Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Destins liés ~Crépuscule~ de fan-à-tics



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : fan-à-tics - Voir le profil
» Créé le 27/05/2010 à 17:01
» Dernière mise à jour le 29/05/2010 à 12:00

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de poké-humains   Présence de shippings

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Episode 52 : Le souffle de la Liberté...
Yeaahhh ! Voilà, on approche ENFIN de la fin de l'arc. Après il ne restera plus grand-chose à écrire…
(ENFIN !) Je ne pensais pas que l'histoire prendrait autant de place…J'ai une copine qui a hurlé en apprenant le nombre de chapitre, et elle m'a sorti « Tant que tu y es fait autant de chapitres que d'épisodes de Pokémon dans la saison 1 !)…WTF NONNN !

Bref, c'était les problèmes d'une écrivaine en herbe, OSEF.
Après ce dernier chapitre, mort d'un membre de l'équipe, je m'excuse auprès de ses fans, et j'espère que vous continuerez à suivre la fic tout de même, car, s'il n'intervient plus physiquement dans la trame principale, je n'en ai pas fini avec lui pour autant, et je citerai Ambre.

Sur ce, Bonne lecture !


-Chapitre 51-

Lavandia, cité carrefour d'Hoenn, se révélait être une enclave entre deux falaises abruptes, l'une bordant la mer, comme un rempart infranchissable, et l'autre se noyant dans une forêt d'arbres touffus. La première fois que Ritchie y avait mis les pieds, après avoir longé la piste cyclable avec Sparky, il n'avait guère compris pourquoi on l'avait nommé ainsi, cette ville aux murs gris et à l'ambiance électrisante de modernité.

Très peu féru des villages aux immeubles raclant le ciel, à l'atmosphère saturée de pollution, il s'était senti mal à l'aise, et juste après avoir gagné le badge qu'il convoitait, dans un duel foudroyant, il s'était engouffré dans l'unique boyau qui fendait la façade de rocs et de terre, siégeant comme un roi au dessus de la masse humaine.

Il pensait à cet instant qu'à une chose : se retirer, pour mettre le plus de distance entre lui et la technologie dont il peinait à s'attacher. Lui, le jeune dresseur avide d'air pur et de grands espaces, se sentait maladroit et mal à l'aise, malgré ses connaissances imposantes en matières d'appareils électriques. On lui répétait sommairement que son esprit avait bien dix fois l'âge de son corps, quand il parlait de son ressentiment envers le paysage magnifiquement vert qui s'atrophiait, colonisé par les habitations laides et bétonnées.

Pourtant, c'était ici qu'il avait rencontré Ambre. Et plus les années s'écoulaient, plus il se rendait compte de l'absurdité, l'incongrue coïncidence qui les avait mené l'un vers l'autre dans un environnement si peu adapté à leurs propres caractères.

Ambre était le vent, la bise qui soufflait et embrassait l'univers entier, une force surhumaine, indomptable, imprévisible.

Ritchie ne croyait pas au Destin.

Mais lorsqu'il l'avait vu, chaque parcelle de son être, chaque fibre de son corps avait vibré, frémit sous la caresse de la brise. Et pendant une seconde, il n'était devenu qu'un vague nuage se laissant écouler dans une rivière azurée le long des cieux.

Et il y avait cru, aussi sûrement qu'il avait vu la frêle silhouette gracile d'une jeune adolescente escalader la paroi lisse et abrupte dans laquelle il s'engouffrait. Et la vague forme féline l'avait piégé plus facilement que la montagne qui lui servait d'œillères.

A cette époque, ses longs cheveux descendaient en boucles blondes jusqu'à la moitié de son dos, et elles virevoltaient dans le vide qui menaçait d'engloutir l'intrépide qui se risquait à braver la nature.

Puis, dans un murmure, sans un bruit, le pied de la jeune fille avait dérapé, pas un son n'était sorti de sa bouche, son corps avait juste basculé en arrière, ses doigts lâchés prise, et dans une courbe irréelle, elle avait semblé s'envoler.

L'apesanteur, le monde, les plus simples règles de l'univers avaient cessé d'exister, pour se fondre en elle, et comme pour lui confirmer cette présence, cette aptitude à se jouer des forces de l'existence, Ambre avait baissé les yeux vers les passants abasourdis sous elle, terrifiés, et elle avait souri. Ses jambes s'étaient tendue et dans un bond prodigieux, elle s'était rétabli sur l'autre versant de la falaise, la vague forme d'un Togekiss avait vrombit pour lui permettre un dernier appui, puis remonté en piquer, comme un guide invisible.

Des échos des enfants aux côtés de Ritchie, apeurés par cette prouesse, avaient bafouillé des soupirs soulagés, puis avaient repris leurs routes en la prenant pour une folle ou de clown aimant attirer l'attention.

C'était faux.

Le dresseur au pikachu était demeuré là, contemplant un instant le ciel dont seul une parcelle s'offrait à sa vue, rongé par la passe de Lavandia. Et il avait déglutit.

Son esprit d'aventurier palpitait en lui, à la mesure de son cœur.

Ambre n'était pas une simple acrobate au désir ardent, avide de regards.
Ambre n'était pas non plus une illuminée qui appréciait le risque et marchait en parallèle avec la mort par plaisir. C'était juste une femme qui aimait se jouer des éléments, une femme qui aimait se surpasser et suivre ses envies, dussent-elles la mener au bout des temps.

Avec un frisson de défi, Ritchie avait ajusté ses mitaines, et avec l'aide de Sparky, il entreprit de suivre cette étrangère dans cette épopée aux allures insurmontables. La jeune fille ne l'avait même pas vu, et il savait pourquoi, parce qu'elle évoluait dans sa propre dimension, sa vision rivée sur l'avenir, jamais derrière elle, et les sons provenant dans son dos se mêlaient aux mélodies qui sonnaient à ses oreilles.

Ritchie, en la côtoyant un peu plus chaque jour, avait appris que jamais il ne pourrait marcher à ses côtés, dans son monde. A l'instar des écouteurs, des livres et de ses histoires qui le séparait d'elle, leurs chemins se bordaient l'un à l'autre, et il ne pouvait qu'espérer les voir s'entrecroiser de plus en plus, sans espoir qu'ils ne se fondent dans une osmose totale.

L'ascension avait duré des heures, et sans son papilusion qui l'assurait, sans Sparky qui avec son magnétisme le plaquait certainement contre la plaque minérale, jamais il n'aurait pu en venir à bout, alors que la gamine, plus jeune que lui, se riait de l'obstacle naturel, se jouant de ses difficultés, s'y déplaçant avec la même facilité que sur une route de grand chemin.

Cependant, quand enfin il fut parvenu au sommet, elle l'attendait, son regard vert et infini comme les prairies, posé droit sur lui, droit sur son âme. Puis elle avait souri, brisé sa plaque de chocolat en deux, et lui en avait tendu la moitié silencieusement. Doucement, elle s'était remise sur ses jambes, et elle était partie, son pas feutré ne laissant entendre le moindre son témoignant de sa présence.

Alors, comme si de ce simple mouvement de hanche avait ouvert une porte, l'univers entier s'était ouvert devant Ritchie. Les senteurs du monde l'avaient assailli, et un tapis de lavandes et de bruyères s'étendaient à l'horizon comme un tapis, comme un océan aux reflets pourpres et mauves.

Ritchie avait poussé une exclamation ébahie, et il s'était redressé pour contempler pleinement ce paysage. Ses pupilles outremer s'étaient alors écarquillées d'hébétude.

Au loin, par delà la faille qui surplombait le continent d'Hoenn, il discerna l'Immensité. Les monticules de bruyères et de lavandes ne s'étendaient pas jusqu'à l'horizon, mais au loin, la ville de Lavandia, qui lui était apparu si terne et grise, propageaient le message des champs de fleurs, s'arborait de ses couleurs et de ses senteurs.

Ambre se tenait là, au bord de l'abysse, sa respiration à peine discernable à travers les rafales, les bourrasques secouant le présomptueux voyageur se croyant au sommet de l'univers. La blondinette s'était alors tournée vers Ritchie, et comme poussé par une force indiscernable, Sparky avait sauté des bras de son dresseur pour venir se nicher dans le creux du cou de l'inconnue. L'adolescente avait tapoté le crâne de la créature avec bienveillance, et elle avait rit doucement, ôtant de ses oreilles le casque qui l'assourdissait d'une musique envoûtante, changeante, comme son humeur.

-Une amie m'a conseillée de venir voir cet endroit. Es-tu toi aussi une connaissance de Sarah ?

Ritchie abasourdie, opina négativement du chef, le rouge aux joues, ému tant par la beauté des lieux qu'il découvrait que par le timbre vibrant, soufflant en son âme comme un vent frais en pleine canicule.

L'étrangère ne sembla pas s'offusquer de s'être trompée, et elle continua, insensible à son échec :

-Sarah m'a dit un jour, qu'ici, on percevait la musique de la vie, le murmure des éléments, la voix de la nature, et l'appel de l'aventure.

Elle ferma les yeux et poussa un soupir presque inaudible, comme rassurée de ressentir cette même plénitude en elle, celle qu'elle avait imaginé.

Puis elle lança une nouvelle œillade à Ritchie et demanda :

-Sais-tu pourquoi Lavandia, se nomme Lavandia ?

Ritchie répondit par un hochement de tête négatif, muet comme une carpe, à ses pieds, un rattata joueur se faufila entre ses jambes pour rejoindre sa dresseuse, qui lui tendit son bras pour qu'il y grimpe. Ambre sourit vivement et dans un rire amusé elle lança :

-Moi non plus !

Puis elle tourna la tête en direction de l'horizon et murmura dans un souffle :

-Mais…J'aimerais croire que cet endroit y est lié.

Elle s'affaissa et balbutia, la voix mélancolique :

- Tu parcours le monde, en voyage initiatique ?

Cette fois le dresseur parvint à retrouver le don de la parole, ses sens enivrés par la beauté du spectacle, rassérénés par le cri de l'aventure.

-Oui, toi aussi, non ?

Ambre tourna la tête, et une grimace barra sa frimousse, alors qu'elle fermait les paupières et lançait doucement :

-Oui, mais il est temps aujourd'hui que je rentre à la maison.

Elle entrecroisa les doigts derrière son dos et Ritchie remarqua les doubles poignards qui pendouillaient à sa ceinture, juste à côté de deux petites épées jumelles au cuir des manches usés. Il avait rarement vu de personnes armées, autrement que par des Pokémons, et la présence d'arme aurait voulu qu'il se méfie, mais il en fut tout bonnement incapable.

-Pourquoi désires-tu rentrer chez toi ? Articula-t-il au bout d'un moment.

Ambre posa son regard prairie sur lui, et il étincela d'une lueur d'amour, de tendresse, démentant son être véritable alors qu'elle répliquait simplement :

-Je n'ai pas trouvé ma voie ainsi. Quel intérêt de m'éloigner des miens si je ne sais pas où me portent mes pas ?

Pourtant, Ambre aimait l'inconnu. Ambre dévorait le mystère et l'impossible avec une incroyable curiosité. Ambre dansait avec la sagesse et la poésie du monde. Sa soif d'apprendre coulait dans ses veines de la même manière que le sang pulsait en elle, entraînant un irrépressible désir de s'évader, et cela, par n'importe quel moyen. Ritchie ne le comprit que bien plus tard, après l'avoir réellement connue, mais il entraperçut cette facette d'elle ce matin là.

-Je voulais juste voir ce spectacle là, avant de rentrer chez moi. M'imprégner, me souvenir qu'un tel endroit existe sur terre.

Elle ouvrit les bras et rit naïvement :

-Tu te rends compte, en bas, entouré des falaises, nous sommes aveugles, et ici, le ciel devient infini, l'horizon entière nous enlace, cela ne te donne pas envie de courir ? De traverser les cieux comme un oiseau ?

Ritchie sourit en retour, face à cette gamine lunaire, tout à ses rêves de roman, ne s'offusquant pas du tutoiement venu naturellement, et il bredouilla :

-Oui, c'est vrai.

Ambre inspira une bouffée d'air ravie, et elle ôta de son fourreau un de ses poignards. Doucement, elle attrapa sa tignasse blonde et bouclée, pour trancher net ses mèches mordorées. Celles-ci s'envolèrent dans la brise, comme des rayons solaires touchant l'infini, les pétales de lavandes s'enroulèrent avec eux et dans un ballet ils continuèrent leurs routes. Libres.

Et là, Ritchie avait compris, comme lorsqu'il avait admiré les cieux azurés s'étendre au dessus de sa tête à mesure qu'il escaladait la montagne, que ses œillères naturelles s'amenuisaient, se dilataient.

Contrairement à nombre de dresseurs, il n'avait pas de rival véritable, il n'avait jamais considéré ses adversaires autrement que des amis ou de simples tremplins pour lui permettre d'avancer plus loin sur la voie qu'il avait choisie.

Son plus grand ennemi, c'était lui-même.

Loin de toute pensée orgueilleuse, il estimait, qu'en préférant se surmonter un peu plus chaque jour, il ne stopperait jamais l'expansion de ses progrès.

