enfant innocent au nom de son futur ? N'avait-elle pas tout autant de sang sur les mains ? Elle ne savait plus, pourquoi l'avortement qu'elle avait toujours approuvé, changeait-il à ce point, maintenant…Maintenant qu'elle était concernée ? Maintenant qu'une gamine s'apprêtait à envoyer sa vie en l'air, une vie, qu'avait désiré et chéri une mère, bien des mois avant qu'elle ne commence à penser ?

-Bien sûr que tu peux aller voir Eléanora. Tu sais où c'est. Peter est dans la grotte, il te montrera un chemin pour nous rejoindre dans les ruines. Prend ton temps, nous t'attendrons en haut. Sourit tendrement cynthia.

Eléanore hocha simplement du chef, avant de s'engouffrer dans la cave, sans se retourner.

Et le bras de Cynthia força Marion à l'imiter, et monter une à une les marches de l'escalier vers le temple. La blonde leva les yeux vers son aînée, désemparée.

-C-Comment tu fais… ? Comment tu fais pour supporter ça ?

Cynthia eut un rictus désolé, mélancolique, et elle l'observa, tandis qu'elle gravissait jusqu'au sommet.

-Peut-être…Parce que je me dis qu'on ne sait pas ce qui découlera réellement de l'appel à Arcéus.

Elle ferma les yeux.

-Après tout, nous n'avons aucune certitude de ce qui est advenu à l'âme d'Eléanora, peut-être a-t-elle rejoint le cycle des réincarnations, peut-être est-elle toujours présente…Je sais que l'âme, ce qui contient les souvenirs, est différent de l'esprit, qui contient le savoir, les automatismes, et tous les deux disparaissent lorsque le corps pourrit…Mais tout est tellement flou dans les écrits, et l'esprit d'Eléanora est resté, puisque son corps chante, nous transmet son chant…Alors je me dit…Je me dis que peut-être, nous ne tuerons pas Peter.

Marion tressaillit imperceptiblement. D'un mouvement lent, elle dévisagea son aînée sans comprendre.

-Je suis désolée Marion. Tu connais Peter, il n'écoute rien, et surtout, préfèrerait mourir plutôt que de sacrifier un enfant.

La cousine de Lucas eut un mouvement de recul, mais Cynthia lui saisit le bras.

-Il a déjà pris le poison à Trax, et Eléanore sera assommée avant de pouvoir chanter. Je dois aller la chercher après le sacrifice et la confier à Régis pour qu'il l'opère.

Elle eut une mine triste.

-Normalement il devait te le demander à toi, mais c'était trop cruel d'après lui de te faire subir ça, surtout vu ta situation. Il te souhaite tout le bonheur du monde, et comprendrait, que tu ne veuilles pas garder son enfant après ce qu'il te fait subir, mais, il veut que tu saches qu'il l'aurait adoré, et que c'est pour lui offrir, un monde où vivre qu'il fait ça.

Marion réalisa avec horreur qu'elle se trouvait hors de la limite qui lui assurait protection contre toute altération d'état. Tout se déroula en une seconde, Cynthia sortit une pokéball, mais Marion fut plus prompte, Mormartik s'éleva contre la championne de Sinnoh.

-ONDE FOLIE !

Le Pokémon leva ses bras, et sa peau de soie et de grêle oscilla dans l'air sous une aura noirâtre. Et la blonde tituba dangereusement avant de s'effondrer. Marion recula, admirant cynthia déboulé le long des marches, sur plusieurs mètres, la sphère de son Carchakrok encore dans sa paume. Soudain, la championne s'arrêta, inconsciente.

La peur panique inonda Marion à mesure qu'elle saisissait le drame qui se jouait. D'un pas rapide elle se précipita vers sa doyenne, et tâta le pouls. Elle semblait toujours vivante, mais il fallait l'emmener à l'hôpital…Et…

Elle scruta le paysage, sans trouver du secours, et les minutes qu'elle passa à chercher, se répercutèrent dangereusement en elle. Sa momartik se pencha vers elle.

Chaque seconde qu'elle passait ici…c'était celle de moins pour Peter.

Brusquement, Son Pokémon pointa une alcôve dans le sens de la descente, visible uniquement par ceux qui quittait les lieux, vu l'inclinaison de la falaise. Son cœur et son cerveau semblèrent s'arrêter, et son sang se glaça dans ses veines, alors qu'une pensée la traversait :

« Juste une seconde. »

Elle n'avait pas besoin de longtemps, elle devait juste monter et arrêter Peter. Puis elle reviendrait, ou quelqu'un d'autre la verrait, n'importe qui.

« Juste une seconde. »

Se répéta-t-elle, alors que le corps flasque de Cynthia reposait dans ses bras. Après tout, la championne n'avait-elle pas caché à tout le monde les plans du chef, n'était-il pas normal…Normal…

Normal que quoi ?

Elle voulait juste une seconde, une seconde de silence pour peser le pour et le contre, pour réfléchir. Une seconde de sa vie qui ne serait pas un pas de plus vers une fatalité.

Juste une seconde de paix. Une seconde que personne n'aurait jamais. Car le temps est compté, quelque soit la situation, quelque soit l'individu. La vie est compté, les choix sont pressés, et irréversibles. Une seconde de paix, cela n'existait pas. Chaque seconde se perdait et Rien ne se gagnait.

Une envie irrépressible de pleurer lui stria la poitrine, et alors, que la bile lui remontait la trachée, elle fit un choix. Un choix, qui lui ferait franchir la ligne qu'elle avait toujours tâchée de côtoyer sans jamais la dépasser. Un seul et unique choix. Et elle s'aventura trop loin, pour revenir en arrière.
Elle franchit la limite, mais en y réfléchissant, ne l'avait-elle pas déjà dépassée depuis longtemps, à l'instar de celle, gravée dans la pierre du Mont Argent… ?

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Samantha souriait de toutes ses dents, enjouée, elle serra les bretelles de son sac avec excitation et enthousiasme.

Makanie à côté, entre Aaron, et Lucio, semblait moins de son avis, et tripatouillait sa montre, comme essayant d'appeler ses meilleurs amis, en vain. D'ailleurs la plupart des gens autour d'elle, conservaient un certain scepticisme, et ne participaient pas à l'engouement de la brunette. Sûrement appréhendaient-ils, cette mission qui demandait à tous les membres présents du QG d'intervenir.

Daniel arriva, légèrement essoufflé, dans son dos, et salua Cristal, en demandant ce qu'il avait loupé. Il ne manquait que peu de monde, Silver, Gold Gabriel et Nathaniel semblaient s'être perdus en chemin. Elle ne voyait pas Trax également. Mais sinon, même Chris et Angie babillaient sur l'avenue principale avec Lucas.

Finalement, Yuki, sûrement étonné de la voir de si bonne humeur, juste avant une demande de l'organisation « maudite » comme il aimait l'appeler, lui sourit tout en demandant ;

-Qu'est-ce qui t'arrive Sam ?

Samantha ricana, et avoua de but en blanc :

-J'ai fait un rêve cette nuit.

Prémonitoire, elle s'en persuadait. Tout y était si clair et détaillé, qu'il ne pouvait en être autrement. Akira arqua un sourcil.

-Ah oui ? Un si beau rêve ?

Samantha hocha la tête, sur un petit nuage.

-Oui. J'ai rêvé, qu'on se retrouvait tous un dimanche après midi, pour déjeuner.
-Tous ? Répéta le professeur.

Sam hocha de la tête, repensant aux visages de son songe, mais il lui sembla croiser celui de Yoann dans la liste, et elle estima que sa vision avait du s'estomper avec le temps. Cela n'en amoindrit pas ses certitudes et sa joie.

