Je voudrais pas... de dragibus57

Bob était dans son bureau de Céladopole.
Il avait passé la matinée à taper son rapport d'enquête sur les événements de la veille, et une bonne partie de l'après-midi à enregistrer les dépositions de différents témoins.
Soudain son chef entra comme un boulet de canon et lui fit signe de le suivre.

Tandis qu'ils parcouraient à grands pas les couloirs de l'hôtel de police en direction de l'institut médico-légal, Lestienne le mit au courant :
- On a découvert un nouveau cadavre dans la Forêt de Jade. Encore un cadavre. Mais c'est un Pokémon, cette fois-ci. Un Kabuto.
- En rapport avec notre affaire ?
- Probablement. Il a lui aussi été largué du ciel. Vous comprendrez mieux en voyant le corps, oui, vous allez comprendre.

Ils pénétrèrent dans les locaux de la morgue, une enfilade de pièces froides et sans fenêtres, à la ventilation puissante. Dans l'une d'elles, Sinclair s'affairait autour d'une table d'autopsie métallique sur laquelle gisait un petit corps sans vie.
Outre les ravages de la décomposition, déjà bien entamée, la dépouille était dans un état pitoyable, boursouflée, constellée de meurtrissures et de fractures.

- Re-bonjour Sinclair, re-bonjour. Répétez à Mahdid ce que vous m'avez dit au téléphone tout à l'heure.
- Salut Bob. Alors… Le cadavre a été découvert par un Jeune Couple cette nuit dans la Forêt de Jade. On ne sait pas trop ce qu'ils fichaient dans un endroit pareil à cette heure-là, on est encore en train de les interroger et de vérifier leur emploi du temps.
Lestienne laissa échapper une réflexion grivoise accompagnée d'un geste sans équivoque. Mahdid ne releva pas.

Du bout de son crayon, Sinclair désigna le Kabuto :
- Il présente des signes évidents de maltraitance. Des contusions un peu partout, quelques blessures ouvertes, mais insuffisantes pour causer la mort. Sa carapace est partiellement défoncée, comme si on avait pesé de tout son poids dessus. Chaque orifice de son corps a été forcé…
- Tu veux dire qu'il a été violé ?! demanda Bob en ouvrant des yeux horrifiés.
- Mmm, non… En tout cas, pas au sens commun du terme… Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas eu de rapport sexuel. Mais juridiquement parlant, le fait d'introduire divers objets dans tous les orifices d'une personne sans son consentement est effectivement considéré comme un viol…
- Torturé alors ?

Le policier de la Scientifique mâchouilla un instant son crayon, dubitatif :
- Si on veut, mais encore une fois, pas au sens où on l'entend habituellement. Pas dans un but sadique en tout cas… Je pense plutôt que l'agresseur cherchait quelque chose. Regarde…, dit-il en pointant les yeux du Pokémon. Ses globes oculaires sont complètement secs. Ils ne contiennent plus d'humeur vitrée.
- Comment c'est possible ?
- Et bien, j'ai découvert des traces de seringue, on l'a probablement aspirée… Les oreilles et les narines ont été déchirées. A cause d'un objet qu'on y a introduit. Je pencherai pour un spéculum…
- Un quoi ?
- Un outil médical qui sert à écarter des parois, pour pouvoir explorer plus facilement un orifice corporel.

Mahdid en avait déjà vu dans sa carrière, mais les détails donnés par Sinclair, ajoutés au spectacle du corps martyrisé, commençaient à lui retourner le cœur.
- Le Pokémon était encore en vie quand on lui a fait subir tout ça ? demanda-t-il.
- Oui et non… Cette fracture ouverte de la patte… là… est post mortem. On a extrait la moelle de l'os. Mais les autres traumatismes sont antérieurs à la mort…
- Et lequel d'entre eux a causé le décès ?
- Euh… Aucun en fait. Tous les signes cliniques indiquent un arrêt cardiaque. Le légiste le confirmera certainement à l'autopsie.
Voyant l'air un peu perdu de son ami, Sinclair ajouta :
- Il est mort de souffrance. Le cœur n'a pas résisté…