Cette fille, qui se tenait devant lui à caresser son Sparky, lui apparut si proche et lointaine à la fois. Elle venait de rejeter la part d'elle-même qui voulait continuer sa route éternellement, sa chevelure solaire, pour la laisser rêver, à jamais porter par le vent, et à la fois, elle revenait à son origine, pour patienter, pour réfléchir avant de s'engager sur un chemin.

Elle aussi, ne cherchait qu'à se dépasser, et elle y parvenait. Elle ne portait pas d'œillère, de préjugés, comme lui, qui avait traversé la cité de Lavandia sans curiosité ni émerveillement, qui avait marché entre les flancs de la montagne se contentant du morceau de Ciel qu'il entrevoyait.

Ritchie ignorait s'il avait éprouvé de l'amour pour elle dès la première vision, ou simplement de l'admiration. D'ailleurs, nombre des garçons qu'il avait rencontré dans le village en bordure du désert d'Hoenn, ne voyait en Ambre qu'une bonne copine, à la limite de l'ami, au masculin. Eux ne la trouvaient, ni excessivement jolie, ni pourvue d'un charme lumineux.

Cependant, plus les années s'écoulèrent, plus le sentiment qu'il ressentit ce jour-là devint certitude, prenant plus d'ampleur à tout instant :

Ambre n'était que Liberté.

Peu importait l'endroit où elle se trouvait : debout sur le plateau couvert de fleurs, ou enfermée chez elle.
Peu importait ses décisions, ses devoirs, ses responsabilités.
Peu importait qui elle côtoyait, sa famille, ses amis, ses Pokémons, lui ou mêmes des inconnus.

Les voyageurs qui parsemaient son chemin ne recevaient d'elle que la douceur sucrée d'un morceau de chocolat comme invitation à la suivre, ou ne sentait que le souffle de son passage éphémère, abandonnés, jugé inintéressants.

Parce que son esprit lui, était dépourvu de chaînes, parce qu'il soufflait et caressait le monde comme le vent.

Ambre n'était que Liberté.

La liberté à laquelle aspirait Ritchie depuis ses premières heures.

Et personne, ne pouvait enfermer pareil être.

Les poings du dresseur au pikachu serra les poings avec détermination, alors que, les yeux rivés sur le stade de Jadielle, une fureur bouillonnante, incendiant son âme.

Le garçon qui se tenait à ses côtés, un gamin de 9 ans, presque 10, aux cheveux aubruns et aux yeux azurés, contempla son compagnon de route, et le rattata sur son épaule gémit tandis qu'il resserrait sa prise sur la ceinture de pokéball qu'il tenait.

Ritchie était bien trop calme et silencieux, insensible à ses boutades, pour être normal. Asbel soupira, la crainte envahissant son cœur d'inquiétude pour sa sœur aînée, Ambre, et il fut certain d'une chose.

Si les types qui avaient enlevé sa sœur avaient survécus, ils ne réchapperaient certainement pas à la colère de Ritchie. Il leva à son tour la tête, décidé.

Et à la sienne non plus.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

La conférence de Presse battait son plein, lui qui avait toujours su se fondre dans la masse, n'être qu'une tête brune parmi la foule, allait bientôt se trouver au centre de toute l'attention. Et cela le paralysait.

Yoann déglutit, mal à l'aise, plongé dans ses angoisses. Il connaissait son discours par cœur, et quand bien même, un jeu de micro et de haut parleur dans son casque noir et rond, lui souffleraient les mots qui lui manquaient, se faisant un plaisir de déformer son timbre de voix dès qu'il la recouvrerait.

Mais cela ne changeait rien et voir Blake derrière lui, assis sur les marches de l'estrade après avoir libérés tous leurs Pokémons, tendus en embuscade, jouer avec un yo-yo de manière nonchalante, n'arrangeait rien !

Le petit médium soupira, le cœur gros, et il réajusta pour la centième fois la cape qui couvrait ses épaules, destinée à masquer aux autres sa véritable taille. Il était convenu que le noadkoko du garçon le soulèverait avec un choc mental pour fausser le jugement, et s'entraîner à marcher, comme flottant dans les airs avait pris du temps, mais l'étrange sensation de peser moins que l'air qui l'envahissait compensait tout. Il s'obligea à songer à ce moment serein qui s'approchait à grand pas pour se calmer.

Sunny pencha la tête sur le côté, bien consciente de la tension qui agitait le garçon face à elle. Mais elle ne pouvait s'en empêcher, accoutré d'un justaucorps noirs et bleu marine, teinté parfois de bandes velcro violacée, elle peinait à le reconnaitre.

Dès qu'il tirerait sa cape devant lui, dont de longues tiges en métal doré assurait la lourdeur et empêchait qu'un coup de vent intempestif ne dévoile le subterfuge de la taille, dès qu'il mettrait son casque rond arborant l'emblème de Twilight, il ne serait plus le Yoann qu'elle connaissait. Le micro qui pendouillait devant son coupe vent, son masque qui cachait tout le bas de son visage, allait même jusqu'à déformer sa voix si douce et pleine de compassion.

Le cœur de Sunny se serra, et en écho, une douleur familière fourmilla le long de son bras disparu, dont elle sentait paradoxalement encore la présence. Elle attrapa la manche de son pull, vide et la compressa avec amertume.

-Chris et Angie ont réussi à fourrer de la dentelle dans la doublure ! Grommela Yoann avec une grimace.

Blake eut un rictus, qui équivalait à un pouffement amusé chez lui, et continua à siffloter en jouant avec son yo-yo. Sur l'objet qui montait et descendait, le jeune homme aux cheveux bleus avait dessiné grossièrement le visage du « futur mari de sa sœur » et se délectait de l'expression de l'original dès qu'il torturait ostensiblement le Yo-yo.

-Au moins, tu as un costume, nous, on a juste des masques moches ! Relança Sunny avec un sourire piteux.

En effet, tous les enfants qui participaient à la mission, et qui avaient un rôle bien en vu à tenir, comme Blake, gardien de l'estrade, devaient s'affubler d'un horrible masque blanc, en bois, dont l'insigne de l'organisation avait été peinte à la va vite, faute de temps et de moyens.

-Oui, c'est pas faux ! Objecta Yoann dans un arquement de sourcil.

Sunny observa le gamin qui gravissait les marches déjà, avec cette avance, il était plus grand qu'elle, pour une fois, et elle en oubliait leur différence d'âge. En règle générale, elle lui trouvait un côté mature, serein, presque sage, qui l'empêchait de le considérer comme un véritable enfant allant tout juste sur ses 14 ans. Plus elle le côtoyait, plus les souvenirs de lui, lui souriant, lui tenant la main gauche pour l'aider à écrire un beau délier, à coiffer ses Pokémons, s'accumulaient.

Elle avait déjà eu des aventures avec des garçons, bien qu'on l'ait à de nombreuses fois traitée de froide, sévère et autoritaire…Ceux qui avaient osés prononcer le mot mégère avait eu à se défaire de la colère de Blake. D'ailleurs, elle ne doutait pas que la plupart de ses ruptures trouvaient leurs raisons dans la promenade familiale « pour resserrer les liens entre les futurs beaux-frères » qu'imposait à chaque fois son aîné au bout d'un mois de relation.

Mais, pour une raison étrange, ce qu'elle ressentait à son égard dépassait de bien loin ce qu'elle avait éprouvé dans ses souvenirs. Elle ignorait si elle pouvait nommer cela de l'Amour, après tout, que savait-elle de ce sentiment, elle fille, qui n'avait pas hésité à laisser mourir ses parents ?

Confuse, Sunny secoua la tête, et lança impassible, bien décidée à ne pas se laisser déstabiliser par des tourments aussi futiles : hors de question de perdre son véritable être pour un garçon ! Elle était shiney hunter, une éleveuse hors paire, et si amour il y avait, cela ne changeait pas son être profond.

-Bon, je serai dans la foule, juste devant-toi…Tu as intérêt à te dépasser Yoann, avec ton discours.

Le médium ricana gentiment :

-Ne t'en fait pas, je connais le discours par cœur, et il est parfait.
-Le discours ne fait pas tout, le pouvoir de l'orateur compte bien plus, il décide d'y mettre du sens ou de gommer son efficacité. Répliqua la jeune fille sans détour.

Yoann parut hésitant. A quoi s'attendait-il ? A des mots encourageants de la part de Sunny ? Dans ce cas, il était fou. Malgré tout, il voulait croire que les mots durs de l'adolescente camouflait une tendresse et une confiance inébranlable.

Il sourit, rasséréné, et l'éleveuse sursauta, étonnée de sa réaction, mais aussi plus bouleversée par l'innocence de ses traits que tout le reste.

-Je peux le faire. Twilight compte sur moi, je n'échouerai pas. Je sais qu'on peut tous y arriver. Nous parviendrons à mener ce monde à la paix.

Sunny eut l'impression de suffoquer, et sa poitrine se compressa d'admiration. Elle ricana, faiblement, et le doux carmin colorant ses pommettes contredirent son ton moqueur :

-Tu es vraiment naïf…

Yoann ne se départit pas de sa bonne humeur, et il murmura simplement : « On me le dit de plus en plus souvent en ce moment. »Elle allait se retirer, le Feurisson du médium l'accompagnant avec ravissement quand une voix, plus incertaine balbutia cette fois :

-Sunny…Qu'est-ce que tu penses de moi, sincèrement ?

Blake derrière se figea, et rattrapa son Yo-yo discrètement, scrutant la scène avec l'avidité d'un spectateur engagé par la cause. Un mince rictus fière étira ses lèvres quand il vit sa cadette s'arrêter, se tourner, dubitative devant le gamin, et bafouilla raisonnablement :

-Tu es un grand naïf idéaliste…Mais un excellent orateur Yoann, tes mots touchent les gens, et si quelqu'un peut parvenir à rallier le monde à sa cause, c'est bien toi.

Le médium vacilla et balbutia de plus en plus rouge alors que Blake sifflait d'amusement :

-M-Merci…Oui…mais…Tu…Tu me vois comment ?

Cette fois Sunny sembla comprendre ce qu'il entendait par là, et elle revint vers lui, légèrement, pour n'être plus qu'à quelques marches de lui. Elle planta son regard dans le sien, et répondit simplement :

-Tu es un excellent ami.

La frimousse du Médium se décomposa, et il tenta une mine circonspecte, impassible, mais alors qu'il croyait voir ses espoirs fondre, Sunny ajouta dans un souffle, avec une mine de défi :

-Tu veux être plus ?

Il la contempla une seconde, stupéfait, elle et son petit rictus en coin, puis elle ferma ses grand yeux verts, ses doux cils s'entremêlant les uns aux autres dans une embrassade trop longtemps désirée, alors qu'elle murmurait :

-Il me semble que je te dois un baiser.

Blake posa sa tête dans ses paumes et son visage s'illumina, tout comme celui de Yoann en cet instant.

Il eut un mouvement ample du poignet et son Yo-yo se pencha lentement vers le sol, effleurant timidement l'asphalte.

Le petit médium enleva son cache-cœur avec délicatesse, sa main caressa la joue de Sunny leurs lèvres frémirent au contact de l'autre.

Un bref instant d'hésitation, une simple rencontre.

Le yo-yo remonta inéluctablement, dans la paume de Blake, et celui-ci le relança avec émotion. L'étreinte amoureuse se renouvela. Plus passionnée, plus puissante, plus sûre de se revoir à nouveau. Les bras s'entrecroisèrent et se crispèrent dans une étreinte voluptueuse.

Le Feurisson au pied de Sunny leva la tête vers son maître qui basculait progressivement et se laissait porter par le sentiment qui s'insufflait en lui. Comme un nageur ne sortant la tête de la mer qu'il chérissait que pour reprendre un souffle vital, poussée par une force, un désir trop ardent pour s'y immerger totalement mais replongeant, encore, sans cesse, pour caresser les coraux, l'infini, le paradis dans l'abyme.

Blake attrapa son jouet alors qu'il entamait un énième va-et-vient, et les visages des deux amants se détachèrent l'un de l'autre pour se contempler. Une pointe d'embarras devant l'ampleur, l'intensité de leur étreinte se mêlant au bonheur commun.

-J-je…Balbutia le petit médium confus, écarlate.

Sunny haussa les épaules, et embrassa de nouveau le petit médium à la commissure de ses lèvres, avant d'avouer dans un murmure :

-Oui…Je crois que moi aussi.

Brusquement, un éclat de rire leur parvint et ils tournèrent la tête sans se séparer, pour contempler un Blake, ravi, qui leur lançait :

-Hey Sunny, regarde un peu ça ! Mon yo-yo me plait de plus en plus, j'arrive à lui faire faire plein de choses !

Il voulut débuter une combinaison acrobatique, et la ficelle du jouet se disloqua, l'embout entama une courbe gracieuse, avant d'aller s'écraser en plein sur le crâne du médium et de ricocher sur la tête de la cadette Shade.