-Oui, tout le monde. Silver, Gold…Daniel, Lucas…Eléanore ! On était même dans la maison de Daniel, ils avaient dressés de grandes tables dehors !

Elle mima grâce à ses bras, une longueur qu'elle voulait souligner comme immenses, assez pour accueillir chaque ami.

-Ah oui ? Et qu'est-ce qu'il y avait de si bien dans un déjeuner un dimanche.
-Nous étions grands ! Je veux dire, vraiment…vraiment plus grands. Et Eléanore avait des enfants, 4, tous des garçons, un qui s'appelait Eliel, et qu'elle surnommait petit con même…Parce qu'il avait la même tête que Gabriel…Et il y avait tellement d'autres enfants…Celesta, Flynn.

Elle sourit, et compta sur ses doigts, essayant de se remémorer les traits de chaque petit, et de les lier à ceux de ses amis, pour découvrir leurs parents respectifs. Elle sourit, repensant, à deux petits, une fillette et un bambin, dont la pâleur et les cheveux noirs, alliés à un regard d'argent bleus, ne lui laissait aucun doute sur la génitrice. Elle ricana. Rouge.

Yuki en revanche grimaça. Mais elle ne lui prêta pas attention.

-J'ai rêvé, d'une super après-midi, tous ensemble, juste à parler du bon vieux temps, de nos voyages, de Twilight. Même si je n'ai pas réussi à comprendre vraiment ce que faisait Daniel comme travail…Mais Eléanore menait la vie dure à ses employés à la Sarl, et elle continuait les combats Pokémons. Ash lui a même ramené un de ses fils, qui avait l'air totalement mal luné, et qui s'était aventuré trop profond dans la forêt.

Elle rigola à nouveau.

-Et à la fin du rêve, les flics venaient nous arrêter parce qu'on faisait trop de bruit pour les voisins ! Et les flics, nous disaient « Bon, vous connaissez le chemin, c'est comme ça chaque 1er dimanche du mois vous pourriez économiser notre temps en allant directement faire votre fête en cellule ! »

Elle se tourna vers Yuki, et guillerette elle annonça :

-Dans mon rêve, c'était tout le temps comme ça ! Comme aujourd'hui, juste des rires et des sourires. Et je suis sûre…Je suis sûre que c'est un bon présage.

Akira resta inerte, pas une expression ne se peignit sur son visage, mais il soupira, et tourna le dos à son élève. Observant sans le voir le lointain.

-Tu sais Sam…

L'enfant adoptive des Joëlle, ne lui prêta qu'une oreille, encore toute prise dans les souvenirs de son songe, n'ayant qu'une hâte, le revivre, en personne, le décrypter pour en découvrir tous les secrets. Il soupira.

-Ce n'est pas ton genre pourtant, de croire à ce genre de prémonitions…

Samantha se tourna dans une pirouette et lui offrit un sourire lumineux, haussant innocemment des épaules :

-Oui mais cette fois, ce pressentiment là…Je le sens bien ! Tu sais quoi, dans mon rêve, Silver était avocat…Et il était IMMONDE !
-Il ne l'est pas déjà ? Intervint Cristal.

Samantha rigola, mais elle dut s'arrêter quand elle vit la cadette Heart s'approcher dangereusement d'une tasse de café qu'un membre de l'organisation lui tendait pour patienter. Oh-oh. Pourvu qu'elle ne fasse équipe avec personne. Cristal avec du café…Elle ne voulait même pas se remémorer ce que ça avait donné la dernière fois, tout comme Daniel, certaines personnes devaient se tenir éloigner de ce breuvage, ou tout du moins être mis en quarantaine dans ces moments là.

Elle fut tirée de ses réflexions, par un toussotement, au dessus de son épaule. Elle tourna la tête vers Akira, et fronça les sourcils. Cristal fut arrêtée dans son geste par Chris et Angie, sauveurs de l'humanité.

-Un problème ?

Akira secoua la tête et chassa toutes les préoccupations médicales du plat de la main.

-Non. C'est juste que…

Il se mordit la lèvre.

-Tu sais, pour les risques de l'opération, n'est-ce pas ? Tu es consciente que…

La jeune Joëlle ne lui permit pas de continuer.

-Je sais. Mais ça ne va pas arriver. J'ai un plan, et…

Akira se tût, bien conscient que, malgré tout ce que disait la principale concernée, élaborer des plans n'étaient pas son point fort. A la place, il lui permit de rêver, d'espérer, et se massa les tempes. L'esprit au plus bas, priant intérieurement, plaçant sa foi, en la force et la volonté de vivre d'Eléanore. Et l'espace d'une seconde, l'image de la gamine brisée, ces trois dernières années, dont chaque inspiration était une victoire, lui arracha un rictus.

Qui, pouvait réellement briser cette puissance, capable de surmonter résignation, douleur, et même fatigue ?

Alors, l'espace d'une seconde, il crut, lui aussi, en la vision de Sam. Il crut, Il crut naïvement que la gamine qu'il connaissait, était prête à endurer encore des années de souffrances pour rester auprès d'eux. Il crut, qu'elle sourirait toujours ainsi, et que jamais elle ne ploierait face à l'effort.

Mais peut-être, que cette fois, Eléa en avait assez. Peut-être que cette fois, c'était trop lui demander. Peut-être, que l'espoir déçu, l'avait déjà tuée il y avait de ça des années. Il ne le saurait jamais exactement, où se situait son erreur. Peut-être, comme il le rappelait ce matin là à Eléanore, il désirait trop être heureux. Et enfermé dans son bonheur, il avait omis de voir qu'il manquait cruellement à celle à qui il voulait le montrer.

Après tout, tout homme est égoïste, et chaque personne à ses côtés en cet instant, ne faisait exception à la règle. Il est humain d'être égoïste, il est humain de faire des erreurs, il est humain de ne pas comprendre parfaitement ce qui l'entoure. Il est humain de mourir.

Et tous, ici, restaient immanquablement humains.

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Eléanore observa fixement la femme pétrifiée dans son éternel chant, sous sa cloche de cristal, à ses pieds. Caressant du bout des doigts les médaillons de Daniel et elle, les anciennes boucles d'oreilles reconverties en pendentifs. Ses deux trésors, gisant sur le sol, abandonnés, et qui le resteraient, ici, dans ce linceul, tout comme Eléanora. Tout comme elle. Peut-être, en un sens, les jugeait-elle digne d'être son épitaphe, son cercueil, sa croix. Car elle en avait assez de les porter, à bout de bras, ses épaules, son cou, n'étaient plus assez forts pour les soutenir. Soutenir le poids de son choix ? De la trahison, de la mort ? Elle l'ignorait. Elle savait juste, qu'elle ne pouvait plus.

Peut-être, Eléanora, également, avait senti, intégré ce sentiment froid de résignation, peut-être, elle aussi, avait-elle franchi le point de non retour, il y avait de ça un millénaire.

Eléa eut un rictus ironique, et secoua la tête. Non.

Cette jeune inconnue, étendue, là, inerte, avec sa parure pure, sa large toge immaculée, son vêtements d'apparat se mélangeant avec ses boucles blanches aux reflets vénitiens d'antan, accentuant la pâleur de marbre de la mort, et les grandes iris céruléennes, à jamais figée, sans expression. Elle la fixa longuement.

La dresseuse d'Ash eut un pauvre sourire, et elle s'accroupit lentement, pour soutenir cette vision, pour toiser ce cadavre avec plus de profondeur. Un pouffement sarcastique lui échappa, tandis que son cœur se compressa douloureusement.