Bob serra les dents. Il était en proie à une tempête de sentiments, un mélange de rage, de dégoût et de consternation.
- Mais bon sang ! Pourquoi lui a-t-on fait subir un tel supplice ?!
Il avait presque crié - ce qui était totalement inhabituel chez lui - tant sa frustration était grande.
- Je te l'ai dit : celui qui a fait ça cherchait quelque chose. Le Kabuto a été « fouillé » si je puis dire. On lui a prélevé des échantillons de liquides et de tissus organiques : humeur vitrée, sang, moelle osseuse…
- Mais dans quel but, encore une fois ?!!!
- Aucune idée… Mais ça sert à rien de t'énerver, ça ne fera pas avancer l'enquête plus vite. Par contre, j'ai trouvé un truc qui pourrait t'être utile…

Mahdid ferma les yeux un instant et respira un grand coup pour se calmer…
Voilà, il avait à nouveau l'esprit clair, prêt à assimiler les infos que son collègue était sur le point de lui donner :
- C'est bon, je t'écoute…
- J'ai analysé les particules qu'il avait sous ses griffes… Elles viennent des constructions qu'on trouve aux Ruines d'Alpha.
Lestienne, qui jusque-là n'avait pas pipé mot, se tourna vers son lieutenant :
- Prenez des renforts et foncez, Mahdid. Foncez ! Vous avez carte blanche !

Bob quitta précipitamment la salle.
Tout en parcourant au pas de charge la distance qui le séparait de la sortie, il donna un coup de fil au chef de la brigade d'intervention spéciale pour qu'il le rejoigne sur place.

Peu après, une dizaine de Noarfang atterrissait silencieusement à proximité des Ruines d'Alpha.
Les hommes en treillis qui en sautèrent souplement étaient visiblement en très bonne condition physique. Ils rangèrent leur monture dans leur Pokéball et s'alignèrent sous le couvert des arbres, à l'abri des regards.
Certains avaient à leur côté un Pokémon renifleur – Caninos ou Malosse – d'autres un Pokémon combat. Le commandant de la section était, quant à lui, suivi d'un superbe Gallame.

Mahdid, arrivé dans la foulée, se joignit à eux et leur donna ses instructions :
- On cherche une bande d'individus dangereux, armés d'au moins deux Airmure et d'un Demolosse. Certainement plus… Ils font de la vivisection sur des Kabuto, dans un but pseudo-scientifique. Ils opèrent donc probablement dans un labo clandestin. Passez-moi chaque ruine au peigne fin, chaque étendue d'eau, chaque rocher, chaque brin d'herbe de cet endroit !

Après s'être assuré que tout était désert, le commandant distribua ses hommes en cercle autour du site et donna l'ordre de commencer le ratissage.
Les policiers avancèrent dans le plus grand silence, Pokéball au poing, à travers les ruines voilées par la brume du soir. Les Pokémon renifleurs furetaient en avant, tandis que ceux de type combat assuraient les arrières.
Le quadrillage de la zone se déroulait de façon méthodique, totalement coordonnée, chacun aux aguets du moindre détail suspect.
Le conditionnement dû à un entraînement répétitif et intense.

Bob resta en retrait, à observer le déroulement de l'opération.
Ce n'était pas son job. Il laissait faire les spécialistes. Mais il avait quand même sorti son Arcanin et tenait Noarfang prêt à intervenir.

Soudain, l'un des Malosse renifleur s'agita et se mit à tourner en rond autour d'un rocher proche de l'entrée est. Son dresseur leva le bras en signe d'avertissement : il avait trouvé quelque chose.
Tout le monde stoppa net, sur le qui-vive. Bob et le commandant rejoignirent le policier et examinèrent le bloc de pierre. Ils trouvèrent assez rapidement le mécanisme d'ouverture et découvrirent la gueule béante et sombre de l'escalier.

Tout s'accéléra.
Le commandant fit signe à ses hommes de se rassembler. Deux d'entre eux furent chargés de rester à l'extérieur, à la fois pour monter la garde, mais aussi pour empêcher d'éventuels fuyards de s'échapper par là.
Un Chapignon possédant Flash ouvrit la marche. Veillant à faire le moins de bruit possible, Mahdid, le chef et les autres s'avancèrent à sa suite sur les degrés de pierre.