Un silence morbide s'imposa, et quand enfin il se rompit, ce fut pour seulement pour quelques secondes.

-Blake…Gronda Sunny.
-C'est pas ma faute ! La ficelle a cassé ! Se défendit l'homme, pris en faute.
-Blake…
-Heu…Et si vous vous embrassiez à nouveau hein ?
-Cours.

Un ordre, simple, sec, intransigeant. Une menace à peine voilée.

Il ne se fit pas prier deux fois, et bientôt Yoann se retrouva seul, à admirer sa « presque petite amie » punir son frère trop envahissant à son gout. Une douce mélancolie s'empara de lui, et il haussa des épaules.

Quelques minutes plus tard, il montait sur l'estrade, pour prêt à débuter la conférence de presse au nom de twilight, le cœur léger.

Le yo-yo brisé, abandonné dans la boue et l'averse, cessa sa danse, à jamais oublié, tout unique et magique fut sa brève envolée.

Sunny, un peu plus loin, prenant sa place dans la foule, caressa le fantôme des lèvres de Yoann et son cœur palpita. Loin de sa peur spectrale, un plaisir, un bonheur inéluctable l'envahit, et elle pouffa, babilla, heureuse. Goutant une félicité qu'elle avait trop longtemps espérée sans y goûter.

Elle flatta le crâne de Feurisson à ses côtés, et le Pokémon gémit de contentement alors qu'une certitude montait progressivement en l'éleveuse. Doucement, elle prit le starter de Yoann dans ses bras et l'étreignit, les images des derniers mois avec le petit médium accompagnant son geste, aux couleurs de ses milliers de sourires, de ses gestes doux et patients, et aux senteurs sucrées de son souffle.

Elle leva la tête, pour chercher la silhouette de Yoann. Elle qui s'était jurée de ne jamais dépendre de quiconque, de vivre en recluse avec son seul frère comme lien unique, s'émoustilla en discernant le garçon en train de parler avec Peter –sa brusque apparition lui passa même au dessus de la tête-. Et elle sourit, plus rayonnante que le soleil absent en ce jour d'orage.

Peu importait qu'elle change, au contact de l'amour finalement, elle était heureuse, avec Yoann à ses côtés, elle ne survivait plus, elle vivait, véritablement. Il avait ouvert une brèche béante en elle, et loin de la faire souffrir, cette plaie dans sa barrière protectrice l'emplissait de joie.

Elle posa une œillade sur le médium, et pendant une brève seconde, elle souhaita, pria pour que tous ses rêves s'accomplissent, et qu'elle soit toujours là, avec lui, pour admirer le monde dont il rêvait.

Jours après jours.

Elle ne se doutait pas, que là où il se trouvait, le cœur de Yoann vibrait sur le même rythme qu'elle, malgré la soudaine apparition de Peter devant lui.

Le maître Dragon, le bras en écharpe, le teint pâle, avait perdu le charisme qu'il vénérait lors de leur rencontre. Mais cela ne changeait rien aux yeux du médium, Peter avait été celui qui avait décelé son talent, qui l'avait guidé sur la voie, en cela, il se parait d'une aura d'invincibilité qui ne s'effacerait jamais. Parce que Peter croyait en lui, lisait en lui, l'encourageait pour avancer là où il n'avait qu'esquissé un pas, trop peureux. L'homme que Yoann avait connu, l'enseignant qui avait cru en ses capacités ne pouvaient faiblir. Il lui devait tout, et bien plus encore, sans son intervention, le petit médium savait qu'il n'aurait jamais eu le courage d'entamer ses rêves illusoires. Plus encore aujourd'hui, alors qu'en cheminant sur la route qu'il lui avait montré, il tenait la main de Sunny tout contre sa paume.

-Yoann…Balbutia Peter après coup. –Je vois…Que tu es prêt à jouer ton rôle.

Le médium hocha la tête, et le maître dragon s'affaissa, touché par son entrain.

-Tu sais, c'est dangereux…Il est possible que…malgré nos défenses…
-Je sais – le coupa le gamin, sans tressaillir.

Peter tituba. Et Yoann fixa son poing serré, alors qu'il balbutiait :

-Mais…pour la première fois, je vais faire quelque chose de ma vie. Elle prend du sens, se tourne vers un but qui me plait, une finalité totale. Je crois en Twilight Peter. Je sais que tu sauras mener l'organisation jusqu'à la victoire.
-Je ne dirige plus Twilight, Yoann. Marmonna le maître, rauque.

Pourtant, l'adolescent ne s'offusqua pas, si son teint devint translucide, si une douleur sourde brilla sur ses pupilles, il resta de marbre.

-Je suis juste venu…Pour…une dernière mission. Pour toi. Je voulais assister à ton envol Yoann.

Le maître Dragon posa une main sur l'épaule du garçon et sourit simplement, tristement :

-Je ne t'ai jamais menti Yoann. J'ai toujours été honnête avec toi.
-Tu es toujours honnête. Le corrigea le garçon, mais l'adulte l'ignora.
-Là n'est pas la question Yoann, je ne suis pas parfait, je suis humain, tout comme toi.

Le médium douta des paroles de l'homme qu'il admirait par-dessus tout, mais il ne répliqua pas, lui vouant un respect bien trop fort pour le contredire. Peter s'agenouilla devant lui, et avec une mine paternelle, il lui souffla avec conviction :

-Le jour où je t'ai rencontré à Lavanville, j'ai vu en toi un futur maître Yoann. Eléanore et Samantha, aussi douées qu'elles sont, j'en suis sur, finirons par s'incliner devant ta force. Tu n'es encore qu'un enfant, elle est presque indécelable, mais elle existe. Je le sais. C'est pour ça que je t'ai entraîné. Je ne doute pas que tu nous dépasseras tous un jour, même moi.

Le médium rougit sous le compliment, et il sentit les larmes monter à ses yeux alors qu'il redoutait la suite du discours de son modèle, de son héros.

-Ne parle pas de toi comme d'un soldat, que l'on peut sacrifier pour notre but. Chacun de vous est indispensable à mes yeux. Toi plus que les autres Yoann. L'organisation perdrait de son sens si nous devions vous sacrifier pour notre cause.

Doucement, Peter se releva, et il frotta la chevelure folle de Yoann avant de murmurer, en pointant une loge suspendue, une baie vitrée qui faisait face à l'estrade.

-Je serai là-bas pour t'observer. Mais je ne viendrai pas te dire au revoir après. Je m'en irai, définitivement.

Cette fois, Yoann sentit son cœur encore brûlant du bonheur que l'avait empli son étreinte avec Sunny, imploser et un sanglot lui échappa.

-Tu ne crois plus en moi ? Balbutia-t-il, perdu. –Tu ne crois plus en l'organisation ?

Peter parut déstabilisé par cette plainte d'enfant déboussolée, et pendant une seconde, il chercha, scruta une réponse autour de lui, puis, l'évidence, la place se fit en lui, et les mots coulèrent d'eux même dans sa gorge.

-Non Yoann, ce n'est pas ça. Au contraire. Je ne crois plus en moi. Et c'est pour ça que je confie l'organisation à mes amis, entre tes mains Yoann, entre celles de Pierre, Marc, Marion et Cynthia. Parce que je sais que vous y arriverez.
-Mais…qu'est-ce qu'on va faire sans toi ? S'étrangla le petit.

Peter ferma les paupières, songeant à leur rencontre à lavanville, à ce gamin qui l'avait d'abord attiré par sa ressemblance troublante avec Harry, son frère cadet disparu. Puis étrangement, le lien qui s'était tissé entre eux avait dépassé, surpassé cette vague illusion, pour en devenir une nouvelle, une neuve. Tout ce que Peter savait, il l'avait enseigné à Yoann sans fioriture, sans orgueil ni gêne. Le médium avait su tout encaisser, il avait su se plier à la moindre de ses exigences pour son entraînement, pour progresser, pour réaliser son but. Leur but.

Pendant longtemps, Peter avait su qu'un beau matin, Yoann le dépasserait, imposerait sa marque sur le monde plus certainement, plus fortement qu'il ne le ferait jamais. La fierté d'avoir un élève aussi prometteur, aussi brillant avait contribué à soigner les plaies de la disparition d'Harry sans les pousser à cicatriser.

Il avait guidé Yoann pendant 4 ans, lui avait montré tout ce qui s'étendait à sa vue, lui avait ouvert les yeux et soutenu les bras. Maintenant, les derniers pas, son élève devait les réaliser seul.

Derrière Yoann, il voyait l'homme, son père, et sa belle-mère, qui lui avaient enseignés à lui comment se battre, et encore derrière leurs ombres, leurs propres professeurs, comme les maillons gigantesques qu'une chaîne sans fin, Une chaîne remontant le cours du temps sans entraves. Et Yoann lui-même, allait grandir, s'épanouir, pour continuer cette chaîne, aider à son tour un enfant, devenir son modèle. Et ainsi, à jamais…La paix s'étendrait.

Peter ne lui annonçait pas qu'il le quittait à jamais, juste que leurs chemins ne convergeaient plus dans la même direction.

-Yoann, lança-t-il fermement, alors que le garçon tentait en vain de sécher ses pleurs sans y parvenir, ne savant plus vers quoi ou qui se tourner.

L'enfant tressaillit devant lui et se raidit, ravalant ses hoquets et le regard de Peter s'attendrit.

-Yoann, je m'en vais, je quitte Twilight, c'est vrai. Mais ça ne veut pas dire que c'est un adieu. Je suis, et je serai à jamais celui qui t'a aidé à avancer, et même si tu ne me crois pas, tu as fais bien plus pour moi. Grâce à toi, à ton innocence, ton entrain, j'ai réussi à vivre quatre années de plus.

Il sourit désespérément. Et poussa légèrement le garçon pour qu'il se tourne vers l'estrade.

-J'ai confiance en toi Yoann. Tu vas voler plus haut que n'importe qui. Et je serai là, tu ne me verras peut être pas, mais je serai là pour voir ton essor.

Lentement, Peter fit volte-face et se retira, silencieux. Yoann trembla, imperceptiblement, les lèvres déformées par une grimace attendrie, secouée par la peine. Et avant que son maître ne disparaisse dans la foule, il bafouilla :

-Je ne te décevrai pas Peter !

Sa gorge se noua et sans rien ajouter, il mit son masque de Theodd, entra sur l'estrade. Les flashes des journalistes l'aveuglèrent une minute, mais il sentait le regard de Sunny par delà la foule, celui de Peter, celui de Blake…De Shagi. De Twilight.

Le médium se crispa une seconde, et une dernière larme roula sur sa joue, avant que son regard ne s'illumine de détermination.

Le discours débuta.

Shagi leva la tête en direction de Yoann qui commençait doucement à annoncer les buts et idéaux de l'organisation, sous le masque de leur chef présumé Theodd. Les mains dans les poches, le cœur lourd, il essayait de se concentrer sur la surveillance de la foule. Mais il n'y parvint pas.

Il sursauta, en entendant la sonnerie du téléphone de Cynthia non loin de lui. Il la vit blêmir, puis se tourner pour garder un peu d'intimité. Il la vit quitter son poste et se retirer du stade, dans la précipitation, oubliant même de fermer la porte derrière elle.

Peut être aurait-il du réagir, suivre cette femme qui ne lui inspirait rien d'autres que du mépris pour ce qu'elle avait fait à Harry mais la force lui manquait. Aussi, ferma-t-il simplement les yeux sans savoir qu'ainsi il scellait définitivement le chemin de la Destinée cruelle qui planait au dessus d'eux, comme un oiseau de proie.

Il ignorait même que par son propre choix il allait plus souffrir que tout autre, que sa propre rancœur au lieu de le protéger des souffrances ne ferait que lui renvoyer davantage. La fureur aveugle l'empêchait de comprendre le danger qui se faufilait vers eux comme un serpent aux crocs empoisonnées. Un ami, un des dragons qu'il adulait, allait bientôt le blesser mortellement.

Il ignorait qu'en ferment le regard sur la détresse de Cynthia camouflée, il entraînait simplement sa propre chute.
Il ignorait que le bonheur lui filait entre ses doigts, comme de l'eau traitresse, insaisissable et si présente.
Et même s'il l'avait su, si un être divin le lui avait chuchoté à l'oreille à cet instant…

C'était déjà trop tard.

De l'autre côté des remparts, arrêtés par la barrière de policiers qui gardaient le bâtiment, Ritchie tressaillit : dans sa poche, son téléphone sonna, Asbel, à ses côtés, le petit frère d'Ambre, se précipita vers le combiné, et se crispa sur la jambe de pantalon de son ami.

Le dresseur au pikachu jeta une œillade furieuse au stade colonisé par Twilight puis décrocha.

Comme prévu, comme ils avaient convenus, Cynthia avait fait en sorte qu'il puisse entendre la conversation des ravisseurs d'Ambre. Le timbre familier de la championne de Sinnoh retentit, le roux l'entendait pour la première fois, mais il discerna une inquiétude jumelle à la sienne entraver ses mots alors qu'elle murmurait :

-Qu'est-ce que vous attendez de moi ?