-Tu t'étais vraiment faite belle, pour rencontrer Arcéus et le supplier de t'aider, hein, Eléanora ?

Miyu derrière elle, baissa la tête, sans prononcer un seul mot quand sa porteuse serra convulsivement des poings. Sa prunelle d'émeraude rivée sur les cieux opaques qu'étaient devenus ceux de la martyre. Elle déployait déjà, ses dernières ressources, elle faisait déjà appel aux pouvoirs qui la tueraient. Et le pire ? C'est qu'elle n'en avait cure. Tout ce qui importait, c'était cette silhouette de victime du destin, face à elle.

-Qu'est-ce que tu crois au juste ? On porte le même prénom, mais on n'a rien en commun.

Le corps ne cilla pas, et Eléanore ricana nerveusement.

-T'as plus rien à me dire, hein ? Pourtant t'étais plus bavarde, la dernière fois.

Elle déglutit difficilement, ravalant un cri, un sanglot étouffé, bien décidée à ne verser aucune larme face à l'ennemi, et comme une hymne, une conviction qu'elle désirait affirmer, se convaincre elle-même, elle siffla :

-Non, je suis pas comme toi.

Elle fronça les sourcils et ses lèvres s'étirèrent en une grimace, puis en un sourire sarcastique, observant sans les voir, ses propres membres, ses jambes immobiles, ses mains serrant dramatiquement son pantalon. Et ces immenses tâches noires rongeant, léchant à présent dans un nuancier de mauves et de pourpres, toute la surface de sa peau. Ces marques maudites, même si elles avaient commencé à s'estomper, à s'éclaircir, elles remontaient presque jusqu'à sa poitrine, telles les serres acérées d'une prédateur. Il lui semblait que toute sa vie, elle n'avait été qu'une pauvre proie tentant tout ce qu'il avait, dans une dernière course effrénée.

-Je connais mes limites. Souffla-t-elle, une résignation inhabituelle teintant, brisant son timbre, enraillé, épuisé. –Je sais, que si je vais sur la table d'opération, là, je ne survivrai pas. Comme tu l'as prédit, je succomberai là-dessus, le 15 mai de mes 16 ans. Et même si tu avais tort, je ne serai jamais vraiment guérie ! Tout recommencera à nouveau, encore et encore, j'aurais à nouveau du mal à marcher…Même respirer me demandera tant d'efforts. J'en ai assez, assez de puiser des forces, de trouvers des ressources que je n'ai plus. J'en ai assez de mettre toute ma volonté dans la bataille perdue d'avance, alors qu'elle désire juste m'emmener près de ceux que j'aime…J'en ai assez, je suis fatigué de croire, alors qu'il ne se passera rien. J'en ai assez de l'espoir, et j'en ai assez du désespoir également…

Miyu frémit imperceptiblement et il dévisagea sa porteuse, de dos, avec tristesse.

-Mais…Je ne suis pas comme toi. On ne m'enfermera jamais dans un système de devoir, de destin. C'est mal me connaître, de croire que je vais stupidement me laisser porter, parce qu'une idiote fille qui s'est sacrifiée pour le monde m'a dit que j'allais crever à telle date. Je partirai pas perdante comme ça.

Eléanore se recroquevilla légèrement, et ravala une larme, un hurlement de détresse, de rancune, de fureur. Pas contre la femme face à elle, bien incapable de ressentir quoi que ce soit, y compris de la pitié. Non, elle se battait contre sa propre impuissance, ses propres faiblesses, contre son corps trop fragile, incapable de lutter davantage, de continuer plus loin le combat. Malgré sa volonté, malgré ses efforts. Qu'il était ironique, que la chose même que l'on croit contrôler, ce qui devrait être de plus manipulable, de plus gérable, notre propre chaire, trahisse si impudemment, tombe en morceau malgré la fermeté de l'esprit.

-Tu as pensé à quoi, toi, juste avant de chanter ? Juste avant de te sacrifier ?

Pas de réponse, et Eléa leva la tête, contemplant la voute sous-terraine, aux zébrures minérales, aux reflets argentés des cristaux parasitant les colonnes soutenant le ciel de ce paysage caverneux. La jeune femme rit simplement, rauquement, et le poids de son dernier rire, lui encombra le gosier, lui saisit la respiration.

-Parce que là, je pense qu'à une chose. A tous mes amis, que je vais laisser derrière moi, à mes pokémons, tous les rêves, les travaux inachevés que je vais abandonner…Que je m'étais interdit de construire, et que j'ai quand même esquissé, si naïvement !

Elle se crispa et sa mâchoire se serra avec amertume.

-Et d'un seul coup, l'idée de leur faire ça, de me sacrifier, me semble bien dérisoire. Parce que ça aura beau être pour eux, pour qu'ils puissent vivre dans un monde en paix, je n'y serai pas, je n'y gouterai pas. Et ça, c'est franchement pas juste.

L'émeraude du regard d'Eléanore se perdit dans l'infini. Dans le souvenir fugace de Sunny pleurant Yoann dans les bras de son frère, à ses sanglots se répercutant dans son cœur avec la véracité, la violence d'un coup de poignard.

-Non, c'est juste pour personne.

Les traits défigurés par la peine, par la douleur, peignaient dans son imagination ceux de ses amis, de Sam, de Daniel, Régis…

- C'est même fichtrement égoïste et lâche. Et Je suis là, à me dire qu'ils me pleureront, alors que peut être, ils seront bien contents de se débarrasser de moi ! Plaisanta-t-elle faussement.

« Ne dit pas ça, Eléa… » La réprimanda miyu malheureux.

-C'est vrai pourtant. Moi…Si un de mes amis faisaient ce coup là, je lui balancerai mon poing dans la figure. Je chercherai un autre moyen, un moyen pour sauver le monde, et mon ami. Et je lui en voudrai, je lui en voudrai d'essayer de se sacrifier, sans lutter, sans chercher à survivre, à fuir comme ça, en m'abandonnant, alors qu'il ne verra même pas les dégâts que causeront sa mort pour moi.

« Eléa… »Marmonna Miyu sans conviction, incapable de la contredire.

-Pourtant…Je ne vois aucune autre solution. J'ai beau me creuser la cervelle, je ne trouve rien d'autre, je suis idiote, c'est tout, et du coup j'en viens à faire ce geste idiot, à jouer les héroïnes stupides des mauvais romans, qui en plus sont suicidaires.

Ses lèvres se tordirent.

-Alors que moi, tout ce que j'ai toujours voulu, c'est vivre le plus longtemps possible.

Elle regarda de nouveau Eléanora, alitée, entre les ossements de ses proches, atemporelle, d'une beauté immatérielle, les années glissant sur elle sans l'effleurer.

-Pourtant, je ne regrette rien. Etrangement. J'ai l'impression d'étouffer, d'être une immonde garce, qui va faire un coup tordu à mes amis. Mais si c'était à refaire, je les rencontrerai à nouveau, je les aimerai à nouveau, et je les trahirai à nouveau.

Elle passa une main sur ses lèvres, et la laissa glisser le long de sa gorge jusqu'à son cœur gravement, avant de froncer, de se tendre comme un arc, les flammes de sa détermination illuminant ses prunelles d'une nouvelle vigueur.

-Parce que ce sont mes amis, et que j'ai confiance en eux. Contrairement à toi Eléanora. Je sais qu'ils pourront se relever. Je sais qu'ils surmonteront la peine. Et je sais qu'ils me survivront, qu'ils continueront mes rêves, mes œuvres, qu'ils lutteront jusqu'au bout, pour nos idéaux. Je n'ai aucune confiance en Arcéus, mais en eux, si. Ils savent ce que je veux, ce que j'espère, et je sais qu'ils veilleront à son accomplissement.

Elle secoua la tête brutalement, ses poings crispés, comme pour en chasser les idées noires. Miyu serra les poings.

- Je ne suis pas bête au point de croire qu'ils créeront un monde parfait. Je sais bien que ça n'existe pas, et ça n'existera jamais. Dans un monde parfait, je ne serai jamais réduite à ce geste. Mais je sais qu'eux, ils parviendront à trouver un compromis, je sais qu'eux, ils réussiront au moins à préserver le peu de bonheur qui est accordé. Mais si je me sacrifie, en un sens, c'est pour vivre. Vivre à travers eux, je ne fais que leur donner la force d'avancer, de me surpasser, d'aller plus loin que je ne pourrais jamais le faire seule ! Ils me porteront, trouveront un sens à ma mort ainsi !

Elle reporta son regard flamboyant, toisant Eléanora et lâcha froidement :

-Je te l'ai dit, je suis pas comme toi. Grinça-t-elle, tout son être tremblant.

Elle pinça fortement ses vêtements ; courants, usuels, ceux qu'elle arborait chaque jour. Son timbre grinça de détermination douloureuse. Elle, même dans la mort, elle ne s'arrêterait pas comme ça, elle ne serait pas une poupée docile, piégée dans la chaire et le cristal, parce que ses convictions s'incarneraient en ces amis, en le monde, parce que, depuis toujours, son esprit avait toujours été plus puissant que son corps, plus important. Elle ne se débarrassait que du superflu. Elle ne faisait que vaincre.

- Moi…Je refuse de me faire belle pour accueillir celui qui va me tuer.

Elle se releva sans encombre, et se remit sur ses jambes, avant de tourner des talons, ajoutant seulement à l'adresse de la jeune femme inerte :

-Dieu est un salaud, décidément. Il fait pas son boulot, et c'est à nous de réparer les pots cassés. C'est à croire qu'il a crée ce monde, un peu mal foutu, et l'a laissé en plan comme un gamin désabusé. Il mériterait une bonne correction.

Et dans la chambre de Cristal abandonnée, sous la coque de cristal, sous les deux fines lamelles mordorées, oubliées, qui avaient unis autrefois Eléanore et Daniel, sous sa prison de chaire et de cristal, enchainée par la fatalité, Eléanora laissa écouler une unique larme, celle-ci roula sur le long de sa joue avant de s'évaporer dans le linceul immaculé, désespérée par le piège mortel de son tombeau.

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Gabriel se mordit la lèvre. Ses pas les menaient de plus en plus profondément vers l'inconnu : ils avaient perdus de vue Eléanore depuis des lustres, déstabilisés par le spectacle des chutes d'eau vertigineuses s'écoulant de manière cacophoniques à un mètre d'eux. Puis, Silver les avait rejoins, les yeux rouges, et la bouche serrée, sans un mot, il s'était joint à leur groupe. Et il avait fallut dix bonnes minutes à Nathaniel, pour comprendre, que non, le rouquin n'expliquerait pas pourquoi il avait l'air terrassé, et encore moins pourquoi il les suivait.

Gabriel, au moins, avait saisi, que quelque chose de déplaisant était arrivé au rouquin et que pour se rattraper, pour continuer à avancer, le fils de giovanni s'était accroché à une pensée et une seule obsession. Pour le moment : Eléanore et son étrange présence ici alors qu'elle était censée se préparer pour l'opération à Irisia.

Le cadet Kazamatsuri se mordit le pouce, et se fustigea pour ce geste, plus stressant que tout.

Il ne comprenait pas.
Non définitivement, il ne comprenait pas.
Et de toute évidence, Eléanore non plus.
Ne comprenait-elle pas que l'opération était sa seule et unique chance ?

Une peur, sourde, et venimeuse montait en lui à mesure qu'il gravissait les marches de cette ascension.

Peut-être, peut-être, lui murmurait une voix, peut-être n'avait-elle aucune envie de rester avec eux. Avec lui. Peut-être, avait-elle juste attendu le bon moment, la situation propice, pour les abandonner.

Cette pensée, affreuse lui rongeait l'estomac.

Plus jamais, plus jamais il ne désirait revivre une telle dévastation, celle de l'abandon, où l'on constate purement et simplement un quotidien, une vie se désagréger sous ses pieds, sans pouvoir l'endiguer. Ou chaque objet, chaque mot, chaque mouvement, rappelle la perte et la trahison.

Ses prunelles vairons dérivèrent sur son père, et il serra les poings.

Il n'avait jamais cru aux bêtises des psychologues, comme quoi, depuis le divorce de ses parents, il craignait cet acte d'abandon. Il avait d'ailleurs toujours pris soin de leur démontrer le contraire, en se débarassant d'eux, (de la manière qui pouvait leur attirer le plus de honte possible).

Il était vrai, que le jour du départ de son père, il s'était toujours demander, si ça avait été de son tort, il était vrai qu'il avait détesté se voir oublié des autres, alors que ses frères et sœurs reportaient la faute sur Daniel, le confondant avec l'avatar de leurs peines communes. Il haïssait de se voir ignorer, évincer, séparer. Mais ce les psys se trompaient lourdement. Ce qui le dérangeait, c'était l'incertitude, ne pas savoir si son père avait effectivement quitté le foyer, à cause de lui d'une certaine façon. Ne pas savoir s'il était responsable, ne pas savoir ce qui se déroulait dans le crâne des autres, que tout ne soit pas droit et évident. Que tout soit bancal, tordu, et incompréhensibles de ce fait, que rien ne soit à sa place.

Il devait savoir, c'était le propre des génies de savoir.

Mais là il ne savait pas. Il ne savait pas ce qui prenait à Eléanore, il ne savait pas où elle se dirigeait, il ne savait pas ce que cela signifiait, et il ne savait pas quel impact ce choix aurait sur sa vie. Trop d'inconnus, trop d'incertitudes. Et en même temps, comme rarement, il craignait de le savoir. Ce fait était bien plus terrifiant que le reste.

Il détestait ça.

Qu'est-ce qui lui avait pris d'ouvrir son cœur à cette fille ? Qu'est-ce qui avait pris à leur famille de se rapprocher d'elle si c'était pour…pour qu'elle les trompe ainsi ?

Il redoubla son allure, et s'arrêta brusquement, à une escale, tout près d'une enclave dans la montagne, le souffle court. Nathaniel sur les talons, Silver escaladant la dernière marche, fatigué. Ils tournèrent eux aussi la tête en direction de la caverne.

Pas d'échange entre eux, ils n'hésitèrent pas entre le chemin qui continuait vers le sommet et celui fendant la roche. Ils s'y engouffrèrent sans un mot. Bientôt, la lumière du soleil, déjà amoindrie par un rideau d'eau mugissant, s'affaiblit, et la pénombre les entoura.

Pourtant, ils ne purent faire que quelques pas.

Une silhouette se dressa sur leur chemin. Une silhouette gracile et féminine, à moitié masquée par l'obscurité. On devinait ses courbes gracieuses dans sa longue robe qui semblait faite des volutes même des ténèbres environnantes, aux volants changeants, dansants, telles les raies oscillantes de lumière qui provenaient de la cascade.

-Peter ? Eléanore ? C'est vous ? Hasarda une voix chantante.

Silver se figea dans le dos de Gabriel, qui fronça les sourcils. Nathaniel s'avança :

-Non, désolés, mais nous cherchons justement Eléanore. Vous l'avez vue passer ?