Un silence tendu régna une seconde, puis, doucement, comme un murmure, un souffle rassurant :

-Cynthia, c'est moi, Ambre.

Ritchie sentit ses craintes se disloquer, et son cœur imploser dans sa poitrine, le soulagement et la peur se diluant en lui avec la même âpreté.

Elle vivait ! Elle était bien leur prisonnière, mais elle vivait !

Ses poings se serrèrent.

-Je vais bien Cynthia. Je dirai même qu'ils me traitent plutôt bien, je t'avais bien dit que le chocolat permettait à n'importe qui de se lier d'amitié, il suffit de guetter le bon moment pour l'offrir. En vérité, ce sont des êtres fascinants mes ravisseurs.

Un rire rauque retentit, et Ritchie perçut des voix derrière Ambre, qui grognaient et la pressaient d'abréger. Ils la surveillaient.

-Désolée, Cynthia, j'ai pas beaucoup de temps. Comment va papa ?
-Il est à l'hôpital, ta mère le veille d'après ce que je sais, il va s'en sortir. Répondit simplement Cynthia, dont le trouble devenait de plus en plus palpable.

Ambre parut soupirer, mais on ne lui permit pas de s'attarder et elle renvoya la balle immédiatement :

-Bon, ce n'est pas tout, mais…Tu les entends les espèces de murmures fantômes derrière-moi ? Ils veulent que tu partes de la conférence, en laissant un chemin ouvert pour eux, le chemin Est. Le lieu de rendez-vous se situe dans la forêt de Jade, avant midi. Bon c'est pas que ce sont des psychopathes, mais quand même, ils ont un charme hypnotique j'peux pas leur résister, tu comprends ? Je vais devoir raccrocher.
-Attends !

Ritchie avait hurlé sans pouvoir s'en empêcher, et il regretta aussitôt son geste, il pria intérieurement pour que la conversation ne soit pas surveillée, et comme pour le couvrir, Cynthia haussa le ton pour répéter les mots qu'il avait laissé échapper.

Ambre sembla se détendre à l'autre bout du fil, et elle lança simplement, ses mots se fichant droit dans le cœur de ses interlocuteurs, comme des poignards acérés :

-Ne t'en fait pas…Le corps n'est pas une entrave, est libre celui qui le désire.

Elle inspira profondément et répéta avec plus de certitudes ses derniers mots :

-Je suis Libre, quoi qu'il m'arrive. La mort n'est pas une séparation, mais une Renaissance.

Elle fit mine d'éteindre son téléphone, mais les sons continuèrent à survivre, provenant comme de l'autre monde et trois intonations sèches, fatales claquèrent dans l'air, suivi d'un bruit mât.

Ritchie se tendit comme un arc, et ses doigts se crispèrent sur son combiné, alors qu'il hurlait :

-Non ! Ambre ! Je t'en prie ! Bats-toi ! Ne t'en va pas ! Ambre ! AMBRE ! Pitié…Ambre !

Asbel se cramponna à Ritchie et il hoqueta imperceptiblement. Quelques minutes plus tard, le téléphone de Ritchie sonna de nouveau, et une voix dure, impassible ordonna froidement :

-Si vous voulez revoir Ambre vivante, il y a un passage ouvert à l'Est. Entrez par là, et faites un Carnage. Twilight doit payer cet enlèvement. Nous vous la rendrons quand vous aurez réussi.
-Où est-elle ? Rugit Ritchie, dont la voix brisée trahissait les sanglots roulant sur ses joues. –Je veux l'entendre !

Le ravisseur ne répondit pas, mais le dresseur perçut le ricanement qui mourut sadiquement dans son gosier.

-Pour ça, il va falloir faire tomber le chef de twilight pour le savoir.

Cette fois, c'en fut trop, Ritchie raccrocha au nez et à la barbe de cet être abjecte et il jeta son portable au sol, le souffle court, saccadé. Asbel le fixa avec détresse.

-Qu'est-ce qu'on fait ? Bafouilla-t-il.
-Comme prévu. Tu vas dans le stade semer la pagaille, mais tu ne blesses personne. Cynthia t'a donné la liste des membres de Twilight présent dans l'opération, si tu vois un type qui profite du bazar et qui n'est pas sur cette liste, tu l'arrêtes.
-Et toi ? S'enquit le gamin.

Ritchie se tendit, et il posa un regard brûlant sur Asbel alors qu'il sifflait :

-Passe-moi Roigada. Tu peux te débrouiller avec les autres Pokémons d'Ambre et ton togetic.
-Quoi mais…
-Ambre n'a pas choisi ces mots à tort et à travers ! Elle a traité les types qui la tiennent de « fascinants » ça veut probablement dire qu'ils ont un but plus complexe qu'on ne le croit. Elle a aussi dit qu'il fallait guetter le bon moment, donc elle…Est prête à se battre dès qu'on interviendra. Elle a parlé aussi de fantôme, ils utilisent des Pokémons spectres. Et de Psychopathes : « psy ». Elle veut qu'on amène Roigada jusqu'à elle.

Asbel écarquilla des yeux. Sans plus attendre, Ritchie récupéra la pokéball que lui tendait avec anxiété le garçonnet et se dirigea d'un pas de conquérant vers la forêt de Jade, une promesse muette saillant son chemin :

S'ils avaient osé toucher à un seul des cheveux d'Ambre, personne ne serait en mesure de les sauver de sa colère.

Ritchie avait pourtant oublié un fait essentiel : on n'emprisonnait pas le vent.

Non loin d'eux, regroupé en masse dans une clairière, tenaient fermement une gamine rebelle plaquée contre la mousse et l'humus. L'homme qui faisait chanter les proches de leur victime persiffla et raccrocha rageur. Aussitôt, celui qui empoignait l'adolescente, sous lui, la soutenant de tout son poids, répliqua :

-On fait quoi d'elle alors ? Si on la laisse encore aux deux incapables, elle va à nouveau tenter de s'échapper !

Il désigna du bout du nez, une grande gigue à la chevelure flamboyante, un adulte effeminé aux cheveux mauves, tenant un miaouss dans ses bras, qui grommelaient, leurs visages tuméfiés et parsemés de bleus. Jessie et James ravalèrent leurs égos avec rancune, survivants de l'attaque sur les Rockets, ils s'étaient ralliés comme tous les autres à cette organisation, et le payaient chèrement.

Ambre dont ils avaient la charge, qu'ils avaient poussé à diriger le premier appel –pour mettre en confiance la maîtresse de sinnoh- avait bien failli leur échapper. Ils avaient à peine relâché leurs vigilances une seconde, et la jeune Irving avait envoyé un coup de coude dans le plexus solaire à Jessie, écraser le point sensible de James et s'était enfuis.

L'affrontement avait duré trois secondes, en si peu de temps Ambre avait déboité une mâchoire et mis à terre trois autres types, avec une aisance féline, d'une marche feutrée, sans bruit, elle avait sauté sur un arbre, crocheté une branche d'arbre, prête à disparaitre dans un buisson pour toujours…Et là, un des hommes qu'elle croyait avoir anéanti avait dégainé une arme, et avait tiré trois coups. Brefs, expéditifs.

Des traits de feu léchèrent l'épaule et le bras soutien d'Ambre, elle avait lâché sa prise. Si elle n'avait pas eu le réflexe de faire un roulé boulé, elle se serait brisé le cou dans sa chute.

Ambre ne paraissait pourtant pas plus déçue par son évasion infructueuse, et elle gardait une mine insensible, inerte, alors même que l'homme au dessus d'elle l'avait à sa merci la plus total, capable des pires bassesses.

-Laisse-la, le chef va te tuer si tu la touches plus que de raison. L'argua son supérieur avec un rictus haineux.
-Elle m'a niqué les dents !
-T'es moche avec ou sans tes dents. Répliqua un des voleurs présents.

Des rires secouèrent la foule tandis que Jessie et James restèrent silencieux. Ils tressaillirent quand l'objet des moqueries de rebiffa :

-Allez quoi ! Le chef n'en saura jamais rien, il a le cerveau complètement cramé par l'hypnose ! Puis même, suffit de l'hypnotiser et couic, elle oubliera totalement sa punition la gamine !

Ambre, impassible jusque là, se répétant en boucle des consignes de sécurités qu'on lui inculquait depuis sa naissance, lança simplement :

-Quel intérêt de me punir si je ne me souviens pas de la punition ? L'acte perd tout son sens, autant pour vous, qui n'en tirerez aucune fierté, ne pouvant vous en vanter, que pour moi, qui ne retiendrai rien du tout.

Le visage au dessus d'elle se déforma sous la rage, écumant de haine, et mais elle ferma simplement les paupières pour se tirer de cette situation épineuse, les mots de son père, dans sa petite enfance résonnant en elle.

« Tu es une Irving ma fille, rien n'empêche les irving de faire ce qu'ils veulent ! Je voulais que Cynthia soit ta marraine, et je l'ai fait peu importe les risques. Et en tant qu'Irving, tu dois savoir te défendre pour ta liberté ! ».

Quand elle rouvrit les paupières, elle n'entendait même pas les nouvelles railleries qui fusaient en direction de son agresseur, rabroué par sa simple pique. Elle s'imagina comme le héros d'un de ses romans, pour calmer les battements incontrôlables et paniqués de son cœur.

Son ennemi bougea légèrement sur le côté pour fouetter l'air de son bras droit. Pas encore assez détendu, l'ouverture n'était passez large. Elle devait patienter. Quand il la forcerait à se lever, il allait forcément relâcher la pression, même une fraction de seconde, là, elle enverrait un coup dans l'entrejambe, suivi d'une roulade arrière pour se mettre hors de portée. Si elle pouvait, d'un mouvement de poignet, elle jetterait le révolver au loin, sinon, elle éviterait simplement les coups. Ils ne visaient pas ses poings vitaux, ce serait aisé. Elle devait juste serrer les dents. Les bandits avaient beau l'entourer, lui être supérieurs en nombre, si elle parvenait à se glisser dans l'angle mort d'une seule sentinelle, à se ruer dans un buisson, son adresse ferait le reste. Elle avait appris à se battre, à mains nues, et si elle parvenait à ramasser deux bâtons, ses cours d'escrime lui ouvriraient une voie. Elle savait sa marche presque inaudible, son éducation dans le désert lui avait conféré une agilité et une discrétion presque animale. Elle pouvait s'échapper, rejoindre sa marraine et la prévenir du danger.

Un rictus lui échappa. Juste quelques minutes.

-Utilise l'hypnose d'ectoplasma ! Lâcha l'un d'eux.
-Impossible, tu sais très bien que ça n'a aucun effet sur elle !

Evidemment, un Pokémon spectre, aussi fort se montrait-il, ne pouvait piéger dans son emprise que ceux qui croisaient son regard, et elle, elle était loin, à des kilomètres de là, dans le ciel, volant comme un oiseau, patientant pour fondre sur sa proie.

Ambre gomma toute expression de son visage. Ses ravisseurs ne devaient rien déceler en elle, ni peur, ni dédain, leurs réactions étaient trop imprévisibles. Elle scruta la foule de sbires qui l'encerclaient…8 visibles, au moins quinze, elle percevait le bruit de leurs respirations dans les buissons et dans les arbres. Ils se trouvaient en embuscade.

Cynthia se dirigeait droit dans un piège.

Plus elle passait du temps avec ces types, plus elle s'en assurait : ils n'étaient pas fous, ils n'affronteraient pas l'élite des dresseurs dans une attaque vaine, à peine dévastatrice. Non, ce qu'ils désiraient, c'était semer la zizanie dans l'organisation, briser les bases de confiances entre les colonnes fondatrices. Ils détruisaient une des têtes pensantes, Cynthia, en la faisant passer pour une traitresse, et en utilisant Ritchie, un ancien membre de Twilight pour attaquer de front, ils semaient le doute dans les troupes. Sûrement y-avait-il d'autres lames affutés qui menaçaient la conférence, mais elle ignorait le rôle de tous.

-Quelqu'un arrive. Ramasse-la, ça commence. Ordonna fermement le chef de l'escouade.

Comme elle le prédisait, la pression sur elle se relâcha, en revanche, elle ne s'attendait pas à ce qu'un fantôme translucide se substitue à son agresseur et l'enlace presque tendrement. L'air s'expulsa de ses poumons et elle suffoqua alors que l'être se fondait en elle comme un parasite.

Ambre serra les dents, et son corps se tendit dans un dernier spasme vindicatif alors que tout son être hurlait, comme une règle, une dernière volonté :

« Est libre celui qui le désire. »

Le corps d'Ambre s'affaissa, les yeux grands ouverts, étrangement sereins.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Shagi sursauta, brusquement, un gamin tout jeune venait de se faufiler de l'endroit où s'était enfuie Cynthia. Un mignon petit garçon avec un Togetic : inoffensif. L'irisien s'en détourna sans vraiment lui prêter attention.

Pourtant, quelques secondes plus tard, suivant le gamin, une silhouette familière passa en claudiquant dans son champ de vision, et son cœur rata un battement, son cri se perdit dans l'atmosphère :

-HARRY !