L'ombre vacilla légèrement, mais elle secoua la tête, de douces vagues imitèrent gracieusement le mouvement de sa tête, mais sa chevelure brillante continua de se balancer sur ses épaules, encore après son arrêt.

-Je sens que Peter est ici, mais je ne l'ai pas encore vu. En revanche Eléanore est en haut.

Elle rit innocemment, et sur le ton de la confidence, elle murmura :

-Je crois qu'elle prie !

Gabriel sentit le soulagement poindre et soulager la douleur lancinante grossissant dans son ventre. Oh, ainsi, elle n'avait fait que céder à la faiblesse qu'il nommait religion. Elle ne complotait pas dans leur dos.

La femme devant eux fit un pas en avant, et son visage sortit de l'anonymat, alors qu'elle leur souriait serviable, et leur lançait :

-Moi aussi, je le ferai si je devais invoquer Arcéus. Vous avez besoin d'autre chose ?
-Maman ?

L'inconnue tressaillit, mais conserva son expression neutre, comme pour se voiler la face. Silver fit un pas en avant, presque craintivement. Il écarquilla des yeux Gabriel l'observa, blême. La déclaration occultant presque tout le reste.

Qu'est-ce que…

Silver fit un pas en avant à nouveau, plus certain cette fois-ci, probablement craignant moins que l'apparition ne s'évapore devant lui, pour l'abandonner bercer à nouveau de ses désillusions. Alors tout s'enchaîna en deux pas il se retrouva devant la femme, les bras tendus, semblant vouloir prendre ce visage tant aimé autrefois, pour l'examiner sous toutes les coutures, réapprendre chaque traits, chaque contour, identifier chaque ride dont il avait manqué les débuts, le retrouver, enfin.

La femme devant lui, ne bougea pas du tout, même quand il passa une main sur sa joue, et souleva une des ses mèches –pendant sur son visage, comme celles de son fils et de sa fille- pour dévoiler pudiquement son œil borgne.

-Tu as…Tu…Balbutia le rouquin, en se passant les lèvres, l'air désemparé.

Ses doigts se crispèrent sur la plaie encore visible, abominable. Mais Holly ne frémit pas, au contraire elle gardait les yeux clos, comme figé, sans le voir.

-Maman… ? Tu m'entends… ? S'inquiéta le rouquin, blanc.

Il trembla imperceptiblement.

-C'est…C'est moi Silver…Je…j'ai cru que tu étais morte…Hey…Maman ?

Salomée entrouvrit les yeux, froidement, et son unique prunelle coula en direction de son fils, qui eut un sourire rassuré, remarqué.

Gabriel sentit alors Nathaniel le tirer par le bras, pour le placer derrière son dos. Le gamin ne comprit pas immédiatement pourquoi, et quand il vit son père saisir une pokéball à sa ceinture, son cerveau vrombit sous son crâne. A tel point qu'il ne perçut même pas la simple phrase à son attention, l'unique phrase protectrice que lui dirait jamais son géniteur :

-Reste caché derrière moi, cette femme est malade.

Eléanore était en danger. Silver était en danger. Ce fut les seuls résultats possibles de toutes les hypothèses lui traversant le crâne en cet instant.

-Silver RECULE ! Hurla-t-il aussitôt, en désobéissant à Nathaniel, l'espace d'une seconde.

Tout se passa trop vite, Silver tourna la tête dans la direction du son, étonné, sa main glissa de la joue de sa mère, pour venir frôler le collier de fer usé qui enserrait le cou de Salomée. L'iris argenté aussi froid que l'acier, se durcit, et telle une lame de guillotine, la punition s'abattit.

-NE TOUCHE PAS A CA !

Gabriel vit Silver se prendre un violent coup de bras en pleine gorge, et surtout, il le vit se faire éjecter, sous la force de l'impact, avant d'heurter violemment le mur. Il atterit dans un bruit mât contre la roche, à genoux, le souffle coupé, ses prunelles d'argents scrutant alternativement son corps meurtri, et sa mère, emplis d'incompréhension.

-NOARFRANG GO !

Nathaniel envoya immédiatement sa pokéball, mais la sphère ricocha, sans s'ouvrir.

Quoi ?

Nathaniel blêmit.

Salomée se mit alors à gémir, se prenant la tête entre les mains, ses ongles s'enfonçant dans sa peau, jusqu'à ce que de fins filets de sang ne coule le long de ses traits, accentuant de morbide son regard argent empli de folie en cet instant.

-Maman !

Silver se redressa en un instant, et boitant à moitié, il se précipita vers sa génitrice. Gabriel eut le réflexe de le rattraper par le t-shirt, mais ses petits poings, bien qu'il tirât de toutes ses forces, ne ralentirent pas le rouquin.

-NE t'approche pas d'elle : Tu vois bien que…Rugit Gabriel, les phalanges blanches sous ses efforts inhabituels, le cœur battant la chamade à ses tempes.

Salomée poussa un hurkement à nouveau et se recroquevilla sur elle-même. Toutes les paroles raisonnables n'atteignirent plus du tout Silver, qui repoussa l'enfant d'un geste brusque.

-Je la croyais morte ! Bafouilla-t-il à son adresse, en guise d'excuse, avant d'aller rejoindre la femme meurtrie.
-NON !

Gabriel voulut se jeter sur l'ex-voleur, mais Nathaniel le rattrapa juste à temps.

-Faites-la taire…

Salomée, tremblante, releva la tête, avec un sourire de démente fendant sa frimousse, altérant sa beauté et sa grâce pour ne laisser y subsister que l'hystérie.

-Nous ne savons pas comment faire…

Nathaniel, excessivement calme, toisa la malmenée au sol, avec une mimique figée. Il ramena Gabriel contre lui et passa ses bras autour de lui en guise de protection. Le garçon se sentit presque étouffé dans cette étreinte.

-Si…Si vous l'avez réveillée…Tout est de votre faute. Tout était sous contôle avant ! J'avais réussi à la faire presque disparaître !
-Maman… ?

Silver passa un bras autour des épaules de sa mère, mais elle le rejeta violemment.

-NE ME TOUCHE PAS ! TU ME FAIS DU MAL !

Silver vacilla, touché.

-Il veut seulement vous aider. Commenta Nathaniel, pressant un peu plus son propre fils contre lui.

Gabriel perçut alors le tremblement, presque imperceptible, de son père, il leva la tête, pour entrapercevoir le carré de sa mâchoire, si semblable à celui de Daniel, totalement tendu. Les prunelles écarquillées, les dents serrées, il n'y avait pourtant aucune hésitation ou tremolo dans sa voix qui désignait cette peur que tout son corps hurlait.

-Tout est de votre faute. Tout est de votre faute et de celle de Giovanni. J'y étais presque…Presque…
-Giovanni est mort maman ! Sauta sur l'occasion Silver, avec un sourire faible, les membres tremblants, n'osant même plus toucher celle qui la rejetait si violemment, alors qu'il avait tant rêvé de ces retrouvailles.

Ses lèvres se pincèrent, et Gabriel crut discerner un semblant de sanglot dans sa voix, alors qu'il répétait, doucement, tendrement :

-Il est mort maman, il ne te fera plus jamais de mal.

Salomée s'arrêta, et dans un mouvement lent, sa tête se dodelina, pour se tourner vers Silver, lui lançant une œillade, sans vie.

-Ce n'est pas assez.

Gabriel tressaillit. Nathaniel fit un pas en arrière, discrètement, et l'emmena avec lui. Salomée se redressa alors d'un mouvement brusque, et hurla à nouveau :

-CELA NE SERA JAMAIS ASSEZ !

Silver retomba sur le sol, poussé, et sa mère, des tint devant lui, ne lui adressant qu'un masque froid, un masque déserté par l'amour, un masque de mépris. Et Gabriel, en cet instant, bien avant les mots durs, bien avant la crainte, la brisure, contempla le visage du rouquin.

Une frimousse qu'il connaissait parfaitement. Encore interloqué, ses prunelles scrutant nerveusement la femme qu'il avait cru connaître, désespérément, bientôt, tout éclat de vie s'en délogerait. Parce qu'il venait de comprendre, lui aussi.

Il venait de comprendre qu'il n'était pas désiré, pas même par le premier être responsable de sa naissance. Par le seul être vivant, qui était censé, aimer sans raison, sans bénéfice. Il n'était, qu'une erreur.

-Pourquoi es-tu là ? Tu gâches toujours tout ! Toi et ta crétine de sœur…

La voix siffla, acerbe, suintante de poison, mais Silver ne bougeait déjà plus, pétrifié.

-J'essaye, j'essaye de tout reconstruire, de tout arranger, et tu te mets encore en travers de mon chemin ! Saleté ! Parasite ! Tu aurais mieux fait de ne jamais exister ! Arrête, va-t-en ! Tu la ramènes à la surface ! Tu…tu gâches tout !

Cette fois, Nathaniel obligea Gabriel à passer dans son dos, et il le protégea. Pour la première fois de sa vie, il se comporta en père. Il empêcha son enfant d'admirer avec pertes et fracas, son ami s'effondrer.

- Je ne veux pas disparaitre !

Salomée continuait sa crise, tantôt hurlante, tantôt sinistrement calme.

- Cela n'a pas d'importance, il faut refaire le monde, et cette fois Holly va accepter son destin qu'elle le veuille ou non ! Je ne la laisserai pas me tuer à nouveau…

Elle sourit, et un sourire horripilant étirèrent ses lèvres, qu'elle eut la pudeur de couvrir, comme pour en empêcher quiconque d'y lire ses délires macabres.

- Tout le monde acceptera son destin ! Et je tuerai Giovanni, je tuerai le mal. En fait…que tu sois vivant ou mort…Cela n'a pas d'importance finalement, je m'en fiche. C'est fini maintenant…Tu n'existes plus dans son esprit, je le protège, vous n'existez plus, vous êtes morts, j'y veille, il faut qu'elle haïsse, encore, encore !

Son attention revint sur Silver, et elle lui sourit, presque maternellement :

-Cela n'a pas d'importance que tu sois vivant ou mort, tant que je la tiens, tant qu'elle me croit, je serai là, je suis toujours là. Mais Toi…


Elle tourna la tête vers Nathaniel et Gabriel.

-Tous…

Tout se déroula en une seconde.

-DISPARAISSEZ !

Nathaniel se retourna, et Gabriel sentit le choix traverser son père, puis les propulser tous les deux avec une violence inouïe. Puis, ce fut l'aveuglement, tout se voila d'un blanc immaculé.

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A des lieux de là, à l'académie de Nénucrique, une jeune fille se réveilla en sursaut sur son pupitre. D'un bond, la bave encore coulant des lèvres, elle se redressa, et fixa le lointain, oubliant les murs, la prison qu'on nommait école, comme si ses prunelles d'or pouvaient transpercer quelconque obstacle, pour percer l'horizon.

Elle fronça les sourcils, soucieuse.

-Sary, content de voir que vous revenez parmi nous…Mais pouvez-vous s'il vous plait, observer le tableau plutôt ?

La rouquine sursauta, prise au dépourvu, et tourna la tête en direction de son jeune professeur tout juste diplômé. Armand, et son look dépravé, délavé qui lui valait de sa bouche, tous les dérivés du mot gay.

-Je…
-Une déclaration, peut-être ? Oh, vous avez la réponse de l'équation de la combustion des Pokémon feu que j'exposais, par miracle ? Envoya Armand, sarcastique. –Ou encore des chiffres, mais je n'ose y croire, sur l'effet du dressage en milieu sauvage ?

La dénommée Sary se figea, et plissa les yeux une dernière fois, avant de se rasseoir.

-Non professeur. Excusez-moi.

Sa voisine, Sarah, encore pâle de son récent congé maladie, l'observa quelques minutes, en silence, puis tendrement, lui posa une main douce sur son bras, comme pour la rassurer.

Mais à son grand regret, la jeune femme se mordit l'ongle du pouce, sourde à tentatives pour la consoler.

-Qu'est-ce que c'était que cette défaillance…Cette haine ? Souffla Sary, plus pour elle-même que pour sa voisine.

Et sans rien ajouter de plus, elle plongea dans ses tracas, et un profond mutisme.

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'P-Papa ?'

Il était lui-même surpris de ne pas avoir perdu connaissance après un coup pareil. L'aveuglement était dû au changement brutal de milieu, le choc, les avait poussé jusqu'à l'extérieur de la grotte. La vision trouble, il peinait à discerner sa propre main dans l'amas coloré, comme perdue dans un liquide, dans une mixture aux reflets aveuglants. Tremblant, il se redressa, chaque mot, chaque son, chaque geste, se répercutant en lui, de bout en bout. Un frisson de douleur partant de la racine de ses cheveux, pour descendre et vibrer jusque dans ses orteils. Il retint un gémissement, et essaya de récupérer un équilibre, mais il lui semblait évoluer, danser sur une piste instable, tournante…

Il perçut enfin le visage sous lui, celle du corps qu'il tenait encore serrer contre lui la seconde plus tôt. Les traits réguliers, les pupilles vairons, écarquillées, s'emplissant progressivement de larmes alors que le hoquet secouait ce petit métabolisme si maigrelet.

'Papa ?'

Répéta Gabriel avec un sanglot dans la voix.

-Ca va…

Les idées confuses, bousculées, il ne sut pas vraiment si ces mots s'adressaient à lui, ou non. Un mal de crâne lancinant lui vrillant les oreilles, mais une constatation froide remonta en lui, sans qu'il n'en identifie la provenance.

« Il va bien. »

Le soulagement, d'abord, puis ensuite, une pointe de surprise par son propre engagement dans cette cause. Doucement Gabriel le poussa en avant, assurant sa prise, le remettant droit. Est-ce qu'il percevait bien des larmes, des bruits de pleurs, provenant de lui ?

Il n'en était pas certain.

Après tout, n'avait-il pas dit qu'il le haïssait, que même mort il prenait trop de place ?

Nathaniel eut un ricanement rauque, et il serra vaillamment la main de son fils dans la sienne, son âme cessant de tanguer dans son corps, tel un bateau ivre. Et la voix, bien plus forte, bien plus retentissante que le timide timbre de son fils, résonna en lui.

-Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi t'as pas sorti ton Pokémon ? Tu saignes pas, ça a pas l'air grave, je ne comprends pas, ça touché ton flanc non ? Tu devrais saigner…tu…

L'habituelle main froide de la folie caressa sa joue dans un murmure sadique, alors que les images lui remontaient aux yeux, appuyant sur sa plaie béante, pour y immiscer le doute.

Oui, cette femme aux cheveux violets, il avait reconnu les signes précurseurs d'une perte de contrôle et quand elle s'était levée, il avait compris, compris qui était le suivant.. Le gamin roux, il avait été frappé, en même temps qu'eux, non juste un peu avant, Etrange, comme sa gestion du temps pouvait parfois lui sauver la mise, comme tout son contraire. En dégaînant sa pokéball, encore une fois, il n'avait pas vu l'habituelle rayon pourpre, comme avant, les réflexes avaient prodigué le reste. Il s'était jeté sur Gabriel, et en un bond, il les avait tous les deux éloignés de la zone de danger. Pas assez il fallait le croire. Il avait senti le coup dans son dos, les envoyer bine plus loin que n'aurait put le faire son bond.