Sans se soucier des conséquences, des raisons, de la logique, il quitta son poste ; ouvrant une deuxième faille dans le bouclier de Twilight. Une fissure d'où quelques natu et hypnomade s'en extirpèrent comme les vers d'une gangrène invisible, dévorante.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

La maîtresse de Sinnoh s'avança vers le groupe de Makanie et Aaron, ceux-ci, surveillants les abords de la forêt de Jade haussèrent un sourcil, puis la saluèrent gentiment.

-Faites attention, des pokémons sauvages doivent se battre un peu plus profondément, on entend des bruits de bataille, l'avertit Makanie simplement.

Cynthia eut un sourire triste et s'aventura entre les arbres. Aaron l'observa, puis une pensée fusa dans son esprit, et il demanda à sa petite amie :

-Dis, si Cynthia est ici, qui surveille la sortie de secours de Yoann ?

Le frisson n'eut pas le temps de remonter la colonne vertébrale de Makanie, un crissement d'ailes fendit l'air, et seuls les sens aguerris de maître insecte d'Aaron lui permirent de comprendre ce qui se déroulait. Son petit ami se jeta sur elle et il couvrit le visage de la jeune femme d'une main alors qu'une poudre dodo s'abattait violemment sur eux.

La rouquine voulut saisir sa pokéball, se battre, mais elle se raidit, Aaron s'affaissant sur elle, épuisé, elle vit la silhouette de l'attaquant traître qui les mettait hors jeu.

Ritchie.

Son papilusion voletait à ses côtés, sans le moindre regret.

-H-h…Halt-Halte ! Bredouilla la jeune femme dont les paupières lourdes menaçaient de s'effondrer.

Son ancien collègue la contempla sans émotion particulière, et il lança simplement, comme justificatif à ses actions :

-Désolé, mais vous êtiez sur mon chemin et vous ne m'auriez pas laissé passer.

Une colère froide, sourde, naissant de l'incompréhension jaillit, bouillonna en Makanie, et aveugla ses instincts primaux, les derniers mots de Ritchie achevèrent de l'assommer plus efficacement que la deuxième salve de poudres.

-Je ne veux pas te blesser davantage Makanie, alors contente-toi de dormir.

La silhouette floue de son ami s'assombrit, pour ne finir qu'en vague forme diffuse se mélangeant avec les tâches du bosquet où il disparut.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Asbel déglutit difficilement, puis relâcha la pression, doucement, son togetic voleta, et sur son ordre, il fit sauter les caméras des journalistes, avant de boucher toutes les issues, entrée du stade par une dizaine de jeux de «protection ». Espérant, plutôt que de piéger les habitants du stade et empêcher les soutiens extérieurs de rallier leurs forces internes, stopper la vague de brigands qui tenteraient de s'infiltrer ici. Ritchie lui avait soufflé cette méthode, il l'écoutait, et il priait pour que lui aussi, arrive à son but sans causer de mal à ses anciens amis.

Ils n'avaient pas vraiment le choix.

Doucement, il se dirigea vers une des arcades sillonnant le stade, et il rencontra une montagne de muscles aux yeux bridés et aux cheveux bruns. Celui-ci parut surpris de rencontrer un gamin, et il se pencha vers lui pour lancer :

-Qu'est-ce que tu fais là, toi ?

Il ne dit rien, mais un énorme makogneur se dressa sur la seule route possible. Doucement, Asbel s'agenouilla près de Rattata, Raven, qui trottinait depuis quelques minutes derrière lui. Le visage d'Aldo s'adoucit et le champion de la ligue lança simplement :

-Tu cherchais ton Pokémon ?

Un sourire malingre lui répondit. Et Brusquement un Togetic fondit sur le maître, lui fichant un baiser sur chaque joue. L'énorme masse tituba, dans un bredouillement confus, et il tomba au sol, sous le coup du « doux baiser ». Makogneur réagit au quart de tour mais pas assez vite, Asbel retira la pierre stase autour du cou de Raven pour lui enfiler une ceinture force à la place.

Le coup de poing heurta le Pokémon souris, qui se releva inextrémis, et Asbel lança sans faillir :

-Raven, Effort !

Le Pokémon planta ses crocs dans un de sbras prédominant de son adversaire et leurs deux corps étincelèrent sous la capacité qui les mettait au même niveau de fatigue. Sans l'ordre de son dresseur, encore secoué, le Pokémon ne put répliquer quand Asbel enchaîna :

-Vive-attaque !

Le Pokémon combat s'effondra, K.O dans une grande cacophonie à peine couverte par le tumulte des journalistes, et quand Aldo reprit ses esprits, le gamin avait déjà pris la fuite, pour faire une autre victime.
Le champion envoya un message d'alerte à tous ses coéquipiers, et grâce au système de Christopher, Angèle et Gabriel, toutes les sentinelles se mirent en garde.

Mais c'était trop tard, le mal avait pénétré la souche. L'absence de Shagi et Cynthia se fit rapidement remarqué, ainsi que l'absence de réponse de Makanie et Aaron.

Le vent de la zizanie commença son chant dévastateur, sifflant entre les gouttes de pluies, son cri d'annonce couvert par l'orage grondant au loin.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Cynthia fit un pas dans la clairière, et son sang se glaça dans ses veines, la silhouette d'Ambre, étendue dans l'herbe, inerte, s'imposa à elle et lui coupa le souffle. Tremblante de fureur, ses yeux aussi gris qu'un ciel tumultueux, secoué par une tempête dévastatrice.

Les sbires parsemaient la clairière, et elle les sentait sans mal, dispersés tout autour d'elle, pour refermer, comme un étau fatal. Elle comprenait à présent pourquoi Ambre n'avait pas réussi à s'enfuir, malgré son entraînement intensif, malgré sa grande agilité. Si encore, elle avait été armée de ses deux épées, de ses Pokémons, elle aurait très bien pu s'en sortir seule ; mais dans de telle conditions…

La maîtresse de Sinnoh ravala son sourire quand l'homme face à elle, lui adressa un sourire tout juste édenté. L'œuvre de sa filleule à ne pas en douter.

-Si vous êtes ici, c'est que vous avez accepté notre marché.

Phrase inutile, remarque et conclusion stupide, ce gros tas ne lui plaisait déjà pas, un être insignifiant, inintéressant. Si Ambre ne lui avait pas fait remarquer dans un code maladroit le danger sou jacent, elle ne se serait pas méfier. Elle se força donc à se concentrer, à analyser la situation de la même manière qu'une ruine antique.

-Vous n'avez pas prévenu vos collègues, comme nous vous l'avons demandé ? Si vous avez désobéi, la fille est morte !

Cynthia siffla d'agacement. N'était-ce pas évident ? Si elle avait prévenue Marc, Pierre ou qui que ce soit de L'organisation, la conférence de presse aurait été annulée, et cet ennemi inconnu d'eux, auraient disparus avec Ambre pendant des mois, peut être l'éternité. Elle n'était pas bête au point de prendre ce risque.

-Donnez-moi vos Pokémons ! Objecta le bandit.

-Je ne les ai pas emmenés. Répliqua Cynthia en soulevant son manteau pour lui confirmer ses dires, sa ceinture ne portait aucune trace des sphères rouges et argentés.

L'être stupide, qui profitait de l'obscurité de la forêt pour lui cacher ses traits grossiers, fut secoué d'un rire gras, voyant déjà la victoire entre ses mains, sans savoir qu'elle allait lui glisser entre ses doigts graisseux.

-Bien. Dans ce cas, quelle est votre réponse à notre marché ?

Cynthia posa les yeux sur sa filleule, inerte, et son adversaire capta son regard.

-Elle va bien. L'hypnose n'avait aucun effet, donc notre Pokémon a du la calmer d'une autre manière.
-Quel Pokémon ?
-Ectoplasma.
-C'est un Pokémon poison, vous ne l'avez pas empoisonnée ? Gronda la blonde.
-Pas vraiment…Disons que…Ectoplasma a, instauré son esprit plutôt. Nous connaissons cette méthode.
-Moi aussi.

Cynthia avait coupé la parole de son interlocuteur, sèchement, intransigeante. Un regard noir posé sur son ennemi. Elle savait très bien les risques que comportait une telle méthode. Les Spectres intégraient leur victime et d'une poigne de fer, pervertissait le corps de son porteur, comme une épée de damoclès, elle stagnait, menaçait…

L'être colonisé restait conscient ; mais sa mentalité s'altérait, sa personnalité se tordait, se brisait, comme dans un immense cauchemar où la folie se partageait la tâche avec le désespoir.

Cynthia se força à ignorer les cauchemars que combattait sa protégée, alors qu'elle lançait froidement, la condamnant inéluctablement :

-Je ne vous livrerai pas les informations secrètes de l'organisation.
-QUOI ?

Ritchie sortit des bosquets devant les regards incrédules des bandits. Certains hurlèrent, désœuvrés des « qu'est-ce qu'il fout là lui ? Il devait faire diversion au stade ! », Mais la rage qui convergeait sur le rouquin glissait sur lui et intensifiait le brasier illuminant les pupilles furibondes du dresseur, fixant haineusement Cynthia. Insensible au ressentiment général, le chef de la troupe se ferma, furieux et ajouta son œillade meurtrière sur la maîtresse de Sinnoh une de plus.

-Dans ce cas, vous l'avez cherché.

Il entama un geste en direction d'Ambre, mais Cynthia lui coupa la parole et lança aussitôt :

-J'ai mieux à vous proposer !

Elle siffla, et un cri répondit à son appel, un rugissement puissant. Un immense togekiss se fraya un passage entre le feuillage et se posa devant eux. Les bandits dégainèrent leurs pokéballs, prêts au combat. Mais ils se figèrent de stupéfaction devant le cadeau que la blonde leur offrait.

Méfisto et Gilles, inconscients, reposaient sur le dos de la créature. Les survivants de la Team Opale frémirent imperceptiblement, tandis que Jessie et James, feulaient, comme Miaouss :

-Et Giovanni ?
-Il ne se trouvait pas dans notre prison, il a disparu pendant l'attaque.

Cynthia releva le regard et répliqua :

-Ce marché vous plait-il ?

Déjà, des sbires se mettaient à plusieurs pour décharger le togekiss de son précieux chargement, sereins. Ritchie grinça des dents, mais se tût. Cependant, quand leurs opposants mirent leurs présents en lieu sûr, le chef afficha un rictus victorieux :

-Parfait.

Il leva le bras, comme une poignée de main amicale, et une Ombre violacée auréola le corps d'Ambre pendant une seconde, comme s'apprêtant à la déserter. Mais au contraire sa prise s'assura sur elle et l'adolescente, les yeux révulsés poussa un hurlement. Ritchie manqua de se ruer sur son amie, mais Cynthia le retint, et cracha :

-Qu'est-ce que cela signifie ?

L'ennemi sourit machiavéliquement, et croisa les bras, supérieur.

-Vous croyiez sincèrement que nous allions laisser un si bon moyen de pression nous échapper ? Vous êtes vraiment stupide. Nous avons besoin d'espions permanents chez twilight, et vous serez les nôtres.

Mais à sa plus grande surprise, Cynthia et Ritchie lui renvoyèrent un rictus diabolique en retour.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

-HARRY !

La silhouette qui se faufilait, fendait la foule se stoppa nette et se retourna lentement, pour voir un Shagi se jeter sur lui et l'enlacer sans ménagement. Puis, pendant une brève seconde, la réalité rattrapa l'irisien, qui se détacha dans un bond de sa victime. Il la toisa de haute en bas, comme s'attendant à voir que son imagination lui avait joué un vilain tour.

Pourtant, c'était bien lui, même s'il s'appuyait sur une canne, il possédait le même regard mordoré qu'il avait toujours connu et sa tignasse bleue claire, en pétard, tombait devant son visage de manière désordonnée sans qu'un chapeau ne la camoufle.

Plus que la colère, qui aurait du l'envahir, le soulagement gagna l'irisien, qui reprit son ami dans ses bras tout en s'étranglant, murmurant désespérément :

-Je savais que tu étais vivant ! Je le savais !

Sa prise se resserra, et le gamin entre ses bras resta muet de stupeur, puis bredouilla :

-T-Tu as quitté Irisia ?

Son ami d'enfance redressa la tête, ses iris noirs rougeoyant d'une colère contenue et il siffla :

-Evidemment qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais rester chez moi alors que tu avais disparu comme ça ? Sans un mot ?
-Mais…
-Cette fois je ne te lâche plus, tu viens avec moi, on va voir Peter !

Shagi saisit la main –se fichant de la peau glacée- de son camarade et l'entraîna sans mal vers la loge qui abritait le frère aîné d'Harry. Et Si l'irisien croyait le traîner de force vers sa famille, il ne remarqua pas le sourire qui étira les traits du visage derrière lui.

-Il est là ? Lança-t-il dans un sifflement.
-Evidemment ! Twilight a été créée pour te retrouver ! Y-a aussi Makanie, Marc et Pierre !T'as vu, j'ai finis par les rencontrer ! j'ai finis par rencontrer toute ta famille ! Tous tes amis ! On t'a tous cherché Harry ! Mais enfin qu'est-ce qui t'as pris de t'en aller comme ça ?
-Désolé.