Hagard, il tâta son torse et avisa le trou au niveau de son estomac, Gabriel lui-même, avait une belle trace de brûlure près du flanc, mais de toute évidence, sous le poids de son géniteur, il avait été légèrement déplacé de la trajectoire initiale du tir, et n'avait été qu'effleuré par lui.

Bon, c'était pas bon ça. Il avait un trou dans le bide, et pas de sang, pas de tripes qui volent. Soit les films qu'on leur servait aujourd'hui se révélaient totalement erronés…Soit, y-avait un truc zarb qu'il ne pigeait pas. Pour changer.

« Mais au moins, il est sauf »

L'image de son ami d'enfance, réduit en tas de cendres, le frappa, et un sourire, un ricanement sincère de soulagement lui échappa, en même temps qu'un frisson.

« Personne ne me vole quoique ce soit »

Nathaniel ravala sa salive et inspira profondément, avant de plonger son regard dans celui de son fils, et de marmonner gravement :

-Va chercher de l'aide. Il se passe des trucs pas nets ici.

Gabriel tressaillit, le visage blême, les membres tremblants, incapable du moindre mouvement. Cette pétrification usa le peu de patience de son géniteur qui rugit aussitôt :

-Mais qu'est-ce que t'attends au juste ?! Grouille-toi !

Sans ménagement, il repoussa son fils qui s'écroula contre la pierre taillée en escalier, il ripa sur la surface suintante, constamment humide sous le rideau cascadant le long du pic surplombant la vallée. Celui-ci se rétablit de justesse et contempla son père avec effarement, sorti de sa catatonie de terreur. Nath sentit ses dents grincer, sa mâchoire se serrer et ses lèvres se tordre, quand il cracha :

-Je croyais que t'était l'intelligent de la famille ! Tu as vu comme moi ton pote ce qui lui est arrivé ! La copine de ton frangin est en danger et Peter prépare un coup avec cette femme ! T'attend quoi ? Le Déluge ? Ca monte jusqu'à ton cerveau merde ? T'es sûr que t'es mon gosse, parce que franchement, ça fait peur ta lenteur ! Moi je serais déjà en bas !

Pourtant Gabriel ne bougea pas d'un pouce, il se contenta de souffler, le ton enraillé, étranglé de crainte :

-Mais et toi ?

Le petit passa une main sur sa propre plaie le long de ses côtes, en fixant blême, ce que son propre père arborait, déchirant son ventre, son dos, sans broncher. Les mots de Nath partirent tous seuls :

-Quoi moi ? Moi j'suis plus fort que toi minus ! J'ai rien j'te dis, dépêche toi de te barrer avant que les renforts ramènent leur cul, moi je vais en haut et j'essaye de ralentir la chose le temps que tu ramènes du monde !

Et il siffla entre ses dents un :

« Tss, je savais que j'aurais jamais du prêter mes gosses à Peter, les trucs de groupe ça apporte jamais rien de bon ! »

Gabriel se réveilla brutalement, et il se remit sur ses jambes, grelottant, les genoux flageolants, tâchant d'afficher une mine sûre de lui. D'un coup de manche, d'un revers de paume, il essuya, écrasa les larmes barrant ses joues si honteusement, ses poings se crispèrent sur ses jambes de pantalon. Il renifla bruyamment, et bafouilla :

-J'…J'y vais, fait attention, tu restes en vie, ok ?

Les lèvres de Nath s'étirèrent en un rictus, alors qu'il murmurait :

-Promis.

Gabriel se raidit, et claqua sa mâchoire sur un dernier adieu, qu'il refusa de sortir, de peur de le voir se réaliser, se justifier. Il tourna des talons, et se précipita le long des dalles des pierres recouvertes de mousse, jusqu'à disparaître dans la brume. Nathaniel attendit de ne plus entendre le moindre son, que son enfant ait disparu totalement de son esprit, avant de se redresser maladroitement. D'un pas hésitant, il avança dans la direction opposée. Dans la grotte, plus aucun signe de vie ne perçait, comme si la bataille avait été évaporée, et il eut beau plisser les yeux, rien ne perça les ténèbres desquelles ils étaient parvenus à s'extirper de peu.

-Putain, mais qu'est-ce que t'a foutu Peter… ? C'est quoi cette hystérique que tu planquais ? Tu vas faire quoi à la gamine ?

Il tituba, les paupières lourdes, les membres aussi pesants qu'une chape de plomb, et là, comme un coup en plein poitrail, son souffle se coupa net. Ses bronches, tout son système respiratoire sembla imploser, alors que le paysage sous ses yeux se dédoublait avant de se teindre d'une blancheur immaculée. Il s'agrippa instinctivement à une aspérité de la falaise, pour s'y appuyer, juste avant que ses jambes ne cèdent sous son propre poids.

Le souffle saccadé, la vue revenant progressivement, il perçut une autre masse tout contre lui, flasque elle aussi, elle avait stoppé sa chute vertigineuse. Il sentit un liquide poisseux imprégner ses vêtements et une odeur âcre lui remonter au nez avec agressivité. Le pouls battant aux tempes, il lui fallut un temps indescriptible, pour faire rouler sa tête contre son flanc, dodelinant des épaules et décontracter sa nuque raide. Là, son regard outrepassa une forme blonde et noire, floue, et se posa sur l'horizon, frôlant la chaîne des Monts Argentés, le ciel qui lui paraissait se fondre avec le bout de la péninsule dans un tourbillon aveuglant. Là, sa vision se colora. Le rouge, partout, trouble, suintant. Puis le constat :

« Tu te vides de ton sang »

La voix froide, en même temps que la sensation fantôme de bras qui s'enroulent sournoisement autour de lui, comme dans une étreinte, mais sans le moindre sentiment, ni compassion. Juste un contact, pour effrayer, pour signaler sa présence fugace. La folie nicha son visage dans le creux de son cou, et son murmure glacial glissa le long de son échine, dans un rictus sadique :

« Tu es trop loin pour appeler à l'aide. Personne ne t'entendra ici. »

Nathaniel fronça les sourcils et ferma les yeux, retenant un grognement irrité.

Aussitôt, il se revit, plus jeune, assis dans son coin, alors que les autres enfants jouaient dans la cours de récrée, puis la frimousse de George, qui lui souriait, et balançait simplement, franc : « hey, j't'aime bien, on devient potes ? » auquel il avait répliqué un blasé « pourquoi ? » qui s'était fait écrasé par un spontané « pourquoi pas ? » implacable.

Nathaniel ricana, et ses doigts se serrèrent sur sa blessure, ne parvenant plus à distinguer sous sa peau calleuse, la différence entre ses entrailles poisseuses et ses vêtements déchirés par l'impact. Pourquoi, d'un seul coup, ça s'aggravait, ça saignait à ce point ? Il ne comprenait pas.