Si Shagi avait tendu l'oreille, avait su écouté la méfiance qui hantait sa conscience, il aurait perçu l'écho faux, superficiel dans la voix de son ami. Mais il ne l'entendit pas, ou plutôt, refusa de l'entendre. Il le tenait, là dans ses mains, il percevait la pulsation vitale palpiter dans sa paume, il ne les quittait plus, et c'est tout ce qui lui importait en cet instant.

D'un geste brusque, Shagi effaça dans un coin de sa manche, les larmes de joie qui menaçait de perler, et son sourire attendri.

Qu'allait dire Arisa ? Et Peter ? Et Makanie, Pierre, marc ? Eux qui l'avaient déjà enterré ! Eux qui avaient perdu espoir, espoir en la vie ! Espoir en lui !

-Peter a aidé pendant des années à chercher un remède pour ta jambe, il a même contacté un expert à l'étranger ! Un vrai, qui lui, pourra te soigner Harry !

Il savait, cette vérité s'ancrait en lui, Harry ne pouvait pas disparaître ainsi, son heure ne sonnait pas, son cœur était trop gros, trop généreux pour cesser de battre, il n'avait pas besoin de se reposer si longtemps, aussi malmené qu'il avait été ! Le ciel ne le méritait pas, il y avait déjà trop de monde au paradis, qu'on leur laisse leur ami ! Shagi n'était pas préparé à voir le corps d'un de ses amis plonger à pieds joints dans une tombe : il ne le connaissait pas assez, il ne savait même pas quelles fleurs il préférait, s'il désirait être incinéré ou enterré. Harry était trop jeune pour se retirer ainsi. Il refusait de penser qu'une volonté divine puisse lui ôter son meilleur ami ainsi.

Si Arcéus existait réellement il n'avait pas le droit de lui enlever Harry alors que tant de gens l'aimaient, qu'il avait illuminés toutes les existences qu'il avait croisé !

-Arisa t'a cherché partout, elle a sillonné tout Sinnoh pour te retrouver ! Marc et Pierre ont toujours les billets du pokéathlon auquel ils voulaient t'inviter ! Makanie, mon père, tantine…Ils t'attendent tous, à irisia, prêt à tout oublier, à partager un repas ensemble comme avant !

Shagi jeta une œillade par-dessus son épaule, et la vision de son ami qui le suivait docilement lui gonfla le cœur d'allégresse, de certitude, il raffermit sa prise sur lui, et une supplique, une prière, unique, sonna entre eux :

-Ne t'en va pas.

Harry leva les yeux vers lui et lui sourit innocemment avant de secouer la tête négativement en murmurant en réponse :

-Ne t'en fais pas. Pas cette fois.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «


« Vous croyiez sincèrement que l'on va accepter sans se battre ? »

La phrase frappa, secoua la foule de bandits qui s'émoustilla, troublée. Ritchie se força à serrer les dents quand un nouveau hurlement douloureux d'Ambre sonna à ses oreilles. Et le chef improvisé de l'escouade rugit :

-Pour qui vous vous prenez ! Vous avez perdu ! Vous n'avez pas de Pokémons ! Vous êtes seuls contre nous et en plus nous avons Méfisto et Gilles avec nous alors que vous n'avez toujours pas la gosse !

Cynthia ricana, et elle lança :

-Métamorph revenez ici s'il vous plait !

Les corps inconscients des dirigeants d'Opale se murent légèrement, puis frémirent avant de se liquéfier, pour se distinguer comme deux formes molles et caoutchouteuses, définitivement roses. Les deux Pokémons oscillèrent de droite à gauche, et rampèrent avec agilité jusqu'à Cynthia qui caressa sans se répugner de la surface gluante.

Les membres d'Opales affichèrent une mine catastrophée et Cynthia haussa les épaules, ravie :

-Vous connaissez la grande éleveuse de métamoph, Duplica ? Ils sont à eux…Oh, et celui-là aussi !

Elle souleva son manteau, et sa ceinture, vide de toute pokéball tressaillit avant qu'une masse gélatineuse ne remonte le long du corps de la maîtresse de Sinnoh, pour se ficher sur l'épaule, laissant apparaitre à son emplacement six belles sphères étincelantes.

-Dites bonjour à mini-méta ! Rit la blonde alors que le Pokémon imitait un salut militaire, ironique.

Une exclamation terrorisée ébranla la bande de brigands. Mais le chef improvisé grinça des dents et éructa :

-Idiots ! Nous sommes plus de 15 et elle, elle est seule ! Toute championne qu'elle est, nous l'aurons à l'usure !

Si certains se rengaillardirent ; Jessie, James et miaouss préférèrent s'éclipser discrètement au moment précis où Ritchie lançait avec rancune :

-Elle n'est pas seule !

Sans plus attendre il dégaina ses pokéballs, un Tyranocif grogna puissamment, Cruise, accompagné de Sparky, le pikachu, son papilusion, Pyro son dracaufeu, et Rose, sa hélédelle.

La lueur de défi brillant dans les prunelles, autant du dresseur que des Pokémons apeurèrent les bandits.
Ils voulurent se défendre, mais Ritchie ne leur en laissa pas le loisir, son équipe fendit l'air. Cynthia leva le bras et son regard d'acier se durcit alors qu'elle rugissait :

-Personne ne touche à ma filleule !

Togekiss fendit la masse, et un carchakrok fit tomber tous les sbires en embuscade d'un giga-impact furieux.

Les sbires tombèrent un à un, comme des feuilles, parfois sans même sortir leurs pokéballs, c'était un vrai carnage, sans les tuer, ils les laissaient disloqués sur le rebord, inconscients, nécessitant des soins urgents.
Le chef recula, puis avec un rictus terrifié, il se précipita vers Ambre et la saisit par les épaules.

-NE LA TOUCHE PAS !

Un coup net, sec et précis atterrit sur sa joue, et il valdingua plus loin alors que Ritchie se précipitait vers la jeune fille, sortant le Roigada, Léon de sa pokéball. Le Pokémon mollusque se dressa fièrement et son joyau frontal s'illumina. Ambre se cambra et saisit sa tête entre ses paumes, victimes d'un puissant choc mental.

Le roux frissonna en voyant la douleur qu'il infligeait à la fille qu'il aimait et il douta une seconde, alors que son emprise se resserrait sur elle, dans une étreinte désespérée, désolée. L'aura noire qui s'était emparé d'Ambre frémit.

-Ectoplasma ; attaque Cauchemar ! Rugit le dresseur du Pokémon, avant que Cynthia n'ordonne à Togekiss de lui faire faire un vol plané.

Le nuage noir qui s'empara de la gamine s'harmonisa, puis implosa, repoussant tout le monde. Ambre donna une violente gifle à Ritchie qui vacilla, les prunelles écarquillées.

Cynthia s'avança, mais Ambre recula, debout, les prunelles floues, dilatées, la respiration saccadée, mais consciente, elle rugit d'une voix spectrale :

-RECULE : Tout ça c'est de ta faute ! C'est ta faute si je suis dans cet état, si papa a été blessé ! Si j'ai du arrêter mon voyage ! DEGAGE ! DEGAGE !

La blonde s'arrêta nette, et Ritchie le cœur serré, contempla Ambre, stupéfait.

-Qu'est-ce qui lui arrive ? Balbutia-t-il.
-L'attaque cauchemar. L'ectoplasma en elle utilise ses pouvoirs pour la contrôler, la rendre confuse…Enfin…non pas vraiment, disons qu'il manipule ses vielles rancunes et les utilise pour ses desseins. Plus la haine est grande, plus l'être devient conscient et a la véritable impression d'être dans la réalité. Pendant longtemps, on a utilisé cette technique comme drogue dans l'antiquité. Pour que les soldats des armées n'aient pas peur de la mort ou se battent jusqu'à la fin contre l'ennemi. Expliqua simplement Cynthia avec une grimace.

Elle fit un pas, et Ambre recula à nouveau, en se recroquevillant. La maitresse de Sinnoh soupira :

-Au moins, elle ne me voue pas une haine assez grande pour m'attaquer…Mais je…ne peux rien faire…
-Qu'est-ce qu'il faut faire ?
-Lui faire reprendre ses esprits. Avec une attaque psy ou une émotion forte. Il faut qu'elle expulse l'ectoplasma très vite…les toxines d'Ectoplasma sont dangereuses pour l'organisme humain, et le spectre doit avoir fait baisser sa température de manière beaucoup trop importante. Elle est au bord de l'hypothermie, d'où son coma de tout à l'heure.

Ritchie s'insurgea, un brasier consumant flamboya en lui et si ses Pokémons ne mataient déjà pas les monstres qui osaient faire endurer ça à Ambre, il les aurait démontés à coups poings, malgré son pacifisme. D'un bond, il se remit sur ses jambes et s'avança vers l'adolescente qu'il admirait en soufflant :

-Ambre, Ambre c'est moi…Ritchie !

La blondinette leva les yeux, et gémit. Elle ne bougea pas, ne lui proféra pas le moindre reproche, mais elle s'agenouilla et déglutit, hoqueta.

-Non…Non…Je sais pas…Ritchie…Je sais pas Ritchie ! Je…

L'adolescent posa ses mains sur les épaules de son amie et lui sourit avec compassion.

-C'est pas grave Ambre…Je suis là, c'est fini maintenant…
-O…où t'étais… ? Tu n'étais pas là…j'avais beau hurlé tu ne venais pas…t'es jamais là quand j'ai besoin de toi…t'es…

Ritchie l'enlaça de toutes ses forces.

-C'est fini Ambre maintenant ! Je serai là, je te le promets ! Promit-il la voix brisée.

Cynthia tressaillit alors que l'ombre noir léchait les bras de Ritchie lentement, comme un parasite, et elle s'époumona :

-Petit, éloigne-toi ou tu vas être pris dans le cauchemar toi aussi !
-Je sais.

Ritchie tourna la tête en direction de Léon le roigada, et il murmura un ordre, bref, simple et précis. Le Pokémon hocha gravement du chef et le rayon violet les paralysa tous les deux. Alors que le Psyko s'abattait sur eux, Ambre leva la tête vers Ritchie et balbutia :

-Je ne veux pas rentrer à la maison.

Leurs prises l'un sur l'autre se resserrèrent, et l'étreinte se fit désespérée.

-Alors dans ce cas nous rentrerons pas…Je t'emmènerai avec moi en voyage, rien que tous les deux.

Le regard d'Ambre s'illumina de bonheur tandis qu'il se voilait progressivement, un sourire trancha sa frimousse comblée et elle murmura :

-Aussi libre que le vent ?

Ritchie hocha du chef et répliqua :

-Et plus encore…

Leurs lèvres se cherchèrent une brève seconde puis se touchèrent, s'unirent enfin.

L'onde noire mourut sous l'influence de la capacité Psy, et l'ectoplasma s'extirpa du corps d'Ambre dans un mugissement inhumain. Le fantôme sauta, puis Cynthia l'acheva sans remord, son corps chut sur l'herbe, immobile, ne pouvant plus causer de tort à personne.

L'adolescent s'affaissa, et elle chuta, glissa le long du corps de son ami, dépossédée. Son regard vert prairie se posa sur celui de sa marraine et elle souffla :

-Désolée…
-Ce n'est pas grave Ambre…Voir le sourire édenté de l'autre me suffit amplement, je suis fière de toi, tu t'es bien battue…Et ton roigada est impressionnant. Répliqua La maitresse de sinnoh, rassurée.

Sa filleule papillonna des paupières, et sa main se crispa sur celle de Ritchie, elle inspira profondément, cherchant ses mots, ses forces, avant de balbutier :

-Il y a un garçon…Avec moi…Il était aussi soumis quotidiennement à l'hypnose des Pokémons psy…Et lui, il n'arrivait pas à résister…Il faut que tu l'arrêtes…Il…Ils l'ont envoyé dans le stade…Il s'appelait…Il s'appelait…Harry…

Puis sa tête dodelina et heurta le torse de Ritchie, qui tressaillit au contact de sa peau glacée. Lentement, il la secoua, mais elle resta immobile, sans réponse. Et la phrase qu'elle lui avait adressée un peu plus tôt dans la journée sonnèrent dans le lointain.

« La mort n'est pas une séparation, juste une renaissance. »

Un sanglot déchira la quiétude enfin recouvrée de la forêt de Jade.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

-Shagi…

L'irisien se tourna vers son ami, alors qu'ils parvenaient presque à la porte de la loge, où regardait la conférence de presse de Peter. Quelle tête il tirerait, cet abruti !

-Pas maintenant Harry ! Peter est juste là-bas ! Je sais que tu en as marre de ta famille, mais elle t'aime Harry ! Elle s'inquiétait pour toi ! Tu dois allez la voir, leur dire, leur montrer que tu es vivant !

Harry face à lui, le fixa doucement, sans émotion, puis son visage se durcit alors qu'il lançait froidement :

-C'est vrai que toi…Tu t'y connais en famille. Tout Irisia te considère comme son fils, tu es l'enfant du monde, c'est ça, si je me souviens bien ? Tes parents sont quoi, déjà ? Agent secret, c'est ça ?

Shagi se figea, et un frisson lui remonta le long de l'échine. Il scruta la frimousse impassible de son camarade de jeux, et ses sourcils se froncèrent alors qu'il balbutiait, perdu :

-Harry ? Qu'est-ce qu'il y a ?
-Ils mentent tous Shagi. Tous. Ma famille ment en disant qu'ils m'aiment, et la tienne te ment depuis des années. Ce monde est couvert de menteurs, d'ordures de la pire espèce.
-De…
-Tu n'es pas l'enfant du monde Shagi, tu es le fils d'une fille d'un pays en guerre bien au-delà de la mer ! Une fille de quinze ans qu'a été violé pendant la destruction de son village ! Une fille qui s'est débarrassé de toi en te confiant à un marin qui passait par là !

Cette fois le sang de Shagi se glaça alors qu'il voyait son secret le plus profond, une vérité que seule son premier amour avait connaissance, une part de lui-même qu'il enterrait si profondément dans les tréfonds de son être qu'il parvenait parfois à l'oublier. Comment…Comment Harry avait-il appris ça ?

-Et tu sais quoi ? Ils te mentent depuis des années : Ton père a beau te dire qu'il va la ramener, trouver un moyen légal de vous réunir à nouveau, c'est un mensonge ! Et tu sais pourquoi ? Parce qu'elle est morte ! Elle est morte l'été même où elle t'a confié à ton père ! Son village a été rasé de la carte par les pokémons des ennemis ! Et ton père il t'a menti là-dessus pendant des années ! Il…
-TAIS-TOI !

Shagi relâcha la prise de son ami pour se boucher les oreilles violemment, Harry ne bougea pas d'un pouce ainsi rejeté, et il asséna sans la moindre once de regret :

-Tu n'es pas un enfant du monde Shagi, t'es l'enfant de personne. Un enfant que personne n'a jamais voulu et qui aurait du crever avec ta traînée de mère !

L'irisien releva les yeux vers son ami et arma son poing, et il se jeta sur lui avec la ferme intention de lui faire ravaler ses paroles, mais il fut arrêter en plein milieu de son bond.

Un hoquet étranglé échappa à ses lèvres et un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres. Sa vision se voila d'une légère écharpe de brume, et il fixa avec hébétude son ventre, le centre névralgique de la douleur qui avait fusé dans tout son être.

Il discerna un Motisma, surgissant du corps d'Harry, et qui enfonçait une de ses pattes électriques juste au dessus du nombril de l'irisien. Le Pokémon orange fit un tour sur lui-même et son sourire spectrale s'effaça, alors que Shagi s'effondrait au sol, les muscles raides.

Shagi tendit la main, et ses doigts effleurèrent sur le pan de pantalon de son camarade, puis secouées d'un spasme, tout se relâcha. Les battements de son cœur cognèrent, martelèrent son crâne, puis cessèrent, tout simplement. La dernière image qu'il emporta fut la frimousse d'Harry, moqueuse, hautaine, au dessus de lui, juste fier d'avoir assassiné son meilleur ami.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

Gold soupira une énième fois, et porta son regard sur le salon du chalet, le cœur lourd, comme contaminé par la pluie battante au dehors.

Assis à même le sol, il observa Lucas, qui tremblant essayait de se concentrer sur une partie d'échec, face à Cristal –qui ne connaissait pas les règles et jouait tellement mal que parfois la grimace terrifiée par l'orage de sa frimousse esquissait un rictus amusé.

Avec un tel temps, impossible de sortir entraîner ses Pokémons, et toutes les créatures des enfants pagaillaient un peu partout dans la demeure. Capumain avait d'ailleurs trouvé nombres de compagnons de jeu d'acrobates, et plus d'une fois, une chose non identifiée avait raté son looping entre deux mezzanines pour atterrir sur le plateau de jeu de société. Avec ça, il n'allait pas entendre parler de sa sœur avant un bon moment.

Comme pour confirmer ses pensées, le fouinard de Christopher, Foufou, et Pilou, s'écrasèrent lamentablement devant les gamins, et dans un cri se carapatèrent, se réfugiant dans la cheminée, sous le rire clair d'Eléa.

Akira quant à lui, grogna ostensiblement, refusant toujours de laisser Sam hors de sa vue –la jeune fille ne faisait apparemment toujours pas ses nuits-. D'un geste rageur, il remit un oreiller sur sa tête. Oreiller qui se révéla être en fait le siège de Feurisson, qui le lui fit bien payer. Le hérisson d'Eléa finit dehors sous la flotte, quelques secondes plus tard, avec un bon coup de pied au derrière, malgré les reproches de sa dresseuse.

Décidément, s'il était ainsi à chaque fois qu'il ne dormait pas assez, Gold se sentait prêt à investir dans le commerce de somnifères.

De son côté, Régis lisait un livre, tout en surveillant d'un œil Christopher et Angèle qui marmottaient dans leurs coins, sur des sujets ô combien complexes et surréalistes provenant d'eux. Le pire, c'était de voir Gabriel participer, et rajouter moult détails sur tel circuit intégré à sa mémoire vive –ou autre engin électrique que Gold parvenait tout juste à mettre en marche-

Sur la table, entre les assiettes sales qui patientaient pour être prises en charge, Eléanore, sur les genoux de Daniel, affrontaient Sam aux cartes. Chacun trichant de manière flagrante grâce à leurs Pokémons, l'un usant de son pouvoir, l'autre de ses signaux, et enfin la dernière, de sa chance de cocue. Car oui, avoir le cul bordé de nouilles à ce point, c'était de la triche aussi ! La brunette, sœur de Silver, continuait de gagner sans cesse, alors qu'ils tenaient à peu près ces propos laconiques :

-C'est quoi la plus forte paire au juste ?
-Aucune idée.
-Qui sait jouer au poker en fait ?
-Pas moi.
-Moi non plus.
-…Alors à quoi on joue ?
-Pas au Strip poker heureusement.
-Ah…Et c'est marrant, le strip poker ?
-Bah, si tu veux finir toute nue devant tout le monde…
-Ah ouais ! Ce serait marrant !

Et aussitôt Daniel détournait le regard, gêné, et Dracaufeu menaçait de cracher de nouveau ses flammes.

Quelle bande de dégénérés ils formaient tout de même…ET malgré ça, il s'emmerdait royalement.

Samantha n'avait pas la force de pardonner et de feindre la relation qu'elle entretenait auparavant avec Silver, parfois des disputes comme autrefois explosaient, à d'autres instants, ils discutaient comme de rien, mais l'atmosphère lourde de sens qui stagnait entre eux dénonçait ce mensonge aux allures bien vaines. A tel point, que certaines personnes du groupe préféraient encore le roux été la brune ne s'adressaient pas la parole pour ne pas pressentir cette embarras chez l'un, le regret chez l'autre.

Silver, justement, derrière son dos, allongé sur le canapé, réfléchissait les yeux fermés –traduction : il faisait la sieste en espérant que les corvées allaient être miraculeusement parties à son réveil- Et son souffle régulier tombait sur la nuque de Gold.

Inspiration. Expiration. Encore, et encore.

C'était insoutenable ! Et Gold ne pouvait même pas se lever sans risquer de subir une honte publique.

Le brun soupira une énième fois. Encore.

Il aurait bien été volontaire pour la mission de la conférence de presse, mais étant « officiellement mort », on le lui avait refusé ce droit. De toute façon, Pierre et Marc participaient, et s'il y avait bien une chose dont Gold était certain : c'était bien qu'il ne voulait pas les voir ensemble.

Une image mentale trop forte, et il manqua de s'étouffer, écarlate, et Silver n'arrangea rien, quand dans son sommeil passa un bras autour du cou de son coéquipier. On voulait l'étrangler, le tuer ! Au meurtre !

Vite, une distraction, penser à un autre sujet ! Le dresseur au capumain paniqua, cherchant frénétiquement une alternative pour obliger son esprit à dériver. Son regard mordoré tomba sur le journal du matin, posé sur la table basse, et il s'en empara.

Grave erreur, le premier article qu'il lut, juste à côté de la photo de Lys Mahery, toujours disparue, fut une enquête sur la prolifération des homosexuels dans la société. Cristal lui fit un coucou de la main, ravie de son jeu, de l'autre bout de la pièce. Et Silver grogna alors qu'il resserrait sa prise tendre sur lui. Eléa ricana devant la scène, complice.

Un complot ! Une organisation plus maléfique que toutes les Teams réunies, ils se liguaient TOUS contre lui !

Gold s'affaissa, rendant les armes, le rouge aux joues, le cœur palpitant, il caressa simplement la paume ouverte de Silver qui pendait sur son épaule.

Déprimé, il inspira. Les conseils du couple qu'il avait rencontré ne lui apportaient guère d'aide, et à vrai dire, il ne regarderait plus jamais les balais de la même manière, ni même son coéquipier roux.

Il se prit la tête entre les mains, confus. Tout semblait si simple avant cette discussion ! Comment ? Comment ça avait pu tourner ainsi ? Puis en plus, quel genre de signe d'invitation devait-il attendre au juste ? Marc lui avait dit qu'il ne pouvait rien tenter avant d'être certain, mais en même temps, qu'est-ce que cela signifiait ? Qu'il devait attendre que Silver tombe amoureux d'une fille ou de lui ? Quel choix !

Ses tourments prirent fin très rapidement, Silver n'avait jamais été un dormeur très passif, et en envoyant un coup de pied dans le dossier de son lit improvisé, il chuta littéralement sur lui, sans se réveiller pour autant. Gold couina.

Il couinait…De mieux en mieux !

Cristal sourit de toutes ses dents, et Sam, après avoir jeté un coup d'œil rapide sur le groupe, se détourna, bien décidée à ne prêter que peu d'attention au rouquin le temps que ses sentiments se tassent.

Mais quel groupe d'insensibles ! Ils pouvaient au moins l'aider ! La dernière fois que le brun avait côtoyé le roux pendant une nuit, il avait fini avec un œil au beurre noir !

Grommellement, rires camouflés des spectateurs, rythme cardiaque effréné, pulsant dans sa poitrine, Gold se renfrogna, et se résigna à rester ainsi.

A Jadielle, les autres devaient être loin de ce genre de problèmes, et bien s'amuser…

Dégoûté, et malgré tout, heureux de ce contact, Gold arrêta de soupirer, savourant simplement, puisque l'avenir incertain lui susurrait vicieusement qu'il ne le subirait peut être jamais officiellement, volontairement.

« « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «
Peter tressaillit quand la porte derrière lui crissa, mais il resta impassible. Marc et Pierre avaient déjà fait le tour, pour essayer de le faire revenir sur sa décision, Marion avait même tenté de l'embrasser pour le ramener, personne, qui que soit le nouveau venu, ne pouvait lui faire retourner sa veste.

Il avait pris sa décision, il en avait juste assez. Il était las de tout cela.

Il perçut à peine le battement d'aigle et ne discerna pas l'ordre murmuré, le « regard noir » qui envahit la salle. Ce ne fut que quand l'aura rouge teinta son paysage qu'il fit volte-face, et son souffle mourut dans le fond de sa gorge.

Harry se tenait droit devant lui, avec un simple sourire naïf, innocent. Le gamin leva le bras et il lança évasivement :

-Salut, ça faisait longtemps frangin !

La vue de Peter se brouilla de larmes, et si toute sa conscience, toute sa raison lui hurlait qu'il hallucinait, il allait se jeter sur son frère, faisant fi de l'illusion, désirant simplement le serrer contre son cœur, il se pétrifia.

Harry tenait quelque chose, traînait un poids lourd.

Shagi. Les yeux grands ouverts.

-Harry…Balbutia-t-il, dans un hoquet.

Le concerné haussa les épaules, et faussement peiné, il répliqua :

-Comment ça ? Après tout ce temps, pas une étreinte ? Pas même une accolade ? Tu me déçois Peter, quand même !

Le ton condescendant, narquois, vibrant de raillerie, d'ironie stupéfia l'aîné, et un haut-le-cœur le secoua brusquement. Il délirait. Il faisait un énorme cauchemar. Sans ménagement, Harry jeta son ami qui roula comme une marionnette démantibulée jusqu'aux jambes du maître de Kanto.

-Et lui ? Tu vas le laisser mourir sans rien faire aussi ? Si tu n'entames pas un massage cardiaque, il va crever tu sais ? Mostisma l'a littéralement transpercé, il a dut se prendre une bonne secousse !

Comme pour confirmer ses dires, le Motisma surgit du métabolisme de son cadet et grésilla, comme secoué par un rire. Comme foudroyé sur place, Peter se mit à genou et palpa le cou du gamin brun, sans percevoir la moindre pulsation. Paniqué, il passa une main sur sa bouche et perçut encore le réflexe respiratoire, qui s'éteignait peu à peu.

La sensation de chaleur sous ses doigts, la rudesse du sol, de la terreur le frappa, tout entier, le dévora alors qu'une pensée tombait sur lui, qu'il encaissait comme une lame de guillotine frôlant sa nuque :

Ce qu'il vivait se révélait réel.

-Qu'est-ce que t'attends ? Qu'il meure ? L'argua Harry sans défaillir.

Peter releva la tête et se mit à califourchon sur le corps de Shagi, tira son bras de son bandage en écharpe et plaça ses mains sur le torse inanimé de l'irisien. Dans la précipitation il appuya trop brusquement et eu peur d'avoir brisé une côté, mais il se ravisa et s'obligea à calquer ses mouvements sur ses propres pulsations affolées qui secouaient ses membres. Après dix coups répétitifs il releva la nuque de l'adolescent et posa ses lèvres sur les siennes pour lui insuffler un peu de son souffle. Aussitôt, il se redressa, et réitéra son geste, deux fois, trois fois, quatre fois….Il ne perdit le compte.

Mais le cadavre restait insensible aux soins d'urgence, le regard voilé, fixant l'infini dans une expression tétanisée par l'étonnement. Loin de la frimousse mélancolique, poétique qu'il arborait en contemplant les rivages de son île.

Un sanglot remonta le long de la traché de Peter et il balbutia :

-Shagi ! Shagi respire enfin ! Tu veux quand même pas que je t'embrasse encore longtemps ! Arisa va me tuer ! Arisa va vraiment me trucider si tu me meurs dans les mains Shagi ! T'es un Lion Shagi, tu peux pas crever comme ça, allez bat-toi ! N'abandonne pas ! Bat-toi ! Tu m'entends !

Il envoya son poing plus fortement et l'irisien tressauta sous sa prise. Un nouvel élan gonfla les muscles de Peter, qui rugit :

-Allez Shagi ! Y-a qu'Arisa qui a le droit de te tuer tu m'entends ! Tu peux pas…

Harry impassible, remarqua le doigt de Shagi, qui se souleva légèrement, et il fronça les sourcils, avant de siffler :

-C'est à ce moment là, que les urgentistes envoient des électrochocs, non ?

Motisma ricana, et Peter put tout juste relever la tête qu'un éclair les frappa tous les deux, il hurla à s'en déchirer les poumons et fut propulsé au loin, sa tête heurta violemment le mur et il perçut la fausse excuse de son cadet qui lançait : « Ah, j'ai oublié de dire « dégagez ! » Oups ! ».

Mais Peter ne s'autorisa pas de répit, il se redressa et se remit en position pour continuer les mesures préventives, et quand Harry ordonna de nouveau une attaque éclair, il assura sa prise pour ne pas quitter Shagi.

Il se recroquevilla, lourdement blessé, des brûlures commençant à ronger sa peau, mais il continua de regarder, fixer Shagi avec désespoir, espérant sentir de nouveau la pulsation vitale dans sa poitrine.

Nouvel ordre, nouvel éclair, nouveau cri.

Peter toisa son frère, qui se tenait là alors que son meilleur ami agonisait, et les mots, l'incompréhension vrilla en lui, surgit avec la violence de la douleur de la trahison :

-POURQUOI TU FAIS CA ?

Harry parut pour la première fois secoué, il vacilla, et son regard mordoré, légèrement dilaté, il scruta une seconde le vide, avant de se durcir.

-Pourquoi ? Pourquoi ? répéta-t-il avec haine.

Il pointa du doigt son aîné, accusateur et s'écria :

-Pourquoi TOI, tu te mets toujours en travers de mon chemin ? Tu refusais que je devienne pokéathlète ! J'ai hurlé Peter ! J'ai hurlé pendant des heures, tu avais juré que tu me protégerais, que tu m'empêcherais de devenir dracologue, des parents, de la tradition, et t'es jamais venu ! Même quand j'ai déchiré mes poumons ! Même quand j'ai pleuré, quand j'ai supplié ! T'es jamais venu !

Il se crispa, et il secoua la tête avec rancune :

-Et tu continues à te mettre en travers de mon chemin ! Pourquoi ! Pourquoi t'as créé Twilight au juste ? Hélio m'avait pris sous son aile, il m'aidait, tout s'arrangeait ENFIN et t'as tout gâché ! Avec votre bande de Héros vous l'avez envoyé en prison ! Tu essayes de nous arrêter !

Peter ouvrit la bouche, alors que les flashs de l'arrestation de la Team Galaxy, bien des années auparavant, le jour où il avait recruté Sacha –le responsable de l'arrestation des bandits-.

-Et en plus tu refuses de crever ! J'ai beau tout essayé tu refuses de crever correctement !

Il ouvrit le bras et sa paume se posa sur la silhouette de Theodd sur l'estrade et il s'époumona :

-A Eternara y-a une salope qui t'a poussé pour éviter que tu crèves sous mon attaque ! Et là t'es même pas sur l'estrade ! T'es bien planqué dans ton coin !

Shagi toussa bruyamment et inspira une grande goulée d'air sous les doigts de Peter, mais celui-ci resta figé, inerte.

C'était Harry…Harry qui avait orchestré la tentative d'assassinat qui avait failli l'emporter sans l'intervention de Salomée ? C'était…C'était son propre frère, la raison pour laquelle qu'il avait crée Twilight, qui cherchait si ardemment à la détruire ?

Son cadet ricana, dans un rictus haineux, supérieur, il toisa son frère qui rampait à ses pieds aujourd'hui, et il cracha :

-Mais c'est peut-être mieux comme ça. Toi tu m'as bien empêché de me suicider, tu m'as bien envoyé à irisia après ma tentative pour m'arrêter…Alors je vois pas pourquoi je t'autoriserai à mourir après tout…

Il passa une main dans sa chevelure et rit sauvagement, comme pris d'une illumination, frappé, secoué par l'évidence. Les yeux révulsés, rendant ses iris dorés encore plus floues, plus étincelantes de folie, il recula, et siffla :

-J'ai trouvé bien mieux. Puisque c'est ça… ! Tu n'es pas sur l'estrade, tant pis pour toi ! Tu vas le regretter ! Toute ta vie, tu vas regretter de ne pas y être à la place du pauvre gamin que tu as mis là-bas ! Et t'auras beau hurlé, t'auras beau pleuré, ça changera rien !

Shagi papillonna des paupières, la respiration sifflante, incapable de faire un geste sans souffrir le martyr, et il contempla son ami d'enfance, la frimousse déformée par une folie meurtrière, et son frère, le teint décomposé.

Harry se trouvait là, avec Motisma et Nosferalto, puis la seconde suivante, un trou noir les avalait, les engloutissait dans le néant. Un fracas épouvantable secoua le bâtiment, et Peter se jeta sur la baie vitrée, il hurla, mais son cri d'avertissement se répercuta, s'écrasa sur la paroi translucide qui le disloqua avant qu'il n'atteigne sa cible.

Dans la foule, les Hypnomade et Natu que tous les membres de Twilight croyaient appartenir à Clément ou Lucio levèrent les bras et un rayon violacée, une attaque prescience zébra l'air en même temps qu'un éclair fendit les cieux.

La salve dévastatrice heurta Theodd qui fut balayé comme une feuille dans la brise d'automne.

Les exclamations épouvantées strièrent l'atmosphère.

Les genoux de Peter cédèrent sous leurs poids.

Yoann vacilla sous le choc.

Une foule de sensations l'envahit aussitôt, le froid, la surprise, la suffocation. Comme si son esprit avait brusquement débordé de son corps une seconde, pour revenir tout secoué dans son contenant brisé.

Instinctivement, il porta la main à son ventre ; et serra les dents. Un ordre lui échappa par réflexe. Le souvenir de Sunny, sa survie à l'explosion le heurtant aussi promptement que le rayon mortel. Il sentit une main se poser le retenir dans sa chute, avant que son injonction ne se trouve exaucé par Noadkoko.

Une aura verte pâle l'entoura, une Rune protect, et il put se redresser aussitôt, sans même sentir la moindre douleur. Blake derrière lui parut surpris de le voir se remettre sur pied et bafouilla un « ça va ? » perdu.

Yoann ne répondit pas, tout autant à sa question, qu'aux cris qui résonnaient dans son casque et répétaient le même genre de demande. Il contempla ses mains, son corps, entouré de l'aura, et tâta l'endroit de sa blessure, cachée par sa cape. Un trou béant, au niveau de la rate. Il ne s'y connaissait pas des masses, mais il savait ce que cela signifiait.

Une seconde, la panique l'envahit. Les sons l'assaillirent de toute part, le rendant sourds. Ses Pokémons, tout ce qui lui restait à faire, ce qui le rattachait à ce monde, ses promesses, les options qui s'offraient à lui en cet instant. Il contempla l'œuvre de sa vie en face. Et il ne discerna rien. Il n'avait rien fait de remarquable de toute son existence.

Puis ; brusquement la terreur se dissipa.

Un regard vers l'estrade, vers le promontoire où il récitait son discours devant les caméras, les visages des spectateurs pétrifiés par la peur, tout cela prit écho en lui, et avant qu'il ne réalise lui-même, il reprenait déjà sa place. Son regard se posa sur la foule et plus principalement sur la frimousse de Sunny, dont les joues blanches se teintèrent d'un couleur recouvrée en le revoyant à sa place. Les mots lui revinrent en tête et ils coulèrent en lui, comme une cascade déferlante, abondante, naturellement. Son souffle s'engouffra dans son gosier, comme une mélodie cinglante, vibrante encore, chaude, emprunte d'une vitalité vacillante.

-Le monde actuel court à sa perte, nos amis, nos familles, nous sommes tous exposés aux mêmes dangers, plus personne n'est à l'abri ! Voulez-vous vraiment que sur l'ordre d'un inconnu aux desseins ambitieux, être foudroyés sur place ? Quel genre de personne peut accepter pareille condition ? Nous aspirons à la même liberté ! Pour un futur que la prochaine génération pourra choisir ! Une génération libre d'évoluer dans un monde sans dangers, un monde où il y fait bon vivre !

La foule parut effrayée par les paroles de Théodd, tous apeurés par la vision de cet homme, ce mécène, qui venait de se faire transpercer par un rayon mortel, et qui défiant la mort, se relevait pour porter son message.

Le regard de Yoann se posa sur Sunny, et même si elle ne put le voir, il lui adressa un sourire. Les mots qu'il lui avait confié à son réveil à l'hôpital, résonnait en son cœur plus certainement que les battements hasardeux ébranlant torse.

« C'est parce qu'il y a des gens comme toi, qui ont conscience que le changement est à notre portée, que le monde évolue. J'en avais moi aussi du quotidien de ma maison, de cette torpeur paralysante. Twilight est un regroupement de ce genre de personnes, ceux qui veulent un monde meilleur, ceux qui veulent sortir des chemins tracés. En cela, c'est pour ça que je crois en Twilight, que je crois en l'humanité. »

Il leva la tête et tâcha de discerner les visages familiers qui peuplaient la foule, tous, sans exception, le regardaient avec une mine anxieuse, un soulagement qu'il n'osait encore faire exploser. Yoann trembla imperceptiblement et ses lèvres se crispèrent sur son discours :

-Qu'attendez-vous au juste pour agir ? De perdre un être cher ? Nous ne voulons rien d'autres que la paix ! S'il doit y avoir une bataille, alors, à contre cœur, nous la mènerons ! Il est injuste de classifier certaines personnes de mauvaises, et d'autres de bonnes. Seuls nos désirs et nos objectifs divergent !

Il plaqua ses mains sur le parloir de bois et ses doigts se raidirent sur leurs prises, déjà froids.

-C'est à vous, et uniquement à vous de décider de quel avenir vous désirez. Personne, ni les Teams, ni nous, ne pouvons vous forcer à nous suivre dans cette guerre qui se prépare. Nous ne savons pas qui gagnera la bataille : Il est possible que nous perdions tous des amis, des êtres chers…Il est probable que ceux que nous affrontons sont mieux préparés que nous et plus forts que nous…Mais…

Yoann fixa de nouveau Sunny, droit dans les yeux, alors qu'il prononçait dans un souffle tendre :

« Moi, j'ai foi en l'humanité »

Il ferma les paupières et acheva, emplis de certitudes, un sourire comblé étirant ses traits :

-Je sais que nous parviendrons un jour à établir une ère de paix totale.

Un cri surgit de toute part, relayé par les micros liant tous les membres de twilight les uns aux autres, et les Abra qui se tenaient en embuscade partout sur le stade, levèrent les bras.

En un souffle, tous les membres de l'organisation, conscients, vivants ou morts, pleurant ou riant, s'envolèrent dans un flash aveuglant.

Quand Yoann rouvrit les yeux, le paysage de la conférence de presse s'était volatilisé pour céder sa place à celui bien connu du Qg de Twilight. Il remarqua le ciel au dessus de la chaîne de montagnes aux embruns d'argents, qui se teintait lentement d'un pourpre mélancolique malgré la pluie battante. Une douce et lancinante musique célébrait la fin du jour.

La fin de ses jours.