Il se remémora, un mini lui, chose bien stupide, car jamais il n'aurait pour admirer si clairement, tel un étranger, son propre corps se mouvoir, mais sa logique défaillait également, sa ressemblance avec Daniel cependant, ne fit que le frapper davantage. Cela devait se dérouler quelques années après sa rencontre avec George, lors de la bagarre, quand il l'avait protégé de la bande de délinquants, et que ses parents l'avaient envoyés, déçus, pleurant, un an dans un asile…Là aussi, il avait promis un truc stupide, en sortant, d'abord à ses géniteurs, quand ils avaient simplement dit « On oublie tout et on reprend à zéro, on rentre dans la norme maintenant ! » il avait acquiescé sans même y songer. Et quelques minutes plus tard, à George, qui l'avait remercié, et s'était excusé pour son aide, il avait renvoyé « Si ça arrive encore, je te protégerai encore, t'inquiète. » Evidemment le rouquin, -il ignorait encore aujourd'hui si ce type pouvait se vexer ou s'il feignait- avait répliqué « Genre, la prochaine fois c'est moi qui te sauve ! J'vais devenir père de famille bientôt faut que j'assume ! ».

Merde c'était vrai alors qu'on revoyait sa vie défiler avant de clamser ? Il n'avait aucune envie de revivre ce moment là, le mariage de George avec Lyndis, alors que ces deux andouilles n'avaient respectivement que 16 et 19 ans ! Le rouquin n'était qu'à lui, pourquoi fallait-il qu'il s'intéresse à une autre hein ? Après ça, il ne le suivait plus du tout, il restait constamment avec l'autre blonde rondouillette là. Il n'avait rien contre cette fille, mais elle lui volait ce qui lui appartenait, et ça, il le supportait mal. Encore aujourd'hui.

Nathaniel crachota, le gosier englué, il tenta de se redresser, de se remettre sur ses jambes, mais ses mains, déjà glacées, engourdies, n'obéirent pas à ses ordres. Et la voix de plus en plus omniprésente, qui couvrait le chao de son esprit, totalement empâté dans ses souvenirs, au lieu de se jeter à corps perdu à la recherche d'une solution. Ses muscles se crispèrent, se bandèrent dans un dernier effort.

Et il émergea face à une Lyndis effondrée, serrant convulsivement la main carbonisée qui gisait sur la table d'opération. Aucun sentiment, pas de tristesse chez lui, juste une frustration consumant, un agacement progressif sous les cris hystériques, et surtout, surtout, l'incompréhension. Il n'avait pas compris pourquoi il ne pleurait pas comme la jeune mariée, il n'avait pas compris comment tout cela avait pu se produire, et il n'avait pas compris quand Lyndis s'était tourné vers lui et avait supplié « aide-moi Nath… ». Il avait juste accepté, acquiescé. C'était ce qu'il savait faire de mieux. Encore une promesse stupide, qu'il n'avait jamais tenue.

Mais ma foi, Lyndis avait appartenu à George, en un sens, être avec elle, signifiait continuer à posséder son ami, le conserver auprès de lui. En prenant sa place, de père de famille, il devenait un peu lui, il ingérait George, même par delà la mort. Et cette fois, personne ne pouvait le lui prendre. C'était presque mieux comme ça. Il avait dit la vérité à Lyn, cela ne la gênait pas, elle avait juste besoin qu'il l'aide, qu'il tienne ses engagements.

Qu'est-ce qu'ils disaient au moment du mariage ? Promettez vous de chérir, et tout le reste ? il se souvenait avoir regardé les vitraux pour oublier le temps lors du passage obligé à l'église, il ne se remémorait plus exactement ce qu'il avait promis. Surement beaucoup de choses.

Qu'ils n'avaient jamais tenues. Comme toujours. Les promesses et lui décidément…

Tout lui revint comme un Flash, le sourire de Lyndis, revenant jour après jour, petit à petit, rayonnant. Un sourire qui la rendait presque jolie, en toute objectivité. Un sourire sincère et maternel, empli d'amour. Un sourire que George avait, lui aussi, et qu'il n'avait jamais réussi à imiter, malgré ses efforts.

Il n'aimait pas la norme. C'était trop compliqué. Il fallait se tenir, il fallait respecter les autres, il fallait croire en des choses absurdes tel que l'amour, alors qu'il n'y avait, décidément pas de sentiment plus chaotique et destructeur. Il ne saisissait pas pourquoi les humains s'encombraient d'un tel boulet. Ils s'enchaînaient les uns aux autres, comme si ça les rendait plus forts…Mais vu ce que ça donnait, un petit truc rose qui chiale, ça n'avait rien de très résistant. Ca ne prenait même pas forcément les bons atouts de nous. Ce n'était ni une réplique totale de ce qu'on était, juste une pale copie mal placée, qu'on ne comprenait pas plus que les autres êtres qui nous entourait.

C'était juste lourd.

Il avait trahi ses engagements envers Lyn, dépassé, juste insupporté par toutes ces responsabilités sans gain.

Nathaniel se remit debout, en nage, à bout, et il se força à avancer davantage, à escalader les marches, à ne songer qu'à ça, mais l'un après l'autre, les promesses faites, qu'il avait acceptées, puis oubliées dans un coin, remontaient les unes après les autres.

Pourtant, il aimait l'idée à la base, d'avoir un simili, un clone de soi. Et quelques années plus tard, en voyant Daniel, quelque chose avait pulsé en lui, l'avait attiré. Cet être qui avait grandi loin de lui, sans que cela ne le dérange ou ne le tourmente, était soudain apparu, comme son exacte réplique. L'espoir, bête curieuse, d'être compris, pour s'allier autant avec la crainte d'être découvert. Mélange paradoxal, qui lui avait particulièrement plu. Et plus il le repoussait, plus son impatience grossissait. Finalement, peut être que ce gosse était intéressant, prometteur, peut être qu'il détenait la clef de tout. Peut être que cet enfant là, spécialement, était plus à lui que les autres.

Nathaniel grimaça. Déçu. Cela avait été une partie intéressante, en un sens, il avait rencontré une gamine qui avait du répondant, Eléa. Puis, il avait entrevu le boulot de papa. Même si ce n'était pas vraiment le rôle qu'il désirait tenir, mais plus un genre de maître. Il s'était souvenu aussi des vœux de la famille et de leur devoir. Cela l'agaçait toujours autant. Encore un pas, et il glissa, l'impression que le ciel lui tombait sur la tête, avec lui, le plaqua au sol.

Il roula, dévala l'escalier et perdit le compte d'étages qu'il dévala ainsi, il lui sembla s'échouer dans une encoche, un renfoncement à peine visible, hors de vue. Il ignora combien de temps il resta ainsi, prostré, à peine conscient, mais quand il releva la tête, difficilement, ses prunelles s'écarquillèrent. Il vit plusieurs silhouettes noires, à peine discernables, passer sous son nez sans le remarquer, pris dans une course contre la monte, le nez levé vers leur but. Il parvint tout de même à les identifier comme ses enfants, et quelques autres retardataires. Il avait du atterrir dans une cavité ; impossible à trouver, quand on montait le flan de la falaise, mais dans laquelle on pouvait se perdre en descendant. Il essaya de proférer un son, de les appeler :

« Même mort tu prendrais encore trop de place. »

Il se ravisa. Ses lèvres se fermèrent sur un sourire narquois. Oh après tout, qu'est-ce que ça changeait ? La fin ne l'effrayait pas plus que ça, au contraire, elle l'intéressait, cette idée de néant. Doucement, presque paisiblement, rassuré de les voir tous sains et saufs, il s'autorisa à lâcher prise.

Le visage de Barbara, alors qu'il la quittait, lui demandant de revenir vite, se superposa à celui de Gabriel, et il pouffa ironique.

« Vraiment, tu devrais arrêter de promettre des choses que tu ne peux pas tenir. »

Nathaniel ferma les yeux.






« Chaque personne qu'on s'autorise à aimer, est quelqu'un qu'on prend le risque de perdre